Règlement européen : le compte à rebours est lancé - La Semaine Vétérinaire n° 1792 du 06/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1792 du 06/01/2019

MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Fabrication, cascade, prescription, antibioprévention, base de données, pharmacovigilance, vente en ligne… La transcription du règlement européen sur les médicaments vétérinaires est en marche. Après plusieurs années de bataille et de négociations, un nouveau chapitre s’ouvre pour les acteurs du médicament vétérinaire.

C’est parti ! Le nouveau règlement sur les médicaments vétérinaires a été publié le 7 janvier au Journal officiel de l’Union européenne (UE). Le 28 janvier 2022, plusieurs de ses dispositions entreront en vigueur sans aucune transposition en droit national. Le texte constitue un pas en avant particulièrement encourageant pour la pratique vétérinaire au sein de l’UE, malgré quelques points à approfondir. « La phytothérapie reste un sujet sur lequel nous espérions voir des avancées. La Commission a botté en touche. Nous attendons son rapport avec impatience. Cette problématique fait partie des dossiers qui figurent sur la table de notre groupe de travail médicaments. Nous serons moteur sur ce dossier car nous savons que ces produits sont largement utilisés en Europe et ce, sans l’avis ou le regard d’un vétérinaire », affirme Thierry Chambon, président de l’Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP). « Nous sommes déçus que notre demande d’encadrer les médicaments à base de plantes ait eu comme seule réponse un rapport de la Commission en 2027 », regrette à son tour Marie-Anne Barthélémy, secrétaire générale du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV).

Des avancées importantes

Pour l’UEVP, la transcription de ce texte en droit national ne sera pas une révolution, mais constitue une réelle avancée pour la pratique vétérinaire. La prescription des médicaments vétérinaires doit être faite par un vétérinaire. Le texte intègre ce principe. « Nos préoccupations prioritaires ont trouvé une issue favorable, à commencer par le découplage, qui a définitivement été écarté du texte. Ce sujet reste à la charge des é tats membres. Nous sommes parvenus à convaincre le Parlement et le Conseil, notamment, que le découplage n’était pas la solution, indique Thierry Chambon. De même, la lutte contre l’antibiorésistance repose d’abord sur un problème de responsabilité dans la prescription, et le fait que la délivrance soit dans les mains des vétérinaires aide beaucoup. Ainsi, la prescription des médicaments vétérinaires par un vétérinaire est un dossier pour lequel nous nous sommes battus », ajoute-t-il. Autre sujet d’importance pour l’UEVP : le principe de la cascade est assoupli. Le praticien ne sera pas obligé de l’appliquer de façon stricte. Pour les industriels, ce texte constitue aussi une avancée considérable. « Ce texte a été adopté par un très large consensus (plus de 95 % des parlementaires), ce qui est suffisamment rare pour être souligné », relève Marie-Anne Barthélémy, qui ajoute que plusieurs dispositions du règlement n’auront pas d’impact réel avant au moins trois ans pour l’industrie.

Des points de vigilance

De nouvelles dispositions encouragent l’innovation, telle la protection des données allongée pour les espèces mineures. La Commission européenne doit encore prendre 27 actes d’exécution, qui donneront les détails nécessaires à la transcription de ces dispositions en droit national. Un gros travail reste à faire. « Les experts de notre groupe de travail médicaments suivront ce dossier et ont des interactions avec les autorités compétentes. La Commission européenne publiera une liste d’antibiotiques réservés à la santé humaine. Nous veillerons à ce que l’arsenal thérapeutique vétérinaire ne soit pas réduit. D’autres sujets seront suivis de près, tels que la vente en ligne, pour laquelle nous ne souhaitons pas de dérogations supplémentaires. Nous veillerons à ce que la Commission définisse clairement la forme qu’elle devra prendre ainsi que son contenu, à l’instar de l’ordonnance vétérinaire, qui sera reconnue au sein de l’Union européenne », souligne Thierry Chambon. De son côté, l’industrie se lance aussi dans une course contre la montre. Plusieurs sujets retiendront particulièrement son attention. Marie-Anne Barthélémy cite notamment la pharmacovigilance, les listes relatives aux antibiotiques critiques ou encore la constitution des bases de données européennes sur les médicaments vétérinaires.

Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1791 du 11/1/2019, page 12.

