Vétérinaire pour la vie, pour la planète : un acteur incontournable - La Semaine Vétérinaire n° 1796 du 03/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1796 du 03/02/2019

PROFESSION

ACTU

Auteur(s) : CORINNE LESAINE  

La première Journée nationale vétérinaire, inaugurée le 7 février au palais Brongniart à Paris auprès de 400 vétérinaires, a porté avec fierté les nouvelles couleurs de la profession et souligné ses nombreux rôles et enjeux.

Lancée à l’initiative des organisations représentatives vétérinaires, la Journée nationale vétérinaire tient à renforcer le lien, le partage d’expériences, les engagements et les perspectives d’avenir face aux nouveaux enjeux sociétaux. Les vétérinaires sont au cœur d’une transformation du rôle qu’ils jouent au carrefour du vivant, entre trois santés : animale, humaine et environnementale. Ils sont prêts à se faire entendre et à saisir les opportunités qui se présentent, comme ils le font depuis 250 ans.

Une profession au carrefour du vivant

Faire évoluer un corps professionnel, des métiers vers un objectif commun compris par tous est un défi d’ampleur pour les organisations professionnelles, comme l’a précisé Jacques Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), en organisant et en ouvrant, le 7 février au palais Brongniart à Paris, ce qui sera désormais, une des principales rencontres nationales vétérinaires. Tous les vétérinaires reconnaissent aujourd’hui trois enjeux indissociables de leurs fonctions, une initiative soutenue par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Didier Guillaume, qui est venu s’adresser aux 400 vétérinaires présents.

Le premier enjeu est celui de « garantir l’accès aux soins et la protection des animaux, leur bien-être, dans tous les bassins de vie, ruraux, urbains et périurbains, pour toutes les espèces, domestiques, d’élevage ou sauvages, pour toutes les catégories sociales, dont les plus défavorisées ». Le vétérinaire qui bénéficie d’une image positive à l’égard du public, par sa proximité et son sens du terrain, devient un interlocuteur privilégié pour tout ce qui touche la santé d’un écosystème vivant, même urbain. Les avancées significatives dans la lutte contre l’antibiorésistance pour préserver la santé de tous, le développement d’une médecine animale préventive, soutenue par le diagnostic au chevet de l’animal et, dans le futur, l’arrivée probable de nouvelles alternatives thérapeutiques innovantes (antibiotiques verts, absorbeurs dans le colon, renforcement de l’immunité, etc.) en sont une parfaite illustration. Gilles Salvat, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), Pierre-Louis Toutain, professeur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, et desvétérinaires responsables du développement dans l’industrie pharmaceutique sont venus répondre aux questions posées à ce sujet par notre confrère Christophe Hugnet, praticien, replaçant le vétérinaire et sa responsabilité thérapeutique au cœur des trois santés.

Il est tout aussi légitime de lui conférer un deuxième enjeu : celui de protéger l’homme en garantissant la sécurité sanitaire des aliments et en consolidant son rôle indiscutable de sentinelle face aux risques infectieux zoonotiques émergents, décuplés par la mondialisation des flux, les changements climatiques et l’intensification des élevages.

Troisième constat : l’environnement va mal et il a besoin d’un médecin ! Le vétérinaire, rarement sollicité sur ce plan, compte bien relever le défi et agir en faveur d’une santé environnementale par la compréhension et le respect de la biodiversité, la prise en compte des problématiques d’écotoxicité dans sa pratique, dans l’usage des médicaments vétérinaires et la gestion de la faune sauvage, pour laquelle il intervient souvent bénévolement. « Les vétérinaires sont promoteurs de solutions et motivés à agir », pour Jacques Guérin.

