Un cas d’aélurostrongylose chez une chatte - La Semaine Vétérinaire n° 1799 du 24/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1799 du 24/02/2019

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

PRÉSENTATION DU CAS

Anamnèse

Une chatte européenne de 8 mois est présentée pour explorer l’origine d’un syndrome de détresse respiratoire aigu survenu pendant une anesthésie. Trois jours auparavant, lors de l’induction anesthésique en vue de réaliser une ovariectomie, elle présente une dyspnée mixte sévère qui nécessite la mise en place d’une oxygénothérapie. La normalisation rapide de la courbe respiratoire permet cependant la poursuite de l’anesthésie et la réalisation de l’acte chirurgical sans complication. Elle vit en maison avec un autre chat et à accès à l’extérieur où elle est en contact avec d’autres animaux. Elle n’a pas voyagé depuis son adoption. Les propriétaires rapportent une toux intermittente, possiblement associée à une intolérance à l’effort. En raison de l’âge de l’animal, le vétérinaire traitant suspecte une cardiopathie congénitale ou une cardiomyopathie motivant la réalisation d’un examen échocardiographique.

Examen clinique

La chatte est en bon état général et son score corporel est évalué à 4/9. La température rectale est de 39 °C. Elle présente une toux non productive, une dyspnée mixte possiblement restrictive. Elle est en tachypnée, la fréquence respiratoire est de 45 mouvements par minute. L’auscultation pulmonaire révèle des crépitants en fin d’inspiration. La fréquence cardiaque est de 200 battements par minute. L’auscultation cardiaque ne révèle aucune anomalie. Le reste de l’examen clinique est normal.

Hypothèses diagnostiques

Chez un jeune chat, face à ce type de tableau clinique, une affection respiratoire inflammatoire, infectieuse (parasitaire) ou non (asthme, bronchite chronique), est privilégiée. Les cardiopathies congénitales les plus fréquentes (communications interventriculaires et dysplasies des valves atrioventriculaires) peuvent être exclues en l’absence de souffle cardiaque audible. Une cardiopathie congénitale plus complexe, ainsi qu’une cardiomyopathie (par exemple, hypertrophique non obstructive) ne peuvent être éliminées.

Examens complémentaires

L’hémogramme montre une leucocytose sévère (26,3 m/μl ; valeur usuelle [VU] 5 à 13) marquée par une lymphocytose (11,1 m/μl ; VU 0,9 à 3,4) et une éosinophilie (3,7 m/μl ; VU 0,1 à 1,3). Face à cette éosinophilie, une affection parasitaire et une migration larvaire au sein des tissus ou une réaction d’hypersensibilité comme l’asthme sont les hypothèses privilégiées. Les radiographies thoraciques (photo ci-contre) montrent une opacification pulmonaire nodulaire interstitielle et bronchique.

Une cardiomyopathie et une cardiopathie congénitale sont exclues sur la base de l’examen échocardiographique, cependant, une hypertrophie du ventricule droit modérée associée à une dilatation du tronc pulmonaire et de l’artère pulmonaire droite oriente vers une hypertension pulmonaire. Cependant, celle-ci ne peut être mise en évidence en l’absence d’une insuffisance tricuspidienne et pulmonaire.

L’examen bronchoscopique révèle la présence de mucus en grande quantité et un bronchospasme en l’absence de remaniement bronchique chronique. Le liquide de lavage broncho-alvéolaire est incolore, trouble avec des dépôts blanchâtres. Son analyse met en évidence une cellularité augmentée (5 700 cellules/μl), avec une population inflammatoire mixte composée de granulocytes éosinophiles (65 %) accompagnés de quelques hémosidérophages et neutrophiles. La présence de larves et d’œufs (photos page 25), dont la morphologie est compatible avec des strongles pulmonaires, est également notée.

Diagnostic

Un diagnostic d’infection à strongle pulmonaire est établi.

Traitement

Un traitement spot-on à base d’imidaclopride et de moxidectine (Advocate®) est mis en place avec deux applications à 15 jours d’intervalle. La chatte est confinée à l’intérieur, afin de limiter les risques thromboemboliques parasitaires. La toux persiste de manière chronique pendant 2 semaines. Il a été conseillé de traiter l’autre chat du foyer, ce qui a provoqué chez lui l’apparition d’une toux, laissant supposer une parasitose par le même strongle. Deux mois après le diagnostic, l’examen clinique du chat est normal. La radiographie de contrôle montre une disparition des signes d’opacification pulmonaire.

