Adénocarcinome surrénalien chez un furet - La Semaine Vétérinaire n° 1798 du 16/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1798 du 16/02/2019

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Commémoratifs, anamnèse et examen clinique

Un furet mâle stérilisé chirurgicalement, âgé de 5 ans, est référé en consultation pour alopécie extensive légèrement prurigineuse évoluant depuis plusieurs semaines, sans altération de l’état général. Un traitement antiparasitaire à base de sélamectine n’a pas permis d’amélioration. Aucun antécédent médical n’est rapporté. À l’examen clinique, l’état d’embonpoint est évalué à 3/5. Une alopécie dorso-caudale et des flancs est notée, sans autre anomalie. La première hypothèse est une maladie surrénalienne, fréquemment développée 3 à 4 ans après une stérilisation chirurgicale. D’autres hypothèses, plus rares, peuvent être évoquées, comme une allergie alimentaire, une dermatose non endocrinienne ou une mue excessive.

Examens complémentaires

À l’échographie abdominale, l’épaisseur des surrénales gauche et droite est respectivement de 8 et 3,6 mm, avec une échostructure conservée et un aspect homogène. Une tumeur ou une hyperplasie surrénalienne, principalement à gauche, est diagnostiquée (épaisseur de la glande supérieure à 3,9 mm).

Traitement médical

Pour des raisons financières, la chirurgie de surrénalectomie n’est pas réalisée, seul un implant de desloréline 9,4 mg (Suprelorin©) est posé. Six mois plus tard, une nouvelle échographie révèle une augmentation de 2 mm de l’épaisseur de la surrénale gauche, ainsi que des foyers de calcification au niveau de la droite. L’examen de la rate apparaît anormal : splénomégalie sévère, parenchyme hétérogène et contours irréguliers. Une surrénalectomie gauche et une splénectomie sont acceptées par le propriétaire.

Traitement chirurgical

Le bilan biochimique pré-anesthésique ne montre aucune anomalie. Le furet est prémédiqué à l’aide de médétomidine (40 µg/kg par voie intramusculaire [IM]), morphine (0,2 mg/kg IM) et de midazolam (0,5 mg/kg IM), induit au propofol (3 mg/kg par voie intraveineuse [IV]), puis intubé (sonde 2,5). L’anesthésie est maintenue avec de l’isoflurane. Après désinfection chirurgicale de l’abdomen, la peau et la ligne blanche sont incisées, la surrénale gauche est immédiatement visible (photo 1). Une dissection délicate des tissus au coton-tige permet la ligature de la veine phrénico-abdominale au fil tressé résorbable 4.0, puis le retrait de la glande. La rate est réclinée latéralement et les vaisseaux sanguins ligaturés au plus près de l’organe afin de procéder à la splénectomie (photo 2). Les plans musculaire et cutané sont enfin suturés.

Suivi

Le furet est hospitalisé durant 5 jours. Il reçoit de la morphine, puis de la buprénorphine (20 µg/kg par voie sous-cutanée [SC], deux fois par jour), du méloxicam (0,2 mg/kg SC, une fois par jour), du sucralfate et du chlorure de sodium 0,9 % en perfusion (5 ml/kg/h). Aucun traitement n’est prolongé à domicile. Un mois après, l’examen clinique est normal.

L’analyse histologique revient en faveur d’un adénocarcinome cortico-surrénalien multinodulaire, ainsi que d’une hyperplasie diffuse de la pulpe rouge de la rate, sans processus tumoral (foyers d’hématopoïèse).

Discussion

Pathogénie

La maladie surrénalienne est courante chez les furets. Elle se développe à la suite d’une stérilisation chirurgicale, par perte du rétrocontrôle négatif exercé par les hormones sexuelles sur l’axe hypothalamo-hypophysaire. La sécrétion de GnRH (Gonadotrophin-releasing hormone) augmente alors, induisant des pics d’hormone lutéinisante (LH) qui stimulent la cortico-surrénale. Celle-ci se tumorise rapidement. Le diagnostic de certitude s’établit à l’échographie abdominale : l’épaisseur des surrénales ne doit pas dépasser 3,9 mm et le parenchyme doit être homogène, sans signe de calcification. Ces tumeurs métastasent peu, mais demeurent agressives localement, avec infiltration possible de la veine cave caudale lorsque la surrénale droite est touchée.

Traitement

L’implant de desloréline, agoniste de la GnRH, permet une régression des symptômes (repousse du poil, réduction de l’œdème vulvaire, etc.). Les durées de survie moyennes semblent identiques avec ce traitement et une surrénalectomie (13 à 16 mois environ avant d’observer une récidive ou des lésions sur la glande controlatérale). Cependant, la desloréline ne semble pas avoir d’effets sur la tumeur elle-même, et cette dernière continue de croître et potentiellement de métastaser. C’est pourquoi le traitement de choix d’une maladie surrénalienne reste la surrénalectomie lorsque l’animal est en état de la supporter. Un implant doit tout de même être posé, après chirurgie unilatérale, afin de protéger la glande controlatérale.

Anaïs Sailler Praticien à FauneVet, CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).

Emmanuel Risi Praticien à FauneVet, CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).

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