Pas de bien-être animal sans santé animale

Le député et vétérinaire Loïc Dombreval a honoré cette invitation pour exprimer ses attentes, encourager l’énergie collective amorcée et délivrer un message de confiance à l’égard de la profession. Rien ne semble ébranler le fait que le vétérinaire soit et demeure un garant des trois santés. Le vétérinaire d’aujourd’hui ne doit pas oublier le prolongement naturel de ses missions de santé vers la prise en compte du bien-être animal, avec rigueur scientifique et objectivité. Selon lui, « les vétérinaires ne s’en emparent pas de façon suffisamment déterminée donc visible. Il ne peut y avoir de bien-être animal sans santé animale, santé animale dont les vétérinaires sont indiscutablement les principaux dépositaires ». La société et l’opinion publique sont en quête d’éthique et de morale, rejoignant ainsi les valeurs propres à celles de la profession vétérinaire. Et pourtant, ce qui le frappe, « c’est le paradoxe existant entre la flagrante légitimité du vétérinaire sur ces sujets et le défaut de reconnaissance de son rôle en société », certaines de ses missions étant si peu connues.

Un maître mot : la confiance

La profession vétérinaire est en pleine mutation, le projet Vetfuturs France, que Loïc Dombreval salue pour « son excellence prospective, sa rigueur et sa clairvoyance », aidera à reprendre confiance en l’avenir, à modifier les pratiques rurales pour limiter l’effondrement de l’exercice vétérinaire en campagne, à solidifier et à capitaliser sur la formation, à engager les étudiants à rester dans la profession au-delà du cursus et à reprendre une part de voix dans la représentativité citoyenne. Les actions sociales et bénévoles des vétérinaires, auprès de l’animal et avec humanisme, reflètent ce que Bourgelat avait déjà exprimé en son temps : « La fortune consiste moins dans le bien que l’on a que dans le bien que l’on peut faire ». « La confiance » est le maître mot de Loïc Dombreval, « en votre formation, en vos talents, en votre légitimité, en votre image, et en demain, avec ses nouvelles opportunités ».

Soigneurs et sentinelles au cœur de la biodiversité

« Nous ne sommes que colocataires sur la planète et non propriétaires, il y a des choses qui sont partagées qu’on le veuille ou non ». C’est sur ce constat que Sylvain Larrat, vétérinaire pour la faune sauvage, resitue le débat. La croissance de la population humaine sur la planète, associée à l’augmentation des usages des espaces naturels et, de ce fait, à celle des interactions entre humains, animaux domestiques et sauvages, développe un terrain propice à l’émergence de nouvelles maladies infectieuses, sachant que 60 % des pathogènes humains sont d’origine animale et que 75 % des maladies animales émergentes peuvent se transmettre à l’homme.

Oui, les vétérinaires sont attendus sur le sujet des équilibres entre les espèces animales et la gestion des risques de transmission de maladies contagieuses, mais sans recourir systématiquement à la « manie de l’éradication », selon Gilles Pipien, inspecteur général de l’environnement et du développement durable. Il a rappelé, tout comme Patrick Dehaumont, de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), que l’Anses, sous la cotutelle de cinq ministères, est le lieu idéal pour construire avec les vétérinaires. Pour le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), représenté par Céline Sissler-Bienvenu, la collaboration se fait sur le terrain pour secourir et suivre les espèces dites sensibles. Laurent Perrin, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), formule désormais « le vœu que ces trois ministères, de l’Agriculture et de l’Alimentation, de la Transition écologique et solidaire, des Solidarités et de la Santé, puissent développer des relations plus étroites et plus régulières avec la profession vétérinaire et qu’ils utilisent ses compétences dans des missions nouvelles, élargies et complémentaires de celles des vétérinaires publics ».

Le vétérinaire praticien, souvent mis à contribution sur le terrain pour la prise en charge des soins des animaux sauvages, trouvés et blessés, peut s’appuyer sur une formation adaptée auprès des écoles vétérinaires. Emmanuelle Gilot-Fromont, intervenante au module Eco Health de VetAgro Sup, propose aux vétérinaires d’intervenir autrement, dans un cadre de protection globale avec le réseau Sagir et pas uniquement pour des espèces emblématiques. Un cap à passer, selon Léonie Varobieff, enseignante en philosophie, qui alerte sur la conception de l’animal que se fait assez classiquement le vétérinaire. Celui-ci doit pouvoir se détacher de « l’appétence sociale naturelle pour certaines espèces animales, les vertébrés », diversifier ses actions et ses compétences au service de l’environnement, plus qu’avec du soin.