DISCUSSION

Les parasitoses respiratoires du chat et leur cycle

Aelurostrongylus abstrusus est le strongle pulmonaire le plus fréquemment rapporté chez cette espèce. Les autres vers pulmonaires du chat comprennent Oslerus rostratus, Troglostrongylus spp., Capillaria aerophila et Paragonimus spp. A. abstrusus, O. rostratus et Troglostrongylus peuvent provoquer des infections mixtes, car elles partagent les mêmes hôtes intermédiaires, des gastéropodes, et paraténiques (batraciens, reptiles, oiseaux et petits mammifères). Les deux dernières espèces sont probablement sous-estimées en raison de la difficulté à différencier les larves L1 de celles d’A. abstrusus (figure page 24).

Les chatons peuvent être infectés par la mère pendant la gestation et développer une maladie plus sévère à un stade précoce, en raison du plus petit diamètre des voies respiratoires et de leur système immunitaire immature.

Signes cliniques et démarche diagnostique

Dans la majorité des cas, les infections parasitaires sont asymptomatiques. Cependant, elles peuvent être à l’origine de signes respiratoires non spécifiques allant de la toux à l’insuffisance respiratoire grave. Lors d’infestation massive, des épanchements pleuraux ou pneumothorax sont rapportés. En raison d’une symptomatologie pouvant mimer les signes cliniques de l’asthme, telles que de la toux, une tachypnée ou une dyspnée, les affections parasitaires pulmonaires sont à exclure impérativement avant l’utilisation d’une corticothérapie.

Les radiographies thoraciques peuvent apparaître normales ou présenter une opacification pulmonaire interstitielle nodulaire diffuse et/ou bronchique, ou parfois alvéolaire. La coproscopie par méthode de Baermann est considérée comme la technique de choix. Elle nécessite une récolte de selles pendant 3 jours consécutifs pour en augmenter la sensibilité et diminuer le nombre de faux négatifs. Une coproscopie simple peut être nécessaire pour rechercher une migration erratique parasitaire chez certains chats (par exemple, migration de Toxocara cati chez de très jeunes chats présentés pour troubles respiratoires sévères). En raison d’une période prépatente de 1 à 2 mois, l’examen coproscopique peut être négatif en début d’évolution. La bronchoscopie associée à un lavage broncho-alvéolaire est un examen de choix dans les affections respiratoires chez le chat. Elle permet parfois la détection de larve dans le liquide analysé. Cependant, l’examen microscopique ne permet pas de faire un différentiel de l’espèce parasitaire. Un test d’amplification en chaîne par polymérase (PCR) spécifique à A. abstrusus, sur selles ou écouvillon pharyngé, a été développé, mais n’est actuellement pas disponible en France. Il permettra d’augmenter la sensibilité de détection de cette affection parasitaire.

Traitement

Les options thérapeutiques sont rapportées dans le tableau. Les glucocorticoïdes par voie orale ou en inhalation, tout comme les bronchodilatateurs (β-2-agonistes, comme la terbutaline ou le salbutamol), peuvent être recommandés dans les cas sévères pour diminuer l’inflammation bronchique et le bronchospasme. Lors d’infections bactériennes secondaires, il peut être nécessaire de mettre en place une antibiothérapie idéalement basée sur la culture du lavage broncho-alvéolaire.

Bibliographie

- Pennisi M. G., Hartmann K., Addie D. D. et coll. Lungworm disease in cats : ABCD Guidelines on Prevention and Management. J. Feline Med. Surg. 2015;17 (7):626 36.

- Taylor M. A. et coll. Veterinary helminthology. In : Taylor MA et coll. Veterinary parasitology, 4e éd. Wiley-Blackwell. 2015.

- Cohn L. Diseases of the Pulmonary Parenchyma. In : Ettinger, SJ et coll. Textbook of Veterinary Internal Medicine, 8e éd. Saunders. 2016.

Paul Ghislain Praticien à la clinique Lingostière, Nice (Alpes-Maritimes).

Alexis Lecoindre Diplomate Ecvim-CA, praticien à Onlyvet, Saint-Priest (Rhône).

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