Bien-être de l’animal de compagnie : quelle place pour le vétérinaire ? - La Semaine Vétérinaire n° 1792 du 06/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1792 du 06/01/2019

ÉTHIQUE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR  

Déclaration de maltraitance, remise en question de certaines pratiques comme la stérilisation, prise en charge de la douleur, participation à l’amélioration des paramètres environnementaux des NAC : autant de sujets qui placent le praticien au cœur des enjeux du bien-être des animaux de compagnie.

CAP welfare, think tank dédié au bien-être des animaux de compagnie, a présenté le fruit de ses premières réflexions à l’occasion du dernier congrès de l’Afvac, prémisses de recommandations à paraître au printemps 2019. Les concepts liés au bien-être animal (BEA) ont eu plusieurs influences : philosophique et morale, sociale, scientifique et réglementaire. L’animal est aujourd’hui reconnu comme sensible, doué d’émotions et doté de formes de conscience. « L’OIE place depuis 2012 le vétérinaire comme garant du bien-être animal », introduit notre consœur Caroline Gilbert, professeur d’éthologie à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA). Alors que le BEA est un état propre à l’animal, la bientraitance, dont l’intention est la bienveillance, représente les mesures mises en œuvre pour l’assurer. C’est une obligation de moyens et le vétérinaire peut déclarer un cas de maltraitance dans le cadre de son mandat sanitaire. De statique (résultante de besoins physiologiques comblés), le modèle du BEA est devenu dynamique, puis multidimensionnel, prenant en considération autant la santé physique que mentale, le monde mental propre à chaque espèce, les émotions, l’influence de la perception du milieu sur la capacité d’adaptation à celui-ci. Mais de par l’incapacité de l’homme à comprendre pleinement les animaux, le bien-être animal demeure subjectif : comment donc l’évaluer ? « Il existe un certain nombre de critères et d’indicateurs, positifs et négatifs, comme les expressions faciales, permettant de le qualifier de plus en plus précisément », explique-t-elle.

Prendre du recul sur la stérilisation

Concernant la stérilisation des animaux de compagnie, notre consœur Emmanuelle Titeux, consultante en médecine du comportement, invite à questionner cette pratique. « Chez le chien, la stérilisation favoriserait dans certaines races l’apparition d’hémangiosarcomes ou de mastocytomes. Les animaux stérilisés présenteraient aussi une plus grande sensibilité aux maladies auto-immunes. Les pertes cognitives dans cette population seraient plus précoces. La gonadectomie reste un facteur d’incontinence urinaire chez la chienne et son incidence sur l’obésité est bien connue. ». De plus, la vasectomie serait un moyen plus efficace pour diminuer la population de chats féraux en comparaison avec la gonadectomie ou l’euthanasie (le mâle stérilisé par vasectomie induirait les ovulations des chattes qui resteraient vides et repousseraient les autres mâles de son domaine vital). « Je pense qu’il est encore trop tôt pour recommander de stériliser à 2 ou 3 mois les chatons et les chiots. Chez la chienne, il serait souhaitable d’attendre les premières chaleurs. Chez la chatte, bien évidemment, il ne faut pas attendre les premières chaleurs, mais rester néanmoins sur une recommandation d’une ovariectomie vers l’âge de 5 ou 6 mois. La gonadectomie est un acte chirurgical qui doit être proposé au cas par cas, en fonction de l’espèce, du sexe, voire de la race. Et elle est rarement une bonne indication pour traiter les troubles du comportement !», souligne-t-elle.

Mieux connaître les NAC et soigner l’animal douloureux

Au sujet des NAC, la méconnaissance des animaleries, des propriétaires, parfois des vétérinaires, conduit à de fréquentes maltraitances par négligence, dont les conséquences sont parfois durables. « Il existe, chez les lapins, des malocclusions dentaires, des rhinites, des pododermatites ; chez les psitacidés, des lipidoses hépatiques ; chez les reptiles, des retards de croissance ; chez toutes les espèces, des troubles du comportement, etc. », illustre notre confrère Charly Pignon, chef du service nouveaux animaux de compagnie (NAC) de l’ENVA avant de poursuivre : « La solution : former et informer, les vétérinaires comme les propriétaires ».

La douleur est le premier motif de consultation, sensorielle comme émotionnelle, elle est liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle. L’absence de communication ne signifiant pas l’absence de douleur. « La douleur est construite par rapport à un contexte préexistant d’un vécu douloureux et en fonction d'une situation environnementale : la situation, les émotions, les attentes de l’animal, le lien entre propriétaire et chien, ont une influence, positive comme négative », d’après notre confrère Thierry Poitte, fondateur du réseau CAP douleur, avant de conclure : « Pour être acteur du bien-être animal, ne soignons pas la douleur comme un symptôme mais plutôt comme un état, comme une maladie à part entière, soignons l’animal douloureux ».

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