Les entérites néonatales des veaux : thérapeutique et prévention - La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Les entérites néonatales des veaux (ENN), bien qu’étant une dominante pathologique des bovins (incidence annuelle moyenne de 20 %) et conduisant à deux tiers des cas de mortalité pendant le premier mois de vie, ne font pas l’objet d’un consensus franc en matière de signes cliniques, de prévention et de traitements.

Une triade clinique

Trois mécanismes physiopathologiques (inflammation, hypersécrétion et malabsorption-maldigestion) peuvent agir seuls ou en coordination. Ils conduisent, de ce fait, à des signes cliniques “classiques”, mais rarement univoques. Généralement, une “triade clinique” est observée : diarrhée, déshydratation, atteinte de l’état général, avec notamment hypothermie et décubitus (plus ou moins marqués), ainsi que leurs conséquences biochimiques majeures. Ces dernières sont l’acidose métabolique et les troubles électrolytiques (sodium, chlore et potassium, principalement).

Des étiologies variées

Les ENN sont attribuables à de multiples agents infectieux et parasitaires, mais aussi à des facteurs non infectieux (environnement et conduite d’élevage). Les principaux pathogènes identifiés chez les veaux de moins de 8 jours sont principalement les colibacilles pathogènes (Escherichia Coli), les rotavirus, les coronavirus, les cryptosporidium parvum et les strongles digestifs (Strongyloïdes papillosus). Les giardias sont fréquemment retrouvés, mais généralement en dehors de la période néonatale stricte (au-delà de 15 jours). Au vu de cette grande diversité étiologique, il est donc déterminant d’établir un diagnostic précis avec un prélèvement représentatif (plus de trois veaux, analyses précoces et répétées dans le temps).

Des méthodes diagnostiques plus ou moins précises

Au chevet de l’animal malade, les kits permettant d’obtenir une réponse étiologique rapide (immunochromatographie) à partir d’un prélèvement de matières fécales sont très démonstratifs et ciblent les pathogènes principaux. Cependant, ils restent moins performants (5 à 15 % de faux négatifs) que les techniques de laboratoire : numération et formule sanguines, recherche de facteurs de pathogénicité et antibiogramme, polymerase chain reaction (PCR), test Elisa. Concernant les salmonelloses, leur diagnostic n’est pas toujours aisé (temps et coût élevés) et il sera impératif de rechercher la source d’origine (animaux porteurs et/ou environnement). Toutefois, pour prévenir et traiter efficacement les diarrhées néonatales, même sans diagnostic précis, des lignes directrices générales peuvent déjà être suivies.

Ne pas négliger la prévention

Ainsi, la prévention repose sur le respect de conditions optimales de mise bas, un bâtiment adapté (sous- ou surventilation), une conduite d’élevage optimale (absence de niches, mélange de lots d’animaux d’âges différents), et enfin une bonne alimentation des vaches au tarissement (protéines, vitamines liposolubles, oligoéléments) et des veaux (colostrum de mauvaise qualité). La vaccination des mères peut aussi être envisagée, même si ses résultats ne sont pas garantis. En effet, les valences vaccinales disponibles ne couvrent pas toute la multiplicité des agents diarrhéiques existants. De plus, l’immunité étant transmise au veau par le colostrum, la vaccination, pour qu’elle soit efficace, doit être effectuée pendant la phase de colostrogenèse des mères et le colostrum bien distribué.

Consensus sur la stratégie de traitement

Concernant le traitement général des ENN, certains objectifs communs peuvent être définis : correction des déséquilibres hydroélectriques et de l’acidose, élimination ou prévention de la bactériémie colibacillaire ou de l’infection salmonellique, alimentation correcte et suffisante du veau. Pour y parvenir, une fluidothérapie est indispensable. Cette dernière peut être administrée par voie parentérale intraveineuse (IV, débit de 50-75 ml/k/h) ou orale. Si le veau est en acidose métabolique (pH urinaire < 6), en particulier lors de malabsorption-maldigestion et de gastro-entérites paralysantes (GEP), la poche de perfusion devra être complémentée par des bicarbonates et, en cas d’hypoglycémie (< 0,63 g/l), un apport en énergie. Pour corriger la déshydratation, il convient de mettre en place une réhydratation de 3 l au minimum et de rajouter le volume estimé des pertes d’eau physiologiques, soit 3,5 % du poids vif en 6 heures. De nombreux protocoles de réhydratation par voie IV existent, tels que le protocole standard de Smith et Berchtold, jugé optimal pour les veaux laitiers et allaitants souffrant de diarrhées et de déshydratation avec une acidose modérée à marquée. 5 l de solution saline isotonique (0,9 %) sont alors administrés au veau, mêlés à 250 ml de solution bicarbonatée à 8,4 %, mais il sera nécessaire de veiller à ce que l’alimentation lactée ne soit pas retirée plus de 12 à 24 heures maximum. La réhydratation orale, quant à elle, doit s’effectuer lors de déshydratations pas trop marquées (< 8 %), si l’état général n’est pas trop altéré, si le déficit en base estimé ou calculé est inférieur à 10 mmol/l et si le réflexe de succion est toujours présent. Les solutés utilisés doivent alors toujours être très riches en sodium, en glucose, en acétate ou en propionate, avec une strong ionic difference (SID) élevée (> 75 mmol/l). L’idéal serait qu’ils contiennent au moins 50 mmol/l d’alcalinisant (acétate ou propionate) et qu’ils aient une SID de 60 à 80 au minimum.

Par ailleurs, lors de suspicion ou de présence de colibacilles dans le sang ou lors de salmonellose, il convient de réaliser une antibiothérapie adaptée en se renseignant au niveau local (laboratoire vétérinaire départemental) ou national (Résapath) sur les données d’antibiosensibilité disponibles et en effectuant des prélèvements in vivo répétés. Si cela n’est pas possible, une antibiothérapie peut éventuellement être mise en place de façon prédictive selon l’étiologie supposée (colibacillaire généralement) en respectant certaines bonnes pratiques (limitation de l’usage d’antibiotiques par voie orale, pas d’antibiotiques critiques lors de traitement initial, sauf conditions particulières telles que les septicémies, éviter chez les animaux sans atteintes marquées de l’état général, sans déshydratation, normothermes, débris de muqueuses ou de sang dans les matières fécales et sans bactériémie). Une alternative possible à l’antibiothérapie reste l’usage oral d’un anti-infectieux non spécifique : le complexe lactoferrine/lactoperoxydase.

Enfin, la composante inflammatoire des ENN étant capitale, l’usage d’anti-inflammatoires non stéroïdiens est recommandé, d’autant qu’ils ont aussi un pouvoir antisécrétoire et antipyrétique. En revanche, l’usage des corticoïdes dans cette indication est peu documenté, sans doute à cause de leur effet hypokaliémant et de leur grand pouvoir de rétention hydrosodée qui compliquerait la fluidothérapie.

Les ENN du veau peuvent donc être abordées suivant une approche globale (diagnostic, prévention, traitement) et doivent conduire à des recommandations du vétérinaire (conseils de prévention, voire visite d’audit).

Renaud Maillard Vétérinaire, maître de conférences en pathologie des ruminants. Bertrand Guin Vétérinaire, président du GTV Bourgogne- Franche-Comté. Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées nationales des GTV à Nantes (Loire-Atlantique), du 16 au 18 mai.

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