Le vétérinaire au cœur de la biodiversité - La Semaine Vétérinaire n° 1792 du 06/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1792 du 06/01/2019

ENVIRONNEMENT

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR   

Réintroduction de l’ours, impact du chat sur la biodiversité, questionnements sur le caractère éthique ou non des parcs animaliers : autant de débats dans lesquels le vétérinaire tient sa place.

Alors que la planète subit la sixième extinction de masse, le sujet complexe de la biodiversité anime de nombreux débats et le vétérinaire a toute sa légitimité pour passer des messages auprès du public. Parmi ces sujets, celui, très médiatisé, de la réintroduction de l’ours, au cœur du triptyque animal sauvage-homme-environnement, fait débat. L’ours est aujourd’hui réintroduit, car il a disparu au cours du xxe siècle du fait de l’anthropisation de son milieu. Réglementairement, l’animal sauvage, res nullius, n’appartient à personne et peut donc être abattu. La chasse à l’ours est interdite depuis 1962. La chasse à l’ours est interdite depuis 1962, la convention de Berne le protège en 1979, puis, en 1992 avec la directive « habitats », il devient une espèce strictement protégée. Ils sont 43 dans les Pyrénées, et les plus grandes menaces pesant sur eux sont la consanguinité et le trafic routier. Au niveau mondial, la population n’est pas en danger. « L’homme est autocentré. La crainte de l’ours relève du fantasme, l’année passée, sur 465 confrontations, seulement 2 % d’entre elles ont fait l’objet d’une charge. La question que nous devons nous poser est celle-ci : acceptons-nous la probabilité de croiser un jour un ours et le risque qui y est lié ? Le rôle du vétérinaire est de sortir des émotions », d’après notre consœur Véronique Luddeni, praticienne mixte et consultante du parc national du Mercantour.

La biodiversité animale en ville comme dans les zoos

Notre confrère Gilbert Gault, à la direction de l’Écologie urbaine, service communal d’hygiène et de santé de la ville de Lyon (Rhône), questionne les conséquences sanitaires des animaux en zone ouverte et publique. Il intervient sur de nombreux sujets comme l’impact du chat sur la biodiversité urbaine, des néonicotinoïdes et de l’agriculture urbaine sur l’abeille, les conséquences de la présence du rat, des pigeons, des chenilles processionnaires, etc. « La biodiversité animale est en augmentation en ville, les sujets qui y sont liés sont nombreux et posent de nombreuses questions réglementaires comme sanitaires, nous recherchons un consensus », souligne-t-il.

Notre consœur Aude Bourgeois, vétérinaire à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris, s’intéresse, quant à elle, au rôle des animaux sauvages en captivité. De nombreuses menaces pèsent sur la biodiversité : la pollution, la surexploitation des milieux, la modification des habitats, les espèces envahissantes, le changement climatique. « 32 % d’espèces vertébrées ont disparu. 40 % des espèces de mammifères ont vu leur aire de répartition baisser de 80 % entre 1900 et 2015, la conservation ex situ est inévitable », illustre-t-elle.

En Europe, l’European Association of Zoos and Aquaria (EAZA) rassemble, dans ses parcs adhérents, 2,6 millions d’individus et forme un patrimoine. La réintroduction n’est pas l’objectif principal, car les habitats sont souvent dégradés, et les animaux s’habituent fatalement à la présence humaine, mais ces zoos, en accueillant des millions de visiteurs, sont des lieux de sensibilisation et de pédagogie. Cependant, sur le long terme, la consanguinité et la pression de sélection non naturelle conduisent à une perte de diversité génétique. Le contrôle de la reproduction, la séparation de groupes, l’introduction de nouveaux individus, est indispensable. Certaines espèces sont gérées en métapopulations mondiales, avec des transferts in et ex situ . Concernant le bien-être animal, la prévisibilité de l’environnement, l’absence de stimuli, l’impossibilité de s’extraire du regard des visiteurs, en sont les ennemis. « Nous sommes constamment à la recherche d’enrichissement du milieu sur les plans alimentaire, sensoriel, cognitif. Nous nous efforçons de nous renouveler tous les jours, afin de donner aux animaux la possibilité de faire des choix », conclut-elle.

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