Un système de sécurité alimentaire européen trop ambitieux - La Semaine Vétérinaire n° 1796 du 03/02/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1796 du 03/02/2019

PRODUITS CHIMIQUES

ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Bien que le système mis en place par l’UE pour protéger le consommateur contre les dangers chimiques présents dans l’alimentation impose le respect dans le monde entier, un rapport de la Cour des comptes européenne pointe des « difficultés » de mise en œuvre.

Le modèle mis en place par l’Union européenne (UE) en matière de sécurité alimentaire vis-à-vis des produits chimiques est actuellement trop ambitieux et est en proie à certaines difficultés », selon les conclusions de l’audit1 réalisé par la Cour des comptes européenne, rendu le 15 janvier. En effet, la sécurité alimentaire est l’une des grandes priorités de l’UE pour « garantir un niveau élevé de protection de la vie et de la santé des personnes et prémunir les citoyens de l’Union contre trois types de dangers que présentent les denrées alimentaires : physiques, biologiques et chimiques ». C’est pourquoi, pour vérifier sa bonne mise en œuvre, un audit a été lancé par la Cour des comptes européenne.

La force du modèle de l’UE réside dans un certain nombre d’éléments distinctifs. Selon les auditeurs, reprenant les conclusions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « ce système de contrôle est une référence mondiale ». Cela s’explique « par l’organisation de sa gouvernance partagée entre les agences décentralisées de l’UE et la Commission européenne et par la répartition claire des responsabilités entre le secteur privé et les autorités de contrôle publiques, ce qui permet de séparer l’évaluation des risques et leur gestion ». De plus, les normes d’innocuité des substances chimiques sont strictes et doivent être respectées quelle que soit l’origine du produit (notamment pour les pays tiers).

Retards de chantiers

Toutefois, « certaines difficultés compliquent actuellement sa mise en œuvre correcte », précise le rapport. Ainsi, le cadre juridique de l’UE régissant les substances chimiques dans les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, les plantes et les animaux vivants est toujours en chantier. Par ailleurs, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) enregistre des retards dans ses travaux de conseils scientifiques, notamment dans le domaine des substances chimiques, ce qui, selon les rapporteurs, « a un effet préjudiciable sur le bon fonctionnement de certains pans du système, ainsi que sur la durabilité du modèle dans son ensemble ». De plus, ils déplorent le fait que les contrôles ne couvrent pas tous les groupes de substances chimiques avec la même fréquence et que les inspecteurs soient en nombre insuffisant. Enfin, la nature des mesures coercitives à prendre en cas de non-conformité et les procédures de suivi et de contrôle de l’application de la législation alimentaire pourraient être améliorées.

C’est pourquoi sur la base de ces constatations, outre l’encouragement adressé à la Commission pour poursuivre son action contre les dangers chimiques, les auditeurs proposent trois grandes recommandations. Selon eux, des modifications de la législation régissant les dangers chimiques sont nécessaires pour pouvoir l’appliquer de manière cohérente. Par ailleurs, pour que les autorités des États membres puissent s’appuyer davantage sur les contrôles effectués par le secteur privé lorsque la situation le justifie, il conviendrait de garantir leur qualité. Des mesures devraient aussi être prises pour que « le niveau d’assurance reste le même pour les denrées produites dans l’UE et pour celles qui y sont importées ». Enfin, les procédures de suivi du respect des règles alimentaires de l’UE devront être améliorées.

Renforcer l’EFSA

Face à ces conclusions, les membres de l’EFSA, organisation chargée de réaliser l’évaluation scientifique des substances chimiques présentes dans les aliments, ont rappelé que, pour répondre au cadre législatif extrêmement détaillé et strict actuel de l’UE (plus de 8 000 substances chimiques réglementées), les ressources allouées devront être augmentées. La Commission européenne avait d’ailleurs fait une proposition pour amender le statut de l’EFSA, en renforçant notamment son financement. Le rapport de la Cour des comptes pourrait donc « être utile pour alimenter la discussion politique en cours », a conclu un porte-parole de l’EFSA.

1 Rapport spécial n° 02/2019: Dangers chimiques dans notre alimentation : bit.ly/2TFCd9o.

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