La lutte biologique pour combattre le pou rouge - La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018

AVICULTURE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Dans le cadre du projet Bioptipou, des chercheurs étudient les prédateurs naturels des poux rouges des élevages de volaille.

Déclassement des œufs tachés, chute de la production, picage, anémie, transmission de pathogènes, voire hausse de la mortalité… Le pou rouge, ou Dermanyssus gallinae, est un véritable fléau en élevage de poules pondeuses. Pour y remédier, plusieurs méthodes de lutte sont disponibles, l’objectif étant, non pas d’éradiquer, mais de réduire la pression parasitaire. Parmi elles, le biocontrôle cherche à utiliser des prédateurs naturels des poux pour réguler leur population. Jusqu’à présent, très peu d’études s’étaient penchées sur cette question. Depuis 2016, c’est chose faite avec le projet Bioptipou1. Coordonné par l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) et financé par des fonds de l’Union européenne (Feader), de la région Auvergne-Rhône-Alpes (à travers le PEP avicole-Pôle d’expérimentation et de progrès) et du Comité national pour la promotion de l’œuf, il cherche à mettre à profit les processus écologiques naturellement à l’œuvre dans les bâtiments d’élevage. « L’idée est d’identifier un ou plusieurs assemblages 2 naturellement présents dans l’élevage et efficaces dans la lutte contre l’acarien, explique Lise Roy. Mais aussi de trouver des moyens pour favoriser leur activité localement. » C’est le principe de la lutte biologique par conservation. À terme, l’idée serait de pouvoir fournir des indications sur les meilleurs assemblages possibles, et de donner des recommandations aux éleveurs concernant leurs pratiques.

Des résultats prometteurs

« La première année du projet a été consacrée à dresser un inventaire des arthropodes présents dans les élevages de poules pondeuses », continue la chercheuse. En pratique, des prélèvements ont été effectués dans 20 bâtiments de pondeuses au sol, tous les trois mois pendant un an, dans le fumier et dans l’air. Le résultat : des ennemis naturels en abondance et diversifiés, avec une prédominance des acariens, notamment des mésostigmates. « Il fallait ensuite vérifier la faisabilité de la lutte biologique par conservation », précise Lise Roy. Deux conditions doivent ainsi être réunies : un paysage qui peut fournir des prédateurs, et une zone d’élevage favorable à leur installation et à leur action. Et c’est le cas. L’analyse statistique a révélé un effet “région” significatif : « Cela conforte l’idée que c’est bien l’espace environnant qui fournit les prédateurs, qui rentrent probablement par l’intermédiaire d’insectes volants. 3 » De plus, l’effet “modes de conduite” est également significatif, avec certains prédateurs qui ont tendance à être plus nombreux dans les élevages biologiques et d’autres qui le sont, au contraire, dans les autres élevages. Désormais, la question est de savoir si des assemblages contenant des ennemis potentiels ont effectivement un effet suppresseur sur les populations de poux. « Nous avons identifié des assemblages candidats, incluant des acariens du genre Macrocheles, surtout M. muscaedomesticae, du genre Cheyletus et l’espèce Androlaelaps casalis, explique la chercheuse. Nous testons actuellement leurs effets dans des dispositifs expérimentaux. » Prochaine étape : identifier les éléments paysagers susceptibles de fournir des ennemis naturels.

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2 Un assemblage correspond à l’association d’ennemis naturels des poux et d’organismes facilitateurs de leur action.

3 Tous les mésostigmates identifiés appartiennent à des taxons phorétiques, qui utilisent des insectes volants comme “taxis” pour entrer dans les élevages.

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