L’abattoir mobile : transportons la viande, pas les animaux - La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019

ACTU

Depuis plusieurs années, des vidéos d’abattoirs ou de transports d’animaux vivants se succèdent dans les médias et choquent la société. Jouant sur la corde sensible de l’émotivité, elles sont venues mettre sur le devant de l’actualité la question de l’abattage de nos animaux d’élevage. Éleveurs et consommateurs, demandeurs de solutions alternatives aux abattoirs industriels ont dernièrement été entendus par les élus, puisque la loi EGalim, publiée au Journal officiel le 30 octobre 2018, a prévu en son article n° 73 une expérimentation portant sur la mise en place d’abattoirs mobiles sur le territoire.

Cette disposition marque définitivement un tournant dans l’histoire de l’abattage de nos animaux de boucherie, et je ne peux que m’en réjouir après avoir tant milité pour cette cause. En effet, depuis l’été 2016, nous travaillons avec mes associés de Le Bœuf Éthique à mettre en place un abattoir mobile pour bovins en France.

À la recherche du meilleur steak in France

Éleveurs et engagés dans une démarche de haute qualité, nous avons été contactés par Franck Ribière, réalisateur du film Steak (R)évolution, pour son projet de livre Steak in France (Éditions de La Martinière). C’est dans ce cadre que nous avons découvert l’abattoir mobile et rencontré Britt-Marie Stegs, sa fondatrice en Suède. J’ai vécu cette expérience comme une révélation, qui allait déterminer le reste de ma vie, puisqu’à peine le pied posé sur le tarmac, nous décidions de mettre en place cet abattoir en France. C’est ainsi que Le Bœuf Éthique est né, dans un avion entre Stockholm et Paris !

Concrètement…

Cette unité d’abattage mobile est réservée à l’espèce bovine et dénombre cinq remorques au total. L’ensemble permet de disposer des équipements de vestiaires, sanitaires, de bureaux pour tous les agents, d’une chaîne d’abattage complète, de deux camions de ressuage des carcasses et d’une réservée aux sous-produits. Elle est capable de traiter 2 000 tonnes équivalent-carcasse (tec) par an et six bovins par heure. De par sa conception innovante, cet outil est complètement autonome en électricité et en eau. L’ergonomie a également été réfléchie pour offrir aux opérateurs des conditions de travail optimales malgré les spécificités liées à la mobilité. L’abattage sera pratiqué par des opérateurs professionnels spécifiquement formés à cet outil par l’équipe suédoise qui travaille depuis 2014 sur cet équipement. Un partenariat d’exclusivité sur la France avec les Suédois permet d’appréhender, avec sérénité et recul, l’utilisation d’un tel abattoir.

Un abattoir au service d’une nouvelle filière

Pour l’aspect économique, cet outil revient à environ 1,5 million d’euros, mais tout est relatif et rapporté à la tonne “abattue”, il ne coûte que 750 à 1 000 € par tonne contre 3 000 à 4 000 € par tonne pour un fixe. De la même manière, en raisonnant en coût d’abattage par kilo de carcasse, il faudra inclure, aux coûts des abattoirs fixes, ceux dits d’approches (coûts de transport, de rassemblement ou d’alottement des animaux) que l’interprofession établit usuellement à 0,5 € par kilo de carcasse. Nous avons opté pour une stratégie de valorisation de cet abattoir mobile en le mettant au profit d’une nouvelle filière de viande d’exception, dans laquelle les éleveurs seraient correctement rémunérés. Les éleveurs partenaires nous vendent, via une contractualisation, leurs animaux vivants. Nous les abattons et nous nous chargeons de la vente de la viande sous notre marque.

Cette viande sera ensuite distribuée dans des enseignes partenaires, en boucherie, dans les restaurants et même dans les collectivités.

ÉMILIE JEANNIN

est éleveuse de vaches charolaises dans le département de la Côte-d’Or. Après un cursus scolaire varié (brevets de technicien supérieur agricole et technico-commercial, licence de psychologie), elle a conseillé pendant plusieurs années des jeunes dans leur parcours à l'installation en agriculture. En 2006, elle reprend avec son frère les rênes de la ferme familiale, spécialisée depuis 1996 dans la vente directe de viande bovine. Depuis 2016, elle travaille pour la mise en place du premier abattoir mobile pour bovins en France avec sa société Le Bœuf Éthique, dont elle est la présidente et directrice générale déléguée.

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