Laurent Perrin souligne « qu’au-delà de l’urgence, le vétérinaire est capable de délivrer des messages pertinents sur la conduite à tenir devant un animal sauvage, pour ne pas hypothéquer ni ses chances de survie ni ses chances de réintroduction réussies dans son milieu, tout en se conformant à la réglementation régissant la détention des animaux sauvages captifs, et, par là même, de prévenir les trafics. La question du modèle économique a été évoquée. Il en ressort qu’un financement de tous les acteurs d’intérêt général est nécessaire pour la construction d’un réseau de qualité. »

L’équilibre de l’écosystème en ville

L’écosystème urbain est confronté à une nouvelle tendance, celle de la reconquête des villes par des populations animales, désirées pour certaines, repoussées pour d’autres, alors même qu’elles y trouvent un certain confort, qu’elles s’y sont adaptées pour leur survie. Faire revenir la nature en ville nécessite de considérer le juste équilibre urbain entre homme, animal domestique ou libre, tant pour les rapports nécessaires au bien-être de tous, mais également pour les aspects de nuisances potentielles, d’interactions entre les animaux et la santé publique. Le vétérinaire, au-delà de sa pratique médicale, est tout autant légitime pour y apporter sa contribution, afin de considérer les difficultés et de participer à l’analyse des méthodes proposées le plus en amont.

« L’important, c’est l’espèce, pour le ministère en charge de l’environnement », comme l’a rappelé Christian Le Coz, membre permanent du Conseil général de l’environnement et du développement durable. La base réglementaire produite vise à conserver la nature, les espaces et les espèces, mais pas les individus. Les vétérinaires praticiens seront doublement interpellés sur le soin porté à l’individu, mais également sur la protection ou la maîtrise d’une population. Les centres de soins ne sont pas financés par le ministère qui se consacre à l’environnement, il n’existe pas de prise en charge à l’échelle individuelle de l’animal. Difficile alors de pérenniser les actions bénévoles réalisées par les vétérinaires sans dégager des solutions financières, car même pour les espèces dites “critiques” les financements accordés pour leur conservation sont très faibles.

Pour faciliter les actions des vétérinaires trop peu présents au sein des collectivités locales, un travail d’essaimage et d’influence de la profession est nécessaire, afin d’intégrer les réflexions en amont dans les espaces urbains, auprès des communes, mais également en politique, comme l’a souligné le sociologue Sébastien Gardon. La mairie de Paris, dans le cadre de sa mission Animal en ville, ne s’appuie pas sur l’expertise vétérinaire, mais sur des référents par direction pour piloter et coordonner tout ce qui a trait aux animaux (propreté, sécurité, biodiversité, aménagements).

Laurent Perrin, dans sa conclusion, a ainsi invité les ministères à « faire avec les 75 % de vétérinaires exerçant en animaux de compagnie ; ils sont nombreux et structurés en réseaux ». L’appel sera-t-il entendu ?

INAUGURATION D’UNE NOUVELLE IDENTITÉ VISUELLE VÉTÉRINAIRE

Qui sera le vétérinaire de 2030 ? Telle est la réflexion menée depuis 2017 au sein de Vetfuturs France, qui vise à créer et à s’approprier une vision issue d’un travail collaboratif partagée avec les vétérinaires. Pierre Buisson, aux côtés des organisations et des associations professionnelles vétérinaires, est venu présenter la nouvelle « marque vétérinaire » : Vétérinaire pour la vie, vétérinaire pour la planète. Elle porte les valeurs de la profession : le respect (du détenteur, de l’animal, de l’équipe soignante, de l’environnement), l’engagement, le service et l’éthique. Elle génère l’envie de défendre ce métier et invite les jeunes à rejoindre cette formation d’excellence. Le vétérinaire de 2030 « sera davantage expert, acteur référent de la santé et du bien-être animal, il œuvre pour le concept d’“une seule santé”, d’“une seule planète”, en privilégiant la prévention, la santé publique et environnementale, et pour l’utilisation raisonnée de tous les médicaments. Les entreprises vétérinaires doivent devenir pluridisciplinaires et pluriprofessionnelles pour enrichir et diversifier leur savoir et leurs actions ». Après cette première phase “start-up”, demain, Vetfuturs continuera à vivre comme un think tank prospectif.

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