La médiation pour résoudre les conflits - La Semaine Vétérinaire n° 1797 du 10/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1797 du 10/02/2019

CLIENTÈLE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT  

Plutôt que de laisser s’envenimer un désaccord, faire appel à la médiation est utile pour traiter rapidement un conflit naissant. Active depuis deux ans, cette formule permet de résoudre la majorité des conflits qui lui sont soumis.

Le réflexe n’est pas encore bien ancré, et la colère étant souvent mauvaise conseillère et peu favorable à la discussion, la médiation est une solution encore mal connue. Pourtant relativement simple, gratuit et rapide, le processus de médiation est proposé depuis 2015 en matière civile et commerciale. Il concerne tous les types d’activité. Ainsi, dans le champ vétérinaire, le propriétaire d’un animal en conflit avec son vétérinaire peut y recourir gratuitement. Le processus est organisé par l’Ordre qui nomme un médiateur ; tout client mécontent de la prestation de son vétérinaire peut le saisir. «   Nous intervenons pour trouver une solution consensuelle à un litige avant une action en justice ou une plainte ordinale. Il s’agit de régler les litiges relatifs aux prestations des vétérinaires, notamment ceux les honoraires, aux ventes accessoires lorsqu'aucune solution amiable préalable n'a pu être trouvée entre les parties   », résume Dona Sauvage, médiatrice de la consommation proposée par l’Ordre national des vétérinaires et nommée par la Commission d'évaluation et de contrôle de la médiation (CECM).

Dialoguer pour cheminer vers une solution partagée

Pour parvenir à cette issue, le médiateur ne dispose que d’une arme : le dialogue. «   Je contacte d’abord les deux parties afin d’entendre leur position respective et l’analyse qu’elles font du problème qui m’est soumis   », explique Dona Sauvage. Sur ces bases, le médiateur organise alors une rencontre entre le client et son vétérinaire afin d’abord de renouer un dialogue souvent rompu et de laisser chacun faire part de ses griefs envers l’autre. L’essence même de la médiation qui vise à favoriser l’émergence de problématiques et de solutions communes venant des personnes elles-mêmes, sans chercher à résoudre le conflit à leur place. Cela étant, le médiateur peut parfois avancer une solution lui semblant pouvoir faire consensus, mais son rôle reste bien d’aider les parties dans leur réflexion et pour faire émerger les décisions des parties. «   Elles peuvent s’en retirer à tout moment, fait valoir la médiatrice. Le médiateur est un facilitateur pour trouver une issue à un différend, il ne juge pas. À l’issue, il n’y a ni perdant, ni gagnant, mais seulement un conflit résolu   ». De fait, si sur 90 jours, les parties ne s’entendent pas, la médiation prend fin et le litige peut alors être porté en justice ou pas.

Les conditions requises pour se tourner vers le médiateur

Avant d’entrer en médiation, quelques conditions sont requises. La médiation ne peut s’exercer que dans un délai maximum d'un an à compter de la première réclamation écrite auprès du vétérinaire. Seul un client qui n’est pas un professionnel peut saisir le médiateur. Par ailleurs, la médiation ne peut concerner que des vétérinaires “privés”, les vétérinaires employés par l’administration ne sont pas visés par ce processus. Le vétérinaire peut quant à lui refuser la médiation au termed’un délai de réflexion de trois semaines maximum. Pour que le processus de médiation s’enclenche, il est impératif qu’aucune procédure judiciaire ne soit en cours, y compris devant la justice ordinale.

Accepter la transparence

Il faut également que le client qui demande une médiation ait déjà tenté de résoudre le litige qui l’oppose au vétérinaire grâce à un échange écrit, par courrier ou par e-mail, et que cette requête se soit soldée, dans un délai de deux mois, par une fin de non-recevoir ou une absence de réponse. En se tournant vers ce type de résolution de problèmes, les acteurs de la médiation doivent accepter d’être transparents et de fournir les documents permettant d’étayer leur position. «   Nous constatons relativement souvent que les vétérinaires refusent de transmettre les coordonnées de leur assureur en responsabilité civile professionnelle, pourtant, le fait de fournir cette information au client n’est absolument pas une reconnaissance de culpabilité et permettrait d’éviter quelques demandes de médiation. Cette transmission qui est une obligation déontologique est toujours préférable car elle apparaît comme une preuve d’ouverture et de transparence   », selon Dona Sauvage.

Les litiges les plus fréquents

Initiée en octobre 2016, la médiation vétérinaire concerne environ une quarantaine de dossiers par an. «   Le pourcentage de dossiers recevables a été en 2017 de 59   % et en 2018 de 53   %. Pour 39   % des non-recevabilités en 2018, l’irrecevabilité était liée à l’absence de réclamation écrite préalable auprès du professionnel. Par ailleurs, 28   % n’entraient pas dans le champ de compétence du médiateur   », précise-t-elle. Après avoir un peu tardé à trouver sa place, la médiation est aujourd’hui de mieux en mieux acceptée par les vétérinaires. «   En 2018, le pourcentage de refus de médiation de la part des vétérinaires a été de 6,2   % contre 69,5   % en 2017   », souligne la médiatrice. Les litiges les plus fréquents soumis à la médiation portent sur le coût des soins. Actes ne donnant pas les résultats escomptés, soins sans consentement éclairé, erreurs de diagnostic sont également assez souvent traités par le médiateur. Quel que soit le sujet donnant lieu à un différend, les résultats de la médiation sont probants. «   Le pourcentage des parties ayant trouvé elles-mêmes une solution pour résoudre leur différend lors de la médiation, s’élève à 50   % des médiations abouties. Pour les 50   % restants, le médiateur a fait une proposition acceptée par les deux parties   », précise Dona Sauvage.

Gratuite, confidentielle et rapide, la médiation bénéficie désormais de suffisamment de recul pour dresser un bilan plutôt positif. Elle s’avère être un outil relativement efficace pour venir à bout de litiges de nature très différente. Et surtout, elle est de mieux en mieux perçue par les vétérinaires, qui étaient plutôt réticents à l’accepter lors de sa création.

LES AUTRES DOMAINES OÙ PEUT S’EXERCER LA MÉDIATION

Univers vétérinaire ou non, les litiges avec des clients, autrement dit portant sur des questions relatives au droit de la consommation, sont un des sujets qui mobilise la majorité des actions des médiateurs. Pour autant, les entreprises peuvent elles aussi saisir un médiateur pour régler un litige à l’amiable avec leurs salariés, leurs clients ou leurs fournisseurs. Les désaccords touchant au droit du travail, comme une rupture de contrat de travail, ceux qui se nouent autour de questions liées à la propriété, ceux qui opposent une entreprise et une administration et bien d’autres peuvent ainsi être soumis au médiateur, au même titre que ceux liés au droit de la consommation. De façon générale, les litiges soumis aux médiateurs aboutissent à un consensus dans 75 % des cas. Pour assurer les médiations, il existe 60 médiateurs délégués sur l'ensemble du territoire national, dont 45 en région. Ces professionnels formés spécifiquement à la médiation sont soit issus du personnel de la Direccte, soit des retraités bénévoles, anciens chefs d'entreprise ou juges ayant exercé au tribunal du commerce. De quoi garantir une expertise dans les domaines couverts par la médiation.

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