Biens meubles

Fruit de la coïncidence au xix^e siècle d’une innovation technique et des progrès de l’individualisme, le portrait photographique est à la fois art de l’image et célébration du sujet. Sa déclinaison animalière, plus marginale mais révélatrice du regard que nous portons sur les animaux, s’est majoritairement réservée jusqu’ici à ceux qui nous sont familiers ou à qui l’on peut s’identifier, les photographies d’animaux de rente restant, quant à elles, plutôt subordonnées à des préoccupations zootechniques. Photographe ayant une connaissance fine de l’art du portrait, Kevin Horan, installé en milieu rural, a eu l’idée d’introduire les animaux de ferme dans un studio de photo. Sollicitant les ovins et caprins des élevages autour de chez lui, il les a fait poser individuellement. En résultent ces 59 élégants grands formats en noir et blanc où chèvres et moutons, jusqu’alors dépourvus de visage, parviennent, chacun, à dégager une personnalité propre. « Peut-être est-ce le cas, peut-être est-ce l’art photographique qui crée cette impression… Tout portrait est une œuvre de fiction », commente avec malice l’artiste américain qui a, depuis, étendu ce remarquable travail aux porcins (voir son site : kevinhoran.com). Un texte enjoué d’Elena Passarello accompagne ces superbes images et, convoquant nos histoires parallèles, rend sensible ce que nous avons en partage avec les petits ruminants. Notons que l’éditeur¹ publie un autre très bel ouvrage, encore plus insolite : des portraits d’œufs.
•

¹ fivecontinentseditions.com.

Chèvres ou moutons de Kevin Horan (photos) et Elena Passarello (texte), 5 Continents Éditions (Milan), 23 x 32,2 cm, 128 pages, 30 €.