Le territoire des autres

Si à l’ère de la réalité virtuelle on se plaît à utiliser le mot « immersion » pour qualifier toutes sortes de productions culturelles, il faut reconnaître que celle, cinématographique, que propose ce documentaire est réussie. Son approche tranche avec le conformisme dominant dans le cinéma animalier : le recours à des narrations explicatives et fabriquées ou à une technicité spectaculaire. Sans commentaire ni musique, Dans les bois s’en tient juste à la simple puissance d’enchantement de la combinaison des images et des sons naturels, illustrant comment leur collusion éveille en nous des sensations comparables à ce que nous vivons quand nous observons nous-mêmes la vie sauvage. À travers les feuillages de la forêt primaire lituanienne (une des dernières d’Europe) qu’il se donne pour cadre, du sol à la cime des arbres, avec une minutie, une discrétion et une patience infinies, le film capte des moments choisis de cette vie secrète à l’abri des bois. Il aura fallu pour cela quatre ans de préparation et quatre ans de tournage, réalisé le plus souvent par un homme seul. De la tanière des loups à l’arbre creux d’une famille de chouettes, du nid d’une cigogne noire à celui d’un loir endormi, nul besoin d’explication pour nous faire éprouver la grâce de ces vies vulnérables. La belle qualité du regard et de l’écoute suffit à suspendre le temps pour faire vibrer en nous la fascination contemplative de l’affût. Assurément, un des plus beaux films animaliers que l’on a vu depuis longtemps.
•

Dans les bois de Mindaugas Survila, Lituanie, 1 h 03, sortie le 6 mars.