L’animal et le droit - La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019

ACTU

Les prémices de la protection animale sont symbolisées par la fameuse loi Grammont de 1850. Le renforcement de cette protection s’est ensuite et notamment appuyé sur l’évolution du rapport à l’animal de compagnie, justifiant l’adoption de plusieurs réformes, avec la reconnaissance de la qualité d’« être vivant doué de sensibilité » inscrite dans l’article L. 214-1 du Code rural et de la pêche maritime.

Pourtant, le xxie siècle semble marquer un véritable tournant dans cette appréhension de la protection de l’animal. Celui-ci est d’abord social et sociétal, avec la prise en compte du bien-être animal dans son quotidien, l’évolution des produits certifiés bio ou végan, l’importante médiatisation des dérives de traitements blâmables infligés aux animaux à l’appui de vidéos ou d’initiatives à l’image du “lundi vert”.

Cette transformation est également juridique. Par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, le législateur crée l’article 515-14 du Code civil qui dispose : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. » Cet article démontre le processus engagé vers une nouvelle considération de l’animal, renforçant la réflexion pour un statut autonome.

De même, la multiplication des enseignements en droit de l’animal à l’université (Brest, Limoges ou Strasbourg), comme de nombreux colloques et ouvrages (des manuels mais également un Code de l’animal), présagent une évidente évolution à venir. Pourtant, la souffrance animale se poursuit, comme l’illustrent la surexploitation animale, les conditions de transport et d’abattage, les battues préventives, les conditions de la chasse, la persistance de la tauromachie ou les multiples faits divers monstrueux. Une évolution culturelle est impérative pour renforcer cette protection, par la poursuite d’une plus grande considération de l’animal. Le renforcement de cette considération peut s’appuyer sur un travail de sensibilisation au bien-être animal, pour lequel les professionnels animaliers – notamment les vétérinaires – ont un évident rôle à jouer.

Dès lors, différentes évolutions législatives doivent accompagner ce processus.

Si la création d’un statut civil autonome se présente comme une solution efficace, l’amélioration de la protection pénale apparaît comme une réponse plus aisée et plus rapide à mettre en œuvre à court terme. Il serait ainsi possible d’étendre le champ d’application des principales incriminations aux animaux sauvages, à l’image des mauvais traitements (article R. 654-1 du Code pénal) et des actes de cruauté (article 521-1 du Code pénal). Cette absence de protection de l’animal sauvage souligne le réflexe persistant de protéger l’animal par référence à l’affection que lui porte l’homme. Il convient désormais de raisonner sur une protection de l’animal en raison de sa qualité d’être vivant doué de sensibilité. Dès lors, des réflexions devront être engagées pour envisager l’aggravation des peines de certaines incriminations, par exemple, le délit d’abandon prévu par l’article 521-1 du Code pénal. Ce renfort du dispositif pénal doit accompagner les actuelles actions pénales, parfois à l’appui des associations de défense des animaux agissant sur le fondement de l’article 2-13 du Code de procédure pénale. Une protection effective des animaux doit s’affirmer, sans s’inscrire dans le recours à la violence illégale. En ce sens, le juriste – notamment le pénaliste – doit jouer un rôle fondamental, aux côtés des professionnels vétérinaires.

FRANÇOIS-XAVIER ROUX-DEMARE

est doyen de la faculté de droit, économie, gestion et administration économique et sociale (AES) et maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’université de Brest (Finistère). Depuis 2016, cette faculté propose aux étudiants d'étudier le droit des animaux dans le cadre d’une unité d'enseignement (UE) libre.

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