Heures supplémentaires ou heures complémentaires ? - La Semaine Vétérinaire n° 1788 du 30/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1788 du 30/11/2018

LÉGISLATION

ÉCO GESTION

Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT  

Souvent confondus, ces deux types d’“heures” sont pourtant loin de pouvoir être mises en place pour les mêmes raisons. La première vient au-delà du temps de travail légal, quand la seconde complète un temps partiel.

Voilà deux notions fréquemment débattues devant le conseil de prud’hommes. Avec parfois de lourdes conséquences pour les employeurs, puisque certaines sanctions peuvent être pénales. Et pourtant, force est de reconnaître que les non-initiés peuvent facilement confondre heures supplémentaires et heures complémentaires et que le langage courant opère rarement une différence. À tort, comme souvent ! En effet, les heures complémentaires et les heures supplémentaires ne s’appliquent que dans des circonstances très spécifiques à chacune. En revanche, les deux concernent exclusivement des salariés dont les horaires de travail sont parfaitement définis. Les rémunérations “au forfait” échappent en effet à ces heures.

Les heures complémentaires

Partant de la définition de complément, il est aisé de comprendre que les heures complémentaires s’ajoutent à un nombre d’heures incomplet, en l’occurrence à un temps partiel. L’employeur ne peut donc proposer des heures complémentaires qu’à un salarié à temps partiel. Lors de la rédaction du contrat de travail à temps partiel, il est préférable de prévoir une clause fixant les limites dans lesquelles le salarié peut accomplir des heures complémentaires au-delà de la durée fixée par son contrat. Ces heures complémentaires peuvent, par exemple, être sollicitées en cas de surcharge passagère de travail ou pour pallier une absence. Mais leur usage n’est pas infini dans le temps comme dans leur nombre. Concrètement, « Le Code du travail fixe la limite d’un tiers de la durée du travail prévue au contrat », explique Nathalie Lailler, avocate au barreau de Caen (Calvados). Ainsi, si un salarié est embauché sur un contrat de 20 heures par semaine, impossible de lui demander plus de 6,6 heures de présence de plus sur une semaine. Et encore faudra-t-il bien vérifier la durée hebdomadaire de travail au sein de la clinique. En effet, lorsque la durée de travail applicable pour les salariés à temps plein est inférieure ou égale à 35 heures, le salarié peut demander la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, si cette limite est franchie.

Les heures supplémentaires

Contrairement aux heures complémentaires, les heures supplémentaires viennent au-delà de la durée légale du travail définie par le Code du travail (35 heures par semaine). Elles ne concernent donc que les salariés à temps complet. Et là aussi il existe des limites. Celles-ci sont fixées par le Code du travail ou par la convention collective. Si cette dernière ne prévoit pas de dispositions spécifiques, ce contingent d’heures supplémentaires est de 220 heures par an et par salarié. La convention collective applicable aux cliniques vétérinaires fixe ce contingent à 280 heures annuelles par salarié. Il existe ensuite des limites concernant la durée du travail hebdomadaire. Autrement dit, il est impossible de demander à un salarié d’effectuer plus de 48 heures par semaine et l’employeur sera également en infraction s’il demande à son collaborateur de travailler en moyenne plus de 44 heures par semaine sur deux semaines consécutives. Sur une journée, la loi impose un temps de travail maximal de 12 heures, « la convention collective des cliniques vétérinaires porte ce temps de travail quotidien à 15 heures, en cas de circonstances particulières justifiées pour répondre aux obligations de service de la profession en santé animale et en sécurité sanitaire », précise Nathalie Lailler.

La rémunération

Les heures complémentaires comme les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire définie par la convention collective ou un accord de branche. À défaut, le Code du travail s’applique. Chez les vétérinaires, les dispositions de la convention collective sont les mêmes que celles du Code du travail. Concernant les heures complémentaires, une majoration de 10 % s’applique dès la première heure. Elle est de 25 % pour les heures effectuées au-delà de la 10e heure dans la limite du tiers de la durée contractuelle. Pour les heures supplémentaires, la rémunération sera augmentée de 25 % pour chacune des huit premières heures, soit de la 36e à la 43e heure, et de 50 % au-delà. Les heures supplémentaires doivent faire l’objet d’une mention spécifique obligatoire sur le bulletin de paie précisant le nombre d’heures concernées par la majoration et le taux de majoration applicable. Et elles ne peuvent en aucun cas être payées sous forme de prime ou par un cadeau. Enfin, il est possible de ne pas rémunérer les heures supplémentaires au profit de jours de repos, seulement de la 36e à la 39e heure selon la convention collective applicable aux cliniques vétérinaires.

Les conditions de mise en œuvre

Le recours à ces deux dispositions est à la main de l’employeur. En général, il est souvent dicté par l’urgence. Pour les heures supplémentaires le salarié ne peut pas les refuser, sauf à avoir un motif “légitime”. Par exemple, si les heures demandées vont au-delà de la durée maximale du travail ou si l’employeur refuse de les rémunérer en majorant leur taux. « Le refus d’exécuter les heures supplémentaires peut constituer un motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse », prévient l’avocate. Il peut arriver que la faute grave soit également avancée par l’employeur. En tout état de cause, la gravité de la faute s’apprécie en fonction de la justification de la demande de l’employeur et des raisons du refus du salarié. Le cadre est très différent pour les heures complémentaires. L’employeur doit prévenir le salarié au moins trois jours à l’avance. Il est préférable de faire cette démarche par courrier en mentionnant bien le nombre d’heures complémentaire demandées et leur répartition sur la semaine. Le salarié peut toutefois refuser d’accomplir des heures complémentaires au-delà des limites fixées par son contrat de travail sans s’exposer à une faute, ni à un motif de licenciement.

Les sanctions

Comme toujours, l’employeur qui ne respecterait pas ces dispositions pour mettre en place des heures complémentaires ou des heures supplémentaires s’expose à des sanctions. Et pas des moindres. Ainsi, le non-paiement de tout ou partie des heures supplémentaires peut être considéré comme du travail dissimulé. L’employeur peut donc écoper d’une sanction pénale de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, cinq ans et 75 000 €si l’infraction concerne plusieurs personnes ou une personne vulnérable. Au civil, le défaut de paiement à titre habituel des heures supplémentaires permet au salarié d’obtenir une indemnité spéciale de travail dissimulé. « Cette indemnité est forfaitaire et équivaut à six mois de salaire », précise l’avocate. Sans compter la « prise d’acte de rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur » assortie de dommages et intérêts et d’autres indemnités, puisqu’une prise d’acte de rupture validée par la justice a les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour les heures complémentaires, les sanctions échappent au pénal. Cela étant, si les heures complémentaires portent la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou, si elle est inférieure, de celle de la durée conventionnelle de travail, le salarié pourra demander à requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein.

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