La discrimination sexuelle dénoncée chez les vétérinaires outre-Manche - La Semaine Vétérinaire n° 1793 du 13/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1793 du 13/01/2019

SOCIOLOGIE

ACTU

Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA  

Une enquête souligne la persistance de préjugés sexistes au sein de la profession vétérinaire britannique.

Au Royaume-Uni, si elles n’étaient que 5 % dans les années 1960, les femmes représentent aujourd’hui un peu plus de 60 % de la population active vétérinaire. Malgré cette écrasante majorité, elles sont cependant toujours victimes de discrimination sexuelle. Tel est le constat d’une étude1 à grande échelle, dont les résultats ont été publiés en novembre 2018 dans un rapport intitulé Discrimination entre les sexes dans la profession vétérinaire. Cette enquête a été réalisée par le Dr Christopher Begeny et la Pr Michelle Ryan, du département de psychologie de l’université d’Exeter, en partenariat avec la British Veterinary Association (BVA). Elle fait suite à une autre étude collaborative menée en 2017 sur les questions de rémunération, de représentation et d’égalité sur le lieu de travail.

En 2018, la BVA a fait parvenir un questionnaire à 260 employeurs et gestionnaires de structures vétérinaires dans le pays. Le but était d’évaluer dans quelle mesure ces derniers pensent que les femmes sont toujours victimes de discrimination dans la profession et si les employeurs traitent les vétérinaires de sexe masculin différemment. Il a été demandé à chaque participant d’examiner les performances d’un vétérinaire fictif via un formulaire d’évaluation annuelle. Tous les employeurs ont eu à analyser exactement le même formulaire. Cependant, la moitié d’entre eux a reçu ce document avec la mention “Mark”, alors que l’autre a dû évaluer les performances d’une certaine Elizabeth.

Des opinions divergentes

Les résultats de l’étude ont montré des opinions divergentes sur les discriminations faites aux femmes dans la profession. Alors que 42 % des répondants ont déclaré croire que la tendance existait toujours, 44 % pensent que les femmes ne subissent plus de préjugés sexistes ni de discrimination (14 % ont déclaré être incertains ou neutres).

Ces 44 % sont des personnes légèrement plus âgés que la moyenne (47 ans contre 42 ans) et en majorité des hommes (66 %). En comparaison, parmi les 42 % qui croient que la discrimination est toujours un problème, seuls 26 % d’entre eux sont des hommes.

Le rapport a aussi révélé que, paradoxalement, les 44 % ayant déclaré croire que les femmes vétérinaires n’étaient plus victimes de discrimination étaient susceptibles de trouver Mark plus compétent qu’Elizabeth. De plus, ils offraient au candidat de sexe masculin, un salaire de 1 100 à 3 300
(1 225 à 3 675 €) supérieur à celui de sa consœur, même si chacun avait exactement les mêmes qualifications et compétences. Comparativement, ceux qui pensaient que les consœurs subissaient encore l’impact négatif des préjugés sexistes et la discrimination montraient peu ou pas de différence dans la manière dont ils percevaient ou traitaient Mark par rapport à Elizabeth.

Christopher Begeny a conclu que cette étude fournissait « des preuves convaincantes que non seulement la discrimination à l’égard des femmes existe, mais est en réalité le plus souvent perpétuée par ceux qui, peut-être ironiquement, pensent que les femmes ne sont pas victimes de discrimination. »

Pour Simon Doherty, président de la BVA : « Les résultats de cette étude sont décevants, mais ne sont peut-être pas surprenants pour beaucoup d’entre nous. Ils montrent clairement que l’inégalité entre les hommes et les femmes et la discrimination dans la profession vétérinaire sont toujours présentes, bien que parfois subtiles. Il est inacceptable qu’en 2018, quand à compétences égales entre deux vétérinaires, leur sexe peut encore avoir un impact significatif sur la manière dont ils sont perçus, traités et payés ».

Lors d’une table ronde, au London Vet Show, après le dévoilement de cette enquête, Michelle Ryan a répondu ainsi à une question concernant le temps nécessaire pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes : « La recherche suggère que si nous examinons la variation réelle de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, il faudra attendre 70 à 80 ans avant de l’atteindre, si nous continuons au même rythme ».

1 goo.gl/68FXxS.

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