Le robot “émotionnel”, un complément à la médiation animale ? - La Semaine Vétérinaire n° 1791 du 21/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1791 du 21/12/2018

NOUVELLES TECHNOLOGIES

ACTU

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD 

Il a l’apparence d’un bébé phoque, mais c’est un robot “émotionnel” ! Grâce à sept moteurs, Paro bouge la tête, cligne des yeux, actionne ses nageoires… Il pourrait devenir un partenaire des animaux bien vivants utilisés en thérapie.

Les Français vont-ils bientôt, à l’instar des Japonais, considérer les robots comme “des amis inestimables” ? Toujours est-il qu’un robot phoque est quotidiennement utilisé dans 11 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la Mutualité française Loire Haute-Loire SSAM. Des lieux qui accueillent également des activités de zoothérapie. Dans ce contexte, Paro devient-il un concurrent aux bêtes bien vivantes employées en médiation animale ? Quelques premiers éléments de réponse sont donnés dans une observation scientifique de son utilisation in situ durant 18 mois (encadré). De fait, il apparaît que Paro est « très éloigné des pratiques de médiation animale. En effet, même s’il n’est pas assimilé à un robot, les personnes âgées ne le prennent pas réellement pour un animal, et surtout pas pour un phoque ». De plus, « contrairement à un animal, il est plus ou moins prévisible, maîtrisable. Mais il est aussi lourd, débranchable, fragile et coûteux ». En définitive, Paro « est approprié comme un être hybride (animal-machine), ambigu et largement utilisé comme un doudou ».

« Des illusions de complicité intéressantes »

Didier Vernay, neurologue, responsable du diplôme universitaire Rama1, adorerait réaliser une étude comparative qui mélangerait robots “émotionnels” et médiation animale. Et d’observer : « Les nouvelles générations de robots permettent d’initier des illusions de complicité intéressantes. Encore faut-il que l’émotion que l’être humain prête au robot intervienne au bon tempo ! » Et d’ajouter : « À mon sens, la robotique ne doit pas être un prétexte pour enlever du vivant à l’intérieur des hôpitaux, des maisons de retraite, des prisons… Mais des raisons pratiques peuvent sans doute justifier qu’on y ait recours, comme outil complémentaire ». Un avis que partage Marine Grandgeorge, docteur en psychologie humaine et maître de conférences en éthologie : « De par mon expérience de collaboration avec des chercheurs en robotique, je pense que les robots sont intéressants à introduire dans les endroits où l’hygiène est un frein à la venue d’un animal vivant ou quand le personnel est très réticent à leur introduction. De plus, le robot a l’avantage de travailler sans se fatiguer, et donc d’être utilisable quotidiennement auprès d’un nombre élevé de patients. » Dans le cas de troubles très importants du comportement humain, mieux vaut peut-être mettre les personnes en contact avec des robots afin d’éviter tout cas de maltraitance animale ? La question se pose désormais, avec les progrès de cette robotique dite “bio-inspirée”, où les chercheurs étudient le développement des liens affectifs.

1 Relation d’aide par la médiation animale.

LE ROBOT ANIMAL, UN OUTIL INTÉRESSANT EN CAS DE TROUBLES COGNITIFS ?

Paro a été développé en 1993 par l’équipe japonaise du Dr Takanori Shibata, pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et apparentées. Le rapport1 concernant son utilisation en France conclut que Paro a « un effet positif sur le comportement, le bien-être, voire le lien social des résidents ». De plus, le robot « canalise la crise, mais à condition d’intervenir à son début ». Il « attendrit, console, déclenche la parole, éveille la curiosité et l’intérêt des résidents, mais pas tout le temps ». Cependant, il ne fonctionne pas sur tout le monde : « Une stabilité du refus s’observe chez les résidents qui ont la phobie des animaux ou qui refusent, selon eux, d’être infantilisés ».

1 Rapport à télécharger sur www.bit.ly/2OdfsGh. Études réalisées avec le soutien de la Fédération de la mutualité française et de la Fondation Paul-Bennetot.
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