Lavage trachéal : relation entre neutrophilie et bactéries isolées - La Semaine Vétérinaire n° 1789 du 07/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1789 du 07/12/2018

ANALYSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ  

Une étude rétrospective a été menée conjointement par le Royal Veterinary College à Londres et le laboratoire de la clinique Rossdales à Newmarket, en Grande-Bretagne. L’objectif de cette étude était d’investiguer l’association entre des paramètres indépendants (bactéries pathogènes, âge, année et mois de diagnostic) et la neutrophilie (en distinguant neutrophiles dégénérés et non dégénérés) dans les lavages trachéaux de chevaux.

Le classement était effectué en fonction :

1- de la présence de neutrophiles sur une échelle de 0 à 4 (photo 1),

2- de la présence de neutrophiles dégénérés (photo 2).

La culture bactérienne était classée sur une échelle de 0 à 3 avec :

0 = pas de bactéries ;

1 = quelques colonies ;

2 = colonies en quantité modérée ;

3 = colonies en grande quantité.

Le groupe avec des colonies en quantité supérieure à 2 a été évalué pour définir la présence (ou non) de bactéries pathogènes pour le système respiratoire : Streptoccocus zooepidemicus et Strepto coccus spp. β - hémolytique, S. pneumoniae, Actinobacillus spp., Pasteurella spp. et Bordetella spp. Ces bactéries ont été choisies en fonction de leur association rapportée avec l’asthme équin modéré et d’autres affections des voies respiratoires profondes. Les autres bactéries étaient considérées comme non pathogènes.

Un total de 1975 lavages trachéaux a été inclus dans cette étude, avec 569 lavages “négatifs” (28,8 %) pour la présence de neutrophiles (score inférieur ou égal à 1) et 1 406 “positifs” (71,2 %) pour la présence de neutrophiles (score supérieur ou égal à 2). Parmi les 1 406 échantillons avec des neutrophiles, 773 (55 %) présentaient des neutrophiles non-dégénérés et 633 (45 %) des neutrophiles dégénérés (et non-dégénérés).

Par ailleurs, sur les 1 975 lavages trachéaux, 1 170 présentaient une culture positive et 805 une culture négative. Parmi les 1 170 échantillons avec une culture positive, 610 ne laissaient apparaître aucune bactérie pathogène et 560 en recelaient au moins une. Parmi celles-ci, 292 échantillons comportaient S. zooepidemicus et Streptococcus spp., 53 S. pneumoniae. Il y en avait 289 avec Pasteurella spp., 36 avec Actinobacillus spp. et 37 avec Bordetella spp.

Quelle relation entre culture bactérienne et neutrophiles dans le lavage trachéal ?

Le rôle primaire ou secondaire des bactéries dans les affections des voies respiratoires profondes demeure mal compris. Si la qualité de l’air dans l’environnement est considérée comme étant un facteur majeur dans la contamination des voies respiratoires profondes, les sources d’infection peuvent également provenir d’une colonisation bactérienne par les voies respiratoires supérieures ou la transmission de bactéries via d’autres animaux présents.

Cette étude confirme l’hypothèse que la présence de neutrophiles dégénérés est significativement liée à la culture de bactéries et notamment celles citées ci-avant et déjà précédemment associées dans d’autres études avec la présence d’une inflammation des voies respiratoires profondes ou d’asthme équin.

Neutrophiles dégénérés ?

La lyse des noyaux vue en cytologie sur ces échantillons et classifiée comme étant des neutrophiles dégénérés présente une forte ressemblance d’un point de vue cytologique avec les neutrophil extracellular traps (NET), qui sont des réseaux de fibres extracellulaires composés d’ADN et d’histones libérés par les polynucléaires neutrophiles. Les NET participent à la réponse immunitaire et s’associent aux antibiotiques pour piéger et tuer les bactéries. Ce phénomène est bien documenté chez la plupart des espèces, incluant les chevaux et pourrait être le témoin de l’existence d’un lien dans l’étiologie de l’asthme équin modéré avec la présence de bactéries.

Traiter à bon escient

Lors d’asthme équin, bon nombre de praticiens utilisent encore des antibiotiques de façon empirique sans effectuer au préalable de prélèvements et donc sans données cytologiques et bactériologiques. Hugues et coll. ont montré, en 2013, lors d’une étude effectuée au moyen d’un questionnaire, que 53,2 % des vétérinaires en Grande-Bretagne prescrivaient des antibiotiques pour un cheval présentant une toux sans diagnostic précis. Il va de soi que ce ne sont pas de bonnes pratiques qui peuvent, de plus, induire l’apparition de résistances aux antibiotiques. La réalisation d’un lavage trachéal en cas de suspicion d’infection ou de surinfection bactérienne des voies respiratoires profondes doit être la première étape avant la mise en place de tout traitement antibiotique.

Un effet de l’âge ?

Les chevaux du groupe le plus âgé (plus de 9 ans) avaient plus de chance d’avoir des neutrophiles, mais il était moins certains que ce soit des neutrophiles dégénérés. Ceci reflète bien ce qui se passe en cas d’asthme équin sévère avec neutrophilie importante. Bien que ces animaux présentent parfois des cultures bactériennes positives, l’absence de neutrophiles dégénérés pourrait indiquer que les bactéries présentes sont des contaminants et confirmer ainsi l’aspect non septique de cette affection.

Un effet de l’année de prélèvement ?

L’effet significatif de l’année de prélèvement pourrait refléter l’existence de variables comme des épidémies respiratoires virales ou bactériennes ou une variation des conditions environnementales. Ainsi, il y avait moins de neutrophiles dégénérés au printemps et en été en comparaison avec l’hiver, ceci pouvant être lié notamment au mode d’hébergement des chevaux.

Conclusion

Cette étude a confirmé la relation qui existe entre neutrophilie et isolation de bactéries. Cela a permis de mettre en évidence un lien entre neutrophiles dégénérés et les bactéries pathogènes présentes dans les voies respiratoires profondes. Chez les chevaux plus âgés présentant de l’asthme équin sévère (ou pousse) et une neutrophilie marquée, l’absence de neutrophiles dégénérés confirme le fait qu’une infection bactérienne n’est en rien la cause de la réponse neutrophilique et de la présence de sécrétions mucopurulentes dans la trachée.

D’après l’article de Jocelyn N.A., Wylie C.E., Lean M. et coll. Association of neutrophil morphology with bacterial isolates in equine tracheal wash samples. Equine Vet. J. 2018;50(6):752-758.

Pour en savoir plus :

Hughes L.A, Pinchbeck G., Callaby R. Dawson S., Clegg P. and Williams N. (2013) Antimicrobial use and antimicrobial resistance in horses. Equine Vet. J., 45, 141-147.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr