L’Italie vise la fin de la caudectomie - La Semaine Vétérinaire n° 1794 du 19/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1794 du 19/01/2019

ÉLEVAGE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON  

En 2018, les autorités italiennes ont lancé un plan national de réduction de la caudectomie dans les élevages porcins. Les vétérinaires ont été mobilisés pour évaluer les points critiques empêchant l’arrêt de la pratique.

L’Italie a lancé, courant 2018, un plan national de réduction de la caudectomie. « Nous nous sommes fixé deux objectifs : réduire le nombre de porcs avec la queue coupée d’ici 2020 et définir les meilleures stratégies à mettre en œuvre dans chaque élevage », a expliqué Loris Alborali, vétérinaire à l’Institut de prophylaxie vétérinaire de Lombardie et d’Émilie-Romagne1 et référent national bien-être animal pour la filière porcine, lors du congrès 2018 de l’Association française de médecine vétérinaire porcine (AFMVP), les 13 et 14 décembre derniers. Trois étapes sont prévues d’ici 2020. La première, qui s’est achevée en décembre, consistait à identifier les points critiques favorisant la pratique de la caudectomie. La deuxième, qui a débuté en janvier, vise à les réduire. Dans ce cadre, des tests sur des groupes d’animaux à queue entière seront menés dans les élevages. À ce stade, la caudectomie n’est pas interdite, sous réserve de justifier de la mise en œuvre d’un plan d’amélioration des points critiques. Enfin, la dernière étape évaluera la faisabilité d’arrêter totalement la pratique, en procédant à des essais de plus grande envergure en élevage. Bien qu’interdite en routine, la caudectomie est répandue en Europe. Selon une étude2 menée en 2018 dans 24 pays européens par la Fédération vétérinaire européenne (FVE), l’Association européenne de gestion de la santé porcine et la Commission européenne (EAPHM), en moyenne 77 % des porcs ont la queue coupée3. En Italie, près de 95 % des animaux sont concernés.

Une check-list pour caractériser les élevages

Se basant sur les recommandations4 de l’Union européenne, 21 critères5 ont été définis afin d’évaluer le risque de caudophagie. Pour chacun d’entre eux, trois résultats sont possibles : “insuffisant” (conditions d’élevage insuffisantes pour garantir les besoins biologiques des animaux et le respect d’au moins une des cinq libertés), “perfectibles” (conditions acceptables) et “optimal”. Les huit premiers critères touchent aux caractéristiques générales de l’exploitation, les sept suivants s’appuient sur un contrôle physique des bâtiments d’élevage, et les six derniers découlent de l’observation directe des animaux. Un critère qui obtient un niveau “insuffisant” est défini comme un point critique. Ainsi, dans la deuxième étape du plan national, l’objectif est d’arriver, pour chaque critère, aux niveaux “perfectible” ou “optimal”. Dans la troisième phase, le niveau “optimal” est visé pour l’ensemble des 21 critères. Le vétérinaire sanitaire a été en charge de réaliser et de rédiger un rapport d’évaluation des risques, signé par lui-même et l’éleveur concerné. En outre, il devra aussi établir un document indiquant toutes les mesures mises en œuvre dans l’exploitation pour améliorer la situation, tout en précisant celles qui seront prochainement mises en place. À noter que même si tous les critères sont à un niveau “optimal”, dont la densité animale, la caudectomie peut toujours être justifiée. Néanmoins, dans ce cas, il est obligatoire de prévenir les autorités sanitaires qui se chargeront alors de contrôler la présence effective des conditions optimales.

1 Équivalent de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, avec en plus un service de diagnostic à destination des vétérinaires et des éleveurs. En Italie, l’institut est rattaché au ministère de la Santé.

2 bit.ly/2COHc08.

3 Les résultats sont très variables d’un État à l’autre. Par exemple, la Finlande, la Norvège, la Suède et la Suisse ont déclaré moins de 5 % de porcs avec la queue coupée.

4 bit.ly/2SaQb5E.

5 bit.ly/2RWw2kb.

L’ITALIE NUMÉRISE SES DONNÉES D’ÉLEVAGE

Dans le cadre du plan national de réduction de la caudectomie, les données collectées par le vétérinaire seront intégrées à une plateforme numérique de stockage et de traitement des données d’élevage, ClassyFarm1. Créé en 2014, ce système s’est progressivement étendu aux filières d’élevage. D’abord testé en filière porcine, il inclut depuis les bovins, et les volailles feront leur entrée en 2019. L’objectif : classer les élevages suivant leur niveau de risque en lien avec la biosécurité, le bien-être animal, la consommation d’antibiotiques, le statut sanitaire et les lésions détectées à l’abattoir2. Les données sont renseignées par les vétérinaires et proviennent également des ordonnances électroniques. À ce jour, la plateforme regroupe les données de plus de 900 élevages de porcs et 4 000 exploitations bovines. Pour l’instant, elles sont utilisées par les vétérinaires et leurs éleveurs à des fins d’autocontrôle. Ainsi, chacun d’entre eux ne peut visualiser que ses propres données, mais aussi la moyenne régionale et nationale de ClassyFarm. À noter que si les autorités sanitaires n’utilisent pas les mauvais résultats pour cibler des fermes, elles servent tout de même dans l’élaboration des plans officiels de contrôle.

1 classyfarm.it.
2 Pour l’instant, seule la filière porcine est concernée par l’ensemble des thématiques.
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