Des propositions contre le trafic de chiots en ligne à l’échelle européenne - La Semaine Vétérinaire n° 1791 du 21/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1791 du 21/12/2018

PROTECTION ANIMALE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA 

Les organisations professionnelles vétérinaires européennes et les associations de protection animale internationales s’emparent de la problématique des ventes illégales en ligne, tandis que la Commission européenne commence à dévoiler ses projets sur le sujet.

Au cours de la dernière décennie, le nombre de chiens introduits illégalement en Europe a augmenté de façon exponentielle, alimenté notamment par la préférence des acheteurs pour certaines races. 8 millions de chiots sont nécessaires chaque année pour répondre à la demande, ce qui représente plus de 1 milliard d’euros de commerce en ligne. Bien souvent issus d’“usines à chiots”, mal sevrés et mal socialisés, non vaccinés, transportés sur de longs trajets, ces animaux sont exposés à un risque élevé de contracter des maladies, dont des zoonoses. Les survivants présentent souvent des problèmes de comportement, conduisant à leur abandon. Les vendeurs frauduleux exploitent de manière attractive les plateformes en ligne pour entrer en contact avec des clients peu méfiants, entraînant des coûts financiers élevés et une souffrance émotionnelle.

Une prise de position des vétérinaires européens

En juin dernier, la Fédération des vétérinaires d’Europe (FVE), l’Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP) et la Fédération européenne des associations de vétérinaires canins (Fecava) ont fait part de leurs préoccupations en adressant une lettre commune à deux commissaires européens. Elle énumère des mesures visant à améliorer la réglementation du commerce en ligne d’animaux au niveau de l’Union européenne (UE). Ces mesures, telles que la vérification et l’enregistrement des vendeurs, la mention d’informations obligatoires sur les animaux (y compris leur numéro d’identification)1, l’interdiction des annonces publicitaires de “pet wanted” et la possibilité de signaler toute violation de la réglementation sanitaire ou du bien-être animal, sont issues d’un rapport rédigé conjointement par les trois organisations.

Harmoniser l’identification et l’enregistrement des animaux

Ce commerce non réglementé était aussi le thème de deux conférences organisées en novembre dernier par l’UE. « Le commerce illégal en ligne des chiots : vers une Union européenne plus sûre pour les animaux et les personnes en ligne » 2 était le titre de la première réunion, organisée le 21 par la présidence autrichienne et les associations de protection animale Eurogroup for Animal Welfare et Four Paws International. Andrew Robinson, vice-président de la FVE, y a souligné les conséquences potentielles de tels échanges sur le bien-être et la santé des animaux, comme sur la santé publique. Il a appelé à une plus grande transparence grâce à une identification et à un enregistrement obligatoires et harmonisés. D’autres intervenants ont aussi réclamé l’enregistrement et l’octroi de licences aux éleveurs et aux vendeurs, ainsi qu’une meilleure réglementation des plateformes en ligne, qui représentent les principales portes d’entrée de ces échanges illégaux.

Sensibiliser les propriétaires

Lors de la seconde conférence, intitulée « Vente illégale en ligne d’animaux de compagnie, plaidoyer en faveur de l’autorégulation » 3, organisée le 27 novembre par la EU Dog & Cat Alliance, la secrétaire honoraire de la Fecava, Ann Criel, a rappelé les recommandations citées précédemment. L’association souhaite des lois plus strictes, une meilleure application de la réglementation en matière de circulation, de bien-être animal et de vente en ligne, une plus grande coopération entre les autorités compétentes et la sensibilisation du public. Ann Criel a ainsi exhorté les futurs propriétaires à demander au préalable conseil à un vétérinaire ou à faire subir un examen au chiot avant cession : « Si l’éleveur n’est pas d’accord, prenez cela comme un signe d’alerte. » D’autres indices doivent freiner les acheteurs potentiels : « Les chiots montrés sans leur mère, les éleveurs réticents à faire visiter l’élevage, qui veulent envoyer l’animal ou qui demandent le paiement avant la cession ». Notre consœur a aussi mis en garde contre le commerce sur Internet de chiens de refuge de par le monde. « De telles organisations importent souvent ces chiens illégalement sans vérification de leur santé ou de leurs antécédents, appelant le public à “sauver un chien de l’euthanasie”. En réalité, cela pose un risque énorme en matière de santé publique et animale. En Belgique, par exemple, ces adoptions en ligne contournent les règles strictes en vigueur pour les adoptions nationales. » Elle a conclu en demandant aux propriétaires de signaler les éleveurs illégaux.

Ces conférences tombent à point nommé, car la Commission européenne commence à dévoiler ses projets de règles spécifiques qui pourraient limiter ce commerce illégal grâce aux pouvoirs conférés par la loi sur la santé animale4. La révision de la législation européenne en matière de consommation crée aussi des opportunités pour mieux réglementer les plateformes en ligne et protéger les consommateurs.

1 En France, toute publication d’une offre de cession de chats et de chiens doit faire figurer l’âge des animaux, l’inscription ou non à un livre généalogique, le numéro d’identification de chaque animal ou de la mère, le nombre d’animaux par portée, le numéro Siren du vendeur (ou le numéro de portée) lors de vente ou la mention explicite du caractère gratuit lors de don (ordonnance n° 2015-1243 du 7/10/2015 relative au commerce et à la protection des animaux de compagnie).

2 goo.gl/vDKxbZ.

3 goo.gl/663kmP.

4 goo.gl/P2DvV6.

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