Oncologie et urologie félines au congrès de l’ISFM - La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019

MÉDECINE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON 

La chimiothérapie ne doit pas être redoutée, les urétérolithiases sont à rechercher précocement, le dosage de la SDMA peut changer la donne en matière de maladie rénale : tels sont quelques-uns des messages délivrés lors de la dernière rencontre européenne des vétérinaires félins.

Le congrès européen de médecine féline1, organisé par l’International Society of Feline Medicine (ISFM), qui s’est déroulé fin juin à Sorrente (Italie), a rassemblé plus de 600 vétérinaires venus de 35 pays, dont une délégation française d’une douzaine de confrères, autour des thématiques de l’oncologie et de l’urologie.

Expliquer au propriétaire le cancer du félin

Près de 25 % des chats vont souffrir d’un cancer au cours de leur vie, et au-delà de 10 ans, il s’agit de la première cause de mortalité. Cependant, tous les praticiens généralistes ne sont pas confiants dans l’efficacité des traitements, connaissent mal les protocoles et redoutent les effets secondaires, a précisé David Vail, professeur d’oncologie à l’université du Wisconsin (États-Unis). Lesquels sont assez limités chez le chat, inférieurs à 3 à 5 % des cas, avec une toxicité médullaire, des pertes de poils de garde et des moustaches, ainsi que des troubles gastro-intestinaux plus inconfortables (vomissements, nausées). La cytotoxicité des produits frappe les cellules à renouvellement rapide (la moelle, les poils, les cellules intestinales).

Les chimiothérapies sont désormais pratiquées dans des centres spécialisés, qui suivent des recommandations venant d’être adoptées par l’Acvim2, stipulant notamment que le protocole établi pour chaque animal doit être vérifié par deux soignants indépendants, des points rassurants pour le praticien comme pour son client, a souligné Juan Borrego (Valence, Espagne).

Les normes de sécurité pour le personnel sont essentielles, elles intègrent une hotte lors de manipulation de poudre ou d’aérosol, le port de gants, de lunettes, d’une blouse à usage unique et de chaussures de sécurité. Un dispositif de transfert du produit depuis le flacon jusqu’à la seringue, Equashield®, garantit la protection de la personne qui réalise l’injection intraveineuse.

De plus en plus souvent, les animaux sont équipés, comme les patients humains, de voies centrales. L’utilisation de la gabapentine, à raison de 100 mg par chat, 2 heures avant l’administration du produit, est utile, selon nos confrères nord-américains. L’épijet Butterfly® peut être parfois préféré au cathéter, en l’absence d’une voie centrale.

Le port des gants est nécessaire pendant les 48 heures qui suivent, pour toute manipulation de l’animal.

Aucun tabou ne doit exister en matière de prise en charge des cancers des chats, dont les propriétaires n’ont que trop d’expériences souvent avec leurs proches. David Vail a ainsi cité l’application About Herbs, développée par le Memorial Sloan Kettering Cancer Center aux États-Unis, qui donne une information complète sur les méthodes intégratives (multidisciplinaires) disponibles.

La qualité de vie est la préoccupation majeure du propriétaire, et même s’il manque toujours des outils validés, certaines grilles sont disponibles, comme celle d’Alice Villalobos3.

Exérèse mammaire : voir grand et vite

L’agressivité des tumeurs mammaires (malignes à plus de 90 %, avec métastases pulmonaires très fréquentes) nécessite une prise en charge méthodique : un bilan d’extension avec radiographie pulmonaire préalable à la chirurgie, laquelle consistera en l’ablation de chaque chaîne mammaire à 4 à 6 semaines d’intervalle.

Cela nécessite de prendre le temps d’expliquer au propriétaire l’importance d’une telle stratégie, surtout s’il n’y a qu’une toute petite masse, mais deux chirurgies bien conduites valent mieux qu’une chimiothérapie. La mastectomie bilatérale n’est plus recommandée, mettant la peau et les tissus mous trop en tension. L’objectif de la chirurgie est d’avoir des marges saines (jusqu’à la gaine du grand droit, surtout si la masse y est adhérente), pour que l’excision soit complète. L’implication des nœuds lymphatiques et la vascularisation de la masse conditionnent la chimiothérapie ultérieure qui peut être proposée, sans garantie sur l’augmentation de la durée de survie de l’animal.

Suspecter les urétérolithiases

Rosanne Jepson, du Royal Veterinary College (Londres), a souligné la nécessité vitale de diagnostiquer les urétérolithiases chez les chats, présentes dans un tiers des épisodes d’insuffisance rénale aiguë, surtout sur des animaux d’âge moyen, à partir de 7 ans. Décrite depuis 1971, cette affection devient pour certains cliniciens une véritable épidémie, en partie liée à la sursaturation des urines, à une hypercalcémie (souvent idiopathique) chez certains individus ou à des hypothèses vasculaires.

L’imagerie avec échographie et radiographie est de mise, d’autant que la cristallurie n’est présente que dans un tiers des cas. Toute asymétrie rénale ou élévation anormale de la diméthylarginine symétrique (symmetric dimethylarginine, SDMA) doit y faire penser. La confirmation du diagnostic impose une prise en charge rapide, surtout si le premier rein a déjà été atteint, de façon silencieuse. La technique de dérivation pyélovésicale extra-urétérale (ou subcutaneous ureteral bypass, SUB) est actuellement le traitement de choix, avec une moyenne de survie de 4 ans et demi, nécessitant une surveillance tous les 3 mois. Reste que le maillage des cliniques pratiquant cette technique en France n’est pas encore parfait.

Après un épisode de lithiases rénales ou urétérales, le plus souvent à oxalates, le chat sera placé sous alimentation humide exclusive, industrielle ou ménagère, comme l’ont établi collégialement les recommandations de l’Acvim (2016).

Anticiper la maladie rénale chronique

La SDMA est certainement, de tous les tests, celui qui monte et transforme la vie des chats, en ayant même été intégré dans la classification Iris (International Renal Interest Society) pour mieux dépister les maladies rénales chroniques. L’enjeu est de taille, puisque l’augmentation de ce marqueur, surtout sur un chat jeune, peut évoquer une lithiase haute, et motiver un examen échographique. La SDMA permet également, chez les races prédisposées (siamois, abyssin, européens), de dépister une néphropathie membraneuse ou une polykystose rénale chez les persans.

Une valeur persistante de la SDMA supérieure à 14 µg/dl après deux dosages doit alerter. Notamment chez le chat hyperthyroïdien, où l’augmentation de la SDMA est présente dans 33 % des cas et souvent prédictive de l’expression de la maladie rénale chronique (MRC), masquée. 15 à 49 % des chats hyperthyroïdiens développent une MRC une fois la fonction thyroïdienne normalisée.

L’évolution clinique des chats atteints de MRC est souvent imprévisible et soudaine après une phase en plateau. 19 % des chats ne présentent d’ailleurs pas de symptômes, malgré des paramètres biochimiques altérés, a expliqué Rebecca Geddes, du Royal Veterinary College. Le dosage de la protéinurie (et le calcul du rapport protéines sur créatinine urinaires ou RPCU) est nécessaire, car il conditionne la survie de l’animal et la mise en place, si nécessaire, d’un traitement approprié.

1 icatcare.org/isfm-congress.

2 bit.ly/2BmV8Pd.

3 https://bit.ly/2TyN0BY

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