Le juste milieu - La Semaine Vétérinaire n° 1798 du 16/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1798 du 16/02/2019

Edito

Auteur(s) : TANIT HALFON . 

Apparemment, le “naturel” serait meilleur pour tout. Et particulièrement bon pour la santé. Après une succession de scandales pharmaceutiques, rien d’étonnant à ce que cette croyance populaire revienne sur le devant de la scène. Et puis, le “naturel” n’évoque-t-il pas la belle campagne, ses senteurs florales et le chant mélodieux des oiseaux ? Assurément, on se sent tout de suite mieux. Le “chimique”, en revanche, est plus volontiers associé à des images lugubres, telles que celles de sites industriels pollués, voire, aujourd’hui, de scènes de guerre. Mais le vétérinaire le sait bien, l’opposition du “naturel” au “chimique” cache des réalités bien plus complexes. 70 % de la pharmacopée actuelle ne provient-elle pas du monde végétal ? Sans oublier qu’une plante, mal utilisée ou utilisée tout court, peut devenir un poison1. En élevage biologique2, le “naturel” est roi. « En cas de maladie ou de blessure d’un animal nécessitant un traitement immédiat, il convient de limiter l’utilisation des médicaments allopathiques au strict minimum », indique en préambule la réglementation. « Les produits phytothérapiques, les produits homéopathiques, les oligoéléments (…) sont utilisés de préférence aux médicaments vétérinaires allopathiques chimiques de synthèse », sous conditions d’efficacité, précise-t-elle. D’aucun pourrait rapidement conclure, à tort, que la chimie, plus on s’en passe, mieux on se porte. Et les vaches, cochons, poules… seront bien gardés ! Ne pourrait-on pas y voir une porte d’entrée pour les amateurs de l’empirisme, voire pour les guérisseurs et leurs recettes ? Cela étant dit, il s’agirait de ne pas occulter le fait que de nombreux retours d’expérience et remontées de terrain de consœurs et confrères confirment l’efficacité des produits dits “naturels” pour la gestion de la santé des troupeaux… bio ou pas. Dans un contexte mondial d’antibiorésistance, leur usage pourrait, de plus, aider à réduire l’exposition des animaux de rente aux antibiotiques. Aussi, répétons encore une fois : cette opposition cache des réalités bien plus complexes. En y regardant de plus près, la vraie question n’est pas de savoir qui du “naturel” ou du “chimique” l’emporte, mais quand et pourquoi l’on doit utiliser tel ou tel produit. Et surtout, quand il n’est pas nécessaire de le faire, dans les cas où un travail sur les pratiques d’élevage suffirait. Bref, c’est tout l’art d’exercer la médecine vétérinaire.●

1 bit.ly/2TayfbR.

2 Lire pages 36 à 42 de ce numéro.

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