Que retenir de la peste porcine africaine ? - La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018

ANALYSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : HERVÉ JAUNET 

La peste porcine africaine (PPA) est une maladie à déclaration obligatoire, classée comme danger sanitaire de 1re catégorie. Elle doit faire l’objet d’un plan national d’intervention sanitaire d’urgence (PNISU) en cas de détection. Contre cette maladie, les seules armes restent la prévention et le renforcement de la biosécurité des élevages pour éviter toute contamination, ainsi que des mesures de vigilance afin de détecter le plus rapidement possible tout foyer en vue de son éradication.

Des symptômes non spécifiques

La PPA est due à un virus à ADN enveloppé. Après une période d’incubation de 2 à 15 jours, elle provoque une fièvre hémorragique aux symptômes non spécifiques : hyperthermie marquée (supérieure à 40 °C), perte d’appétit, augmentation de la consommation d’eau, diarrhées et vomissements, détresse respiratoire (dyspnée consécutive à un œdème pulmonaire sévère), érythèmes cutanés (oreilles, queue, extrémités distales, abdomen et zone périanale), hématomes sous-cutanés et nécrose, et signes nerveux pour les souches hypervirulentes, ou boiteries pour celles peu virulentes. Chez la truie gestante, le premier symptôme reste l’avortement. La mort intervient dans les 3 à 15 jours pour la quasi-totalité des animaux infectés. Le tableau lésionnel à l’autopsie montre des lésions de type hémorragique sur différents organes souvent hypertrophiés (ganglions lymphoïdes, rate, etc.). La splénomégalie très marquée est sans doute la lésion la plus caractéristique. Le diagnostic clinique différentiel reste donc très compliqué (tableau). Seul le diagnostic de laboratoire permet une détection très rapide en 24 heures par polymerase chain reaction (PCR ; sur sang, rate, amygdales, ganglions et écouvillons sanguins) ou Elisa sur sérum. Deux laboratoires, le LDA 67 (laboratoire départemental d’analyses du Bas-Rhin) et Inovalys (Sarthe), sont agréés pour réaliser ces analyses. Tout résultat positif étant confirmé par le Laboratoire national de référence de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) Ploufragan-Plouzané (virologie et sérologie). À ce jour, il n’existe aucun traitement ou vaccin.

Un virus peu contagieux

Seuls les suidés (porcs et sangliers) sont sensibles à la PPA. Si la transmission peut être directe (groin à groin), le principal vecteur1 reste le sang, toute effusion sanguine (au cours des phases hémorragiques, lors d’autopsies ou lors de chasse) dispersant largement le virus dans le milieu extérieur. Les transmissions indirectes au travers de matériels souillés (bottes, aiguilles, camions, etc.) ou de viandes contaminées, sont aussi des facteurs importants de dissémination du virus dans l’environnement. Celle-ci est particulièrement critique dans l’épidémiologie de la PPA, car le virus est extrêmement résistant dans le milieu extérieur : de 7 jours dans la paille jusqu’à plusieurs semaines dans un cadavre de sanglier, voire des années dans de la viande congelée. Comparée à la fièvre aphteuse ou à la peste porcine classique (PPC), la maladie reste heureusement peu contagieuse, sans doute en raison d’une létalité très forte (> 90 %) et d’une mortalité très rapide des animaux infectés. Ainsi, la contagion est-elle progressive d’un atelier à un autre avec, en début d’épisode, une mortalité faible à l’échelle de l’élevage. Pour ensuite augmenter en raison de la propagation de la maladie sur l’ensemble de l’exploitation.

Une expansion amplifiée par les activités humaines

La propagation de la maladie en Europe a deux origines principales. Le premier facteur est le déplacement non contrôlable des sangliers, ces animaux étant un véritable réservoir de virus. Cette transmission reste cependant prévisible (les sangliers étant territoriaux et ne se déplaçant pas plus de 50 km/an) et s’effectue par dispersion sur des zones en contact avec des territoires déjà infectés. Le deuxième facteur est quant à lui humain ; il est totalement imprévisible et se joue des distances. C’est donc aujourd’hui le risque principal de dispersion rapide et multifocale de la maladie vers de nouvelles régions ou de nouveaux pays, sans liens territoriaux avec des zones déjà infectées. Compte tenu de l’extrême résistance du virus dans l’environnement, un grand nombre d’activités humaines peuvent engendrer la production et/ou le déplacement de matières infectantes qui peuvent contaminer durablement de nouveaux territoires. L’expansion de la PPA en Chine ces derniers mois est un nouveau facteur de risque. Le commerce international de sous-produits contaminés – issus du porc et destinés à l’alimentation animale (produits dérivés du sang, protéines hydrolysées, graisse, gélatine, etc.) –, en provenance de ce pays, est une menace dont l’importance reste aujourd’hui difficile à mesurer.

Réagir vite en cas de suspicion

En présence de cas suspect (voir la fiche synthétique éditée par la Commission porcine de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires [SNGTV] 2 ), il faut immédiatement prévenir la direction départementale de la protection des populations de son département (DDPP). Des prélèvements sanguins et d’organes (privilégier la rate) doivent être acheminés d’urgence sous couvert du froid (4 °C) dans l’un des deux laboratoires de criblage pour détection du virus. En cas de dépistage positif, le résultat sera confirmé par le laboratoire national de référence pour les pestes porcines de l’Anses de Ploufragan-Plouzané. De plus, dès la suspicion, une enquête épidémiologique est immédiatement diligentée pour identifier les origines possibles de la contamination et prévenir une éventuelle extension. Des mesures de gestion sont aussi mises en place allant jusqu’au déclenchement du PNISU. Les principales mesures d’urgence restent des mesures de restriction (zonage autour du foyer), le dépeuplement et le nettoyage et la désinfection du foyer, ainsi qu’une surveillance dans les zones.

1 Les tiques molles (Ornithodoros spp.) ont été confirmées comme vectrices du virus de la PPA (infection, réplication, transmission) en Afrique australe et de l’Est. Ces tiques ne sont présentes ni en Europe de l’Est ni en Europe de l’Ouest.

2 bit.ly/2A3f4pt.

Pour en savoir plus :

- Plateforme ESA : bit.ly/2RZPyYZ.

- Dossier “PPA” sur Agriculture.gouv.fr : bit.ly/2A124R2.

- Dossier “laboratoires” sur Agriculture.gouv.fr : bit.ly/2LmuGc3.

- Arrêté du 16/10/2018 : bit.ly/2SPbA0F.

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