TROIS QUESTIONS À  PAULE CARNAT-GAUTIER, CHEF DE LA MISSION DES AFFAIRES JURIDIQUES ET DU CONTENTIEUX DE L’AGENCE NATIONALE DU MÉDICAMENT VÉTÉRINAIRE 

« CE TEXTE DÉMONTRE QUE LE VÉTÉRINAIRE FRANÇAIS S’INSCRIT DANS UN CONTEXTE EUROPÉEN »

Quels sujets ont été particulièrement défendus par l’agence ?
Je commencerai par nos succès. Nous nous sommes beaucoup battus pour la gestion de l’évaluation du risque environnemental lié aux résidus de médicaments vétérinaires. Nous avons obtenu que ce sujet fasse l’objet d’un rapport de la Commission avec une proposition législative. La députée Françoise Grossetête, rapporteure du texte, et le Parlement européen étaient à l’écoute. Un autre dossier dans lequel nous nous sommes particulièrement investis est, sans aucun doute, la pharmacovigilance et la gestion de la base européenne de données sur les médicaments vétérinaires. Nous comptions beaucoup d’alliés sur ce sujet afin d’obtenir des dispositions claires en ce qui concerne, notamment, le fonctionnement de la pharmacovigilance au niveau européen et la gestion du dossier décrivant le système de pharmacovigilance que doit mettre en place le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).Un autre point important porte sur les dispositions relatives aux importations parallèles. Le texte initial n’en contenait pas. Ce sujet était laissé à la discrétion des états membres, qui devaient néanmoins prévoir des mesures permettant des importations. à force de discussions, nous sommes parvenus à ce que le texte prévoie des procédures spécifiques sur la base de la note que la France a fournie à la présidence du Conseil. Par ailleurs, nous avons milité pour avoir des dispositions sur l’usage des antibiotiques et avons, en particulier, longuement débattu sur les définitions de la métaphylaxie et de la prophylaxie. Le texte finalisé nous permet de maintenir notre réglementation actuelle. La France a aussi beaucoup milité pour que les autorités européennes s’emparent de la problématique de la phytothérapie. Nos efforts ont été récompensés. Nous avons obtenu au dernier moment que la Commission produise un rapport qui permettra de légiférer sur ce point, si nécessaire. Nous en sommes satisfaits, bien que le délai prévu n’en fasse pas une question prioritaire.Enfin, l’agence a un grand regret. Le texte final contient peu d’évolutions sur les procédures de demandes d’AMM et conserve les quatre procédures d’AMM sans les simplifier, ce qui aurait pourtant permis d’améliorer le marché unique.

Quels impacts sur la pratique vétérinaire ?
La France fait partie des pays qui comptent. Sa réglementation a parfois servi de modèle. Ce texte démontre que le vétérinaire français s’inscrit dans un contexte européen. Il est l’affirmation de la pratique vétérinaire. Plusieurs dispositions du texte concernent d’ailleurs ce sujet. La base de données centralisée sur le médicament permettra au praticien de trouver des médicaments au sein d’autres états membres. La cascade est également modifiée et est maintenant constituée de deux étages avec des temps d’attente forfaitaires plus adaptés.

Quelles sont les prochaines étapes ?
Vingt-sept actes secondaires sont attendus. Nous participerons à plusieurs niveaux à leur adoption. L’Agence européenne du médicament (EMA) conduira des groupes de travail composés d’experts issus des états membres, dont la France. L’agence interviendra également auprès de la Commission pour la phase d’adoption de ces actes. Nous serons présents pour les actes portant en particulier sur la liste d’antibiotiques réservés à la santé humaine, que la Commission est en charge d’élaborer, ainsi que sur la spécification de l’annexe 2, qui doit être mise à jour. Notre deuxième niveau d’intervention se fera sur le plan national. Des dispositions du Code de la santé publique (CSP) relatives, principalement, aux AMM seront supprimées. Les dispositions du texte européen s’appliqueront directement. D’autres articles du CSP pourraient être modifiés. Ce code sera dégraissé. Il apparaît là un enjeu important autour de la communication sur les changements à venir. Des ateliers sur ce thème seront d’ailleurs prévus lors de la seconde édition de la journée d’échanges de l’ANMV avec ses parties prenantes, prévue à l’automne 2019.

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