Antibiotiques : réduire les pratiques inflationnistes - La Semaine Vétérinaire n° 1797 du 10/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1797 du 10/02/2019

SANTÉ PUBLIQUE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Dans un référé envoyé à la ministre de la Santé, la Cour des comptes dresse un constat alarmant sur la forte consommation d’antibiotiques en santé humaine. Elle propose une série de recommandations pour sortir de l’impasse.

Réduire l’usage des antibiotiques en santé humaine, c’est possible. La Cour des comptes a investigué sur la question de la prescription et de la consommation des antibiotiques, « dans un contexte de menace croissante de l’antibiorésistance ». Dans son référé1 publié le 14 février, les sages de la rue Cambon interpellent la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Il faut agir vite. « L’estimation de la mortalité liée à l’antibiorésistance en France est comprise entre 2 000 et 12 500 décès par an », alertent les sages. Ils constatent que la France a gardé un niveau élevé de consommation d’antibiotiques, orienté à la hausse depuis 2005, et observent que les pratiques de prescription et de dispensation sont en voie d’augmentation.

Les vétérinaires cités en exemple

Les sages partent d’un constat alarmant. En 2015, 1 300 tonnes d’antibiotiques ont été consommées en France : 730 concernaient la santé humaine et 570 la santé animale. « Ce niveau élevé, orienté à la hausse depuis 2005, signe l’échec des deux derniers plans de réduction de la consommation d’antibiotiques », notent les sages. Ils relèvent par ailleurs un écart important entre la consommation française et celle de ses proches voisins européens. Ainsi, la France se situait en 2016 parmi les trois pays les plus consommateurs d’antibiotiques dans l’Union européenne. Sa consommation en doses définies journalières pour 1 000 habitants est ainsi trois fois supérieure à celle des Pays-Bas. Autre indicateur important, le plan national d’alerte sur les antibiotiques est vu comme un échec. Son objectif, déjà “modeste”, d’une réduction de 25 % de la consommation indiqué dans le plan national d’alerte sur les antibiotiques (2011-2016), a dû être reporté à 2020. « Cet échec tranche par ailleurs avec la baisse de 36 % de la consommation d’antibiotiques en santé animale, sur la même période, et qui avait le même objectif de baisse de 25 % », souligne la Cour des comptes. Pour elle, les médecins peuvent mieux faire pour réduire les disparités entre les régions.

La dispensation à l’unité des antibiotiques

Il existe en effet un écart de plus de 25 % entre la région qui consomme le moins d’antibiotiques (Pays de la Loire) et celle qui en consomme le plus (Hauts-de-France). Les régions du Grand-Est et de la Normandie atteignent également des niveaux élevés. En cause, selon les sages, les pratiques de prescription et de dispensation inflationnistes comme l’excès de recours aux antibiotiques, des prescriptions trop approximatives dans le choix des molécules ou les durées de traitement, un mode de dispensation par boîte qui accentue la tendance à l’automédication et favorise la consommation. « Par exemple, les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) angine , qui permettent de distinguer les affections virales – pour lesquelles les antibiotiques ne sont pas pertinents – des affections d’origine bactérienne, ne sont utilisés que par 40 % des médecins généralistes », regrettent les rédacteurs. Pour contrer ces courbes ascendantes, la Cour des comptes recommande la mise en place de mesures pour réduire la consommation d’antibiotiques. Ils proposent entre autres de promouvoir l’utilisation d’un logiciel d’aide à la prescription, la dispensation des antibiotiques à l’unité, la formation continue obligatoire pour les médecins, ou la vérification croisée des prescriptions d’antibiotiques des médecins généralistes par leurs confrères coordonnateurs des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Et pour garantir l’effectivité de ces mesures, ils conseillent de recourir à l’instrument de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP).

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