Maillage vétérinaire : le grand flou - La Semaine Vétérinaire n° 1799 du 24/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1799 du 24/02/2019

SALON INTERNATIONAL DE L’AGRICULTURE

ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Au Salon international de l’agriculture, l’insuffisance du maillage vétérinaire inquiète fortement les acteurs du secteur de l’élevage.

La profession vétérinaire évolue. Le Salon international de l’agriculture (SIA), qui s’est déroulé du 23 février au 3 mars à Paris, est sans aucun doute un indicateur de cette mutation. Sans surprise, la question du maillage vétérinaire arrive en tête des préoccupations des acteurs de l’élevage français. « Nous rencontrons de plus en plus de déserts vétérinaires », a ainsi déclaré Étienne Gangneron, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). La question du maillage n’est pourtant pas nouvelle. « Une feuille de route “Réseau de vétérinaires dans les territoires ruraux” avait été élaborée il y a deux ans, conjointement par le ministère de l’Agriculture et les représentants professionnels vétérinaires et du monde de l’élevage, pour accentuer le maillage des vétérinaires ruraux en France, a souligné Patrick Dehaumont, directeur de la Direction générale de l’alimentation. Or, la mise en place de ses différentes recommandations n’avance pas toutes à la même vitesse. »

Une question pas que financière

« Actuellement, le monde de l’élevage en est au stade de la survie », a alerté Bernard Lannes, président de la Coordination rurale. Avec deux tiers des exploitants qui ne gagnent que 305 € par mois, la vraie urgence, pour lui, est de relancer l’élevage, la problématique du maillage vétérinaire n’étant que la conséquence de cette situation. « Il faut que les agri culteurs arrêtent d’être les derniers maillons de la chaîne, a-t-il martelé. Si on remet du tissu rural dynamique, les vétérinaires reviendront. » Pour autant, l’argent n’explique pas tout. « Même pour les nouveaux diplômés avec des attaches au milieu rural, ce n’est pas évident d’y construire sa vie avec toute la famille », a noté Christine Marlin, responsable service élevage et agroéquipement de l’Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). L’organisation des gardes et des astreintes pose aussi souci, comme le souligne Étienne Gangneron : « Sur le terrain, nous constatons que ce sont les cabinets multiples, permettant un allégement des contraintes des astreintes, qui fonctionnent bien, à l’image des maisons médicales. Des dispositifs comme ceux-là peuvent attirer les jeunes. »

La contractualisation, une solution suffisante ?

Actuellement, une des principales solutions proposées pour améliorer le maillage à court terme est la contractualisation. Si la solution, de l’avis de Laurent Perrin, apparaît efficace où elle a été testée, pour Michel Combes, président de la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire (GDS France), il faut aller plus loin, car « assurer la sécurité financière ne suffit pas ». Dans les zones où les éleveurs persistent mais pas les vétérinaires, Michel Combes regrette que les vétérinaires employés par les GDS, les groupements d’éleveurs ou les coopératives ne puissent pas avoir le droit d’exercer la médecine. Les déserts vétérinaires rendent aussi, pour lui, difficilement applicable la contractualisation entre un éleveur et un vétérinaire. Dans ces zones, une contractualisation groupée peut être une solution : « Pourquoi ne pas imaginer une contractualisation pour un service vétérinaire, avec un pool de praticiens à mobiliser à l’échelle d’une zone, le tout bien encadré. Le GDS serait en mesure de proposer cet encadrement, eu égard à son expérience dans l’organisation des prophylaxies, mais cela pourrait être tout aussi bien la profession vétérinaire. » Un système “gagnant-gagnant” qui permettrait, selon lui, de « ramener quelques jeunes dans le métier » en leur offrant un meilleur cadre de vie.

Repenser la formation initiale

« A priori, il y a de moins en moins d’étudiants qui se destinent à la rurale », a souligné Étienne Gangneron. Il fait d’ailleurs le constat que dans les zones très rurales, 80 % des cabinets vétérinaires sont tenus par des praticiens formés en Belgique. « Le cursus français n’est pas en phase avec la demande. Il faudrait être plus ancré dans la pratique. » Toutefois, attendre ne suffit plus, et les éleveurs réclament d’être davantage acteurs de la santé de leur troupeau. « Une des solutions au manque de vétérinaires ruraux serait que les éleveurs soient autorisés à réaliser des actes très simples sous caution vétérinaire, comme les échographies de reproduction, les castrations ou une partie de la prophylaxie, a ainsi proposé Étienne Gangneron. Ce n’est pas pour empiéter sur le travail des vétérinaires. Mais il faut en discuter. » Du côté de la Confédération paysanne, on réclame aussi une plus grande autonomie des paysans. « J’estime que les vétérinaires doivent nous redonner une autonomie de décision, tout en étant présent en tant qu’accompagnateur, en tant que soutien des éleveurs », a souligné Nicolas Girod, secrétaire national du syndicat, en charge de l’élevage.

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