Recourir à un vétérinaire expert, même en dehors d’une mission judiciaire - La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019

JURISPRUDENCE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY 

Le jugement rendu par le tribunal d’instance de Toulouse (Haute-Garonne) le 10 décembre 2018 démontre que le vétérinaire équin n’est plus le seul à être mis en cause dans les ventes.

Les faits : Mme V., éleveuse, a cédé à Mme A. pour la somme de 690 euros le 17 mai 2016 une chienne d’apparence chihuahua, née le 14 décembre 2015. La vente s’est accompagnée de la remise du certificat vétérinaire émis le 9 février 2016 par le Docteur vétérinaire V., indiquant que le chien ne présentait pas de pathologie.

Le 25 juin 2016 cependant, la chienne commence à boiter légèrement, et le 18 juillet 2016, le Docteur X diagnostique que la chienne est atteinte d’une double luxation des rotules. Il invite alors Mme A. à se rapprocher d’un spécialiste, le Docteur Y, spécialiste qui va confirmer la luxation bilatérale au grade de 3/4.

La chienne subit deux interventions chirurgicales : la première le 27 juillet 2016 pour le côté droit, et la seconde le 12 septembre 2016 pour le côté gauche.

Suite à ces interventions, Mme A. se rapproche de l’éleveuse afin d’obtenir le remboursement des frais exposés. Un refus lui est opposé, ce qui conduit l’affaire devant la justice.

Une procédure pleine de rebondissements

Mme A. fait le choix d’assigner uniquement l’éleveuse. Le procès commence donc classiquement avec deux parties. Mais Mme V. ne l’entend pas ainsi. Cotisant à une assurance, elle l’a appelée dans la cause afin que celle-ci paie les frais vétérinaires à sa place. Mme V. ne cherche plus à se dégager de la garantie. Elle conclut qu’elle est bien redevable de la prise en charge des frais vétérinaires, mais que l’addition doit être payée par son assureur. Voilà donc l’assurance dans le procès…

De son côté, l’assureur produit une argumentation en trois points : le contrat de Mme V. ne prévoit pas une prise en charge de ce type, Mme A. ne prouve pas que la luxation des rotules était déjà présente au jour de la vente, et enfin, s’il doit y avoir un responsable, ce ne peut être que le Docteur vétérinaire V. qui a vu la chienne avant la vente et n’a pas diagnostiqué sa luxation. Et voilà donc le Docteur V. attrait lui aussi dans la cause, qui compte désormais quatre parties !

L’argumentation du praticien va tenir, elle, en deux points. Mme A. ne démontre pas que la pathologie de double luxation de la rotule préexistait à la vente intervenue le 17 mai 2016 (il rappelle que certaines luxations sont traumatiques) et, en tout état de cause, même si la pathologie était antérieure à la cession, la littérature vétérinaire permet d’affirmer qu’à la date de son examen vétérinaire (chiot de deux mois) les signes cliniques ne pouvaient être apparus. Cette pathologie ne pouvait donc être diagnostiquée, ce qui exclut toute faute de sa part.

Une vision extérieure du dossier

Les versions contradictoires de cette affaire allaient mener indiscutablement le magistrat au doute, et ce alors que tout le dossier reposait sur l’origine de la luxation.

Mme A. fait alors le choix de soumettre la totalité du dossier médical de sa chienne à un vétérinaire expert auprès des tribunaux afin que celui-ci, totalement extérieur au dossier, rende un avis. De son rapport, il ressortira que la luxation, lorsqu’elle est bilatérale, doit être considérée comme congénitale de façon non contestable et ne peut être apparente à l'âge de deux mois.

Jugement rendu

- Vis-à-vis de l’éleveuse : condamnation au paiement de l’intégralité des frais vété-rinaires et au remboursement des frais de recours à un vétérinaire expert.

- Vis-à-vis de l’assurance : prise en compte de l’exclusion de garantie au titre des dispositions générales du contrat souscrit par Mme V. et absence de condamnation en conséquence de l’assurance.

- Vis-à-vis du vétérinaire : le tribunal a jugé que le praticien ne pouvait déceler la luxation lorsqu'il a établi son certificat le 9 février 2016 puisque la chienne avait deux mois, et donc qu’à ce titre, le vétérinaire n'a commis aucune faute.

En conclusion, ce jugement du tribunal d’instance de Toulouse démontre que le vétérinaire équin n’est plus le seul à être mis en cause dans les ventes, et que l’avis d’un vétérinaire expert peut utilement venir éclairer le tribunal, même en dehors d’une mission judiciaire.

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