Les vétérinaires européens face aux nouveaux enjeux

Faire face aux changements » aurait pu être le thème de la dernière assemblée générale (AG) de la Fédération vétérinaire européenne (FVE) qui s’est déroulée à Rome (Italie), début novembre, et à laquelle ont participé quelque 150 délégués provenant de plus de 30 pays.

Les cabinets “corporates” s’ancrent dans le paysage professionnel

Plusieurs domaines clés de l’initiative VetFutures ont été abordés, y compris les nouvelles formes d’entreprise. « Les “corporates” sont désormais bien établis en Europe, avec plus de 50 % du marché vétérinaire dans certains pays », a rapporté Torill Moseng (Norvège), vice-présidente de l’Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP), lors de l’AG de celle-ci, le 8 novembre. « Toutes les principales cliniques en Norvège ont été achetées par l’un des deux principaux acteurs, Evidensia ou Anicura, ce dernier ayant récemment été acquis par Mars ». Au Royaume-Uni, l’une de ces entreprises est même sur le point d’ouvrir une école vétérinaire privée. Si cette forme d’exercice apporte un certain nombre d’avantages pour les vétérinaires impliqués, il est clair « que ces entreprises sont mues par des résultats économiques », ce qui peut avoir une incidence sur leurs employés et leur liberté clinique. « Il est essentiel que nous continuions à garder un dialogue avec ces entreprises et à veiller aux intérêts de nos collègues ».

Intégrer les outils numériques à la pratique

« Adopter l’innovation », un autre sujet d’intérêt de VetFutures Europe, a également fait l’objet de présentations. « Nous vivons dans le monde du big data », a confirmé Denis Avignon, vice-président de l’Ordre national des vétérinaires français lors de sa présentation à Rome. « En tant que vétérinaires, nous serons bientôt confrontés à une nouvelle façon de pratiquer. » Étant donné le développement rapide des technologies dans le domaine des capteurs physiologiques, la profession vétérinaire doit s’impliquer davantage. « La télémédecine doit faire partie intégrante de la formation initiale des vétérinaires et de la formation permanente », a-t-il martelé, en exhortant ses collègues à réfléchir à un modèle économique et à définir juridiquement les règles pour les objets connectés dans le domaine vétérinaire. « Si nous ne faisons rien, d’autres le feront à notre place », a-t-il prévenu. Autre signe d’évolution vers le digital, la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA) développe désormais des outils de formation permanente en ligne pour les vétérinaires « qui vivent tous sur leurs téléphones », a témoigné Freda Scott-Park, présidente de The Links Group (Grande-Bretagne). La BSAVA propose ainsi une bibliothèque en ligne, dont une grande partie est libre d’accès. Le système comporte des outils de recherche performants et faciles à utiliser, avec la possibilité d’explorer ou d’acheter des contenus par chapitre.

Ordonnances électroniques en Italie et en Espagne

Les ordonnances électroniques deviendront obligatoires pour tous les vétérinaires en Italie dès le 1^er janvier 2019. « Cela permettra une meilleure traçabilité et collecte de données, et, en mesurant la consommation, cela contribuera à améliorer l’utilisation raisonnée des antibiotiques », a expliqué Marco Melosi, président de l’Association italienne vétérinaire (ANMVI). « En tant que “médaillé de bronze” des pays les plus forts consommateurs d’antibiotiques vétérinaires en Europe, c’est une étape importante », a ajouté son confrère Giacomo Tolasi. L’Espagne a également annoncé le lancement d’un système d’ordonnances électroniques pour les vétérinaires, nommé Prescrivet. Une application a été développée pour les smartphones, comme l’a indiqué Álvaro Mateos Amann, président du Collège des vétérinaires de Biscaye (Espagne), ajoutant que Prescrivet appartenait à l’organisme statutaire vétérinaire espagnol (Consejo general de colegios de veterinarios).

Brexit à l’horizon

S’il y a un véritable défi européen pour la profession, c’est bien le Brexit.« Nous devons faire face à des conséquences potentiellement très graves, a annoncé Stuart Reid, du Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS), l’instance ordinale vétérinaire au Royaume-Uni. Comme plus de la moitié de nos nouveaux diplômés sont actuellement des vétérinaires diplômés dans l’UE non-britannique, nous devrons très probablement faire face à une pénurie de vétérinaires lors de la fin de la libre circulation après le Brexit. Le secteur de l’hygiène alimentaire et celui des services publics, où ces vétérinaires représentent 90 % et 60 % de la population vétérinaire active, ainsi que la pratique clinique seront particulièrement touchés. » Stuart Reid a indiqué que les organismes réglementaires et les professionnels travaillent ensemble pour faciliter l’enregistrement de vétérinaires de l’UE issus des écoles agréées. Une autre conséquence possible est la pénurie potentielle de médicaments pour lesquels le Royaume-Uni est un État membre de référence, a observé le vice-président de la FVE, Rens van Dobbenburgh.

Formation au bien-être animal pour les propriétaires et les gérants professionnels

La FVE estime que tous les propriétaires et gérants professionnels d’animaux – dont les agriculteurs, les transporteurs, le personnel d’abattoir, les éleveurs de chiens et les toiletteurs – devraient recevoir une formation obligatoire relative à la manipulation, au bien-être et à la santé des animaux, ainsi qu’aux spécificités de l’élevage. Cet avis constitue l’essentiel de la prise de position de la FVE, document adopté à l’unanimité lors de l’AG.

Une autre prise de position de la fédération, également adoptée à Rome, a plaidé pour l’utilisation d’indicateurs centrés sur l’animal à utiliser lors de toute évaluation du bien-être des animaux de rente, fondés sur des paramètres liés à leur santé, à leur comportement et à leurs ressources.
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