Baisse des ventes d’antibiotiques : faut-il s’attendre à un effet de seuil ? - La Semaine Vétérinaire n° 1786 du 16/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1786 du 16/11/2018

MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL  

La consommation d’antibiotiques en médecine vétérinaire poursuit son recul. L ’ Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) souhaite évaluer, au cours des prochaines années, l’impact de la diminution importante du recours aux antibiotiques critiques.

En 2017, la consommation d’antibiotiques en santé animale1 poursuit sa baisse. Mais à y regarder de plus près, cette diminution continue ne concerne pas toutes les espèces, c’est l’une des informations communiquées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) lors de sa journée “antibiorésistance”, qui s’est tenue le 13 novembre à Paris. Sur l’année de référence, elle constate bien que l’exposition des animaux aux antibiotiques a été réduite de 3,6 % par rapport à 2016. Le volume total des ventes s’élève ainsi à 499 t d’antibiotiques et s’inscrit en baisse de 5,9 % par rapport à l’année 2016 (530 t). « Il s’agit du tonnage le plus faible enregistré depuis le début du suivi en 1999 (1311 t). Une diminution de 45,2 % est observée par rapport à 2011, année de référence pour le premier plan ÉcoAntibio. Cette évolution est en grande partie imputable à une diminution des ventes d’antibiotiques administrés par voie orale », indique l’agence. Pour Patrick Dehaumont, directeur général de l’alimentation (DGAL), les résultats du plan ÉcoAntibio sont très encourageants et doivent inciter à maintenir les efforts consentis par tous les acteurs.

Les tonnages en recul ou presque

Depuis 2011, l’exposition globale des animaux aux antibiotiques a chuté de 38,9 %, et ce toutes espèces confondues : - 14 % chez les chiens et les chats, - 23,3 % chez les bovins, - 43,5% chez le porc, - 44,3% pour le lapin, - 48,7% pour les volailles. En 2017, la tendance se confirme. Le niveau d’exposition a diminué, selon les espèces, de 19,4 % (lapins), - 10,1 % (volailles) et - 3,3 % (porcs), tandis qu’il croît légèrement, de + 6,6 %, chez les carnivores domestiques et, de + 1,2 %, chez les bovins. L’agence observe que le tonnage des antibiotiques à destination des carnivores domestiques a augmenté entre 1999 et 2006, pour ensuite baisser jusqu’en 2013 et repartir à la hausse. Cette hausse porte surtout sur les pénicillines, les aminoglycosides, les céphalosporines de premières et dernières générations. Delphine Urban, de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV), indique que 16 t de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques ont été destinées aux chiens et aux chats en 2017, soit 2,9 % de plus que le tonnage de 2016. Elle note toutefois, une diminution de l’exposition de 4 % par rapport à 2011. En 2017, les carnivores domestiques ont majoritairement été traités avec des pénicillines, des aminoglycosides, des sulfamides, des céphalosporines de premières générations et des tétracyclines. L’agence constate aussi une augmentation du tonnage destiné aux bovins. Pour cette période, il est d’environ 131 t, soit 5,5 % de plus qu’en 2016, mais 28,5 % plus faible qu’en 2011. Les bovins sont majoritairement traités avec des tétracyclines, des pénicillines, des aminoglycosides et des macrolides. Cependant, entre 2016 et 2017, leur exposition a décru pour les céphalosporines de 3e et 4e générations (C3G et C4G), les fluoroquinolones et les macrolides. Sur la même période, un report sur d’autres familles d’antibiotiques est observé pour les tétracyclines, les aminoglycosides et les pénicillines.

Les critiques à la baisse

La chute de l’exposition aux antibiotiques critiques se poursuit. « Le nouveau plan ÉcoAntibio permet de pérenniser cette forte baisse de l’exposition aux antibiotiques critiques. On constate peu de reports vers d’autres familles d’antibiotiques. Il faut maintenir cette dynamique », souligne Delphine Urban, d’autant que la consommation française d’antibiotiques se situe en dessous de la moyenne2 européenne. En 2017, 0,1 tonne (0,02 %) de céphalosporines de dernières générations a été vendu. L’exposition à cette famille d’antibiotiques a diminué de 94,2 % en 2017 par rapport à 2013, toutes espèces confondues. Dans le détail, sur les quatre dernières années, l’utilisation des céphalosporines de dernières générations a diminué pour les bovins (- 94,9 %), les porcs (- 93,7 %), les carnivores domestiques (- 65,5 %) et les chevaux (- 95 %). « Après une forte baisse de l’exposition des carnivores domestiques, une augmentation de 21,7 % est observée entre 2016 et 2017. Cette évolution sera à surveiller dans les prochaines années », souligne le rapport de l’ANMV. Il note par ailleurs que le nombre de traitements intramammaires par vache laitière à base de C3G et C4G a chuté de 99,5 % entre 2013 et 2017. Même constat pour les fluoroquinolones, dont une baisse de 87,8 % de l’exposition a été observée en 2017 par rapport à 2013, pour toutes les espèces. « Sur les quatre dernières années, l’exposition pour cette famille d’antibiotiques a diminué pour les bovins (- 93,1 %), les porcs (- 93,9 %), les volailles (- 50,3 %), les carnivores domestiques (- 73 %) et les chevaux (- 93,9 %) », note le rapport. Une réussite qui dépasse largement l’objectif initial de réduction de 25 % de l’utilisation des antibiotiques, fixée par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt d’octobre 2014. Cette forte diminution a été atteinte en 2016 pour se poursuivre en 2017. « Ces bons résultats font suite à la publication d’un décret et d’un arrêté interministériel en mars 2016 visant à encadrer la prescription et la délivrance des médicaments utilisés en médecine vétérinaire contenant une ou plusieurs substances antibiotiques d’importance critique. L’entrée en application de ces textes étant en mars 2016, un effet partiel de cette nouvelle réglementation a été observé en 2016. On peut s’attendre à une stabilisation de l’exposition aux fluoroquinolones et céphalosporines de dernières générations pour les années à venir », indique l’ANMV.

Poursuivre la mobilisation

Pour rappel, le second plan ÉcoAntibio a pour objectif une réduction de 50 % en cinq ans à l’exposition à la colistine en filières bovine, porcine et avicole. L’agence relève déjà une avancée importante. Ainsi, en 2017, son utilisation a diminué de 48 % par rapport à l’exposition moyenne calculée pour les années 2014 et 2015. « Toutes les parties prenantes doivent poursuivre leur mobilisation, notamment dans la filière avicole, pour atteindre l’objectif de réduction de l’exposition de 50 % en cinq ans fixé par le plan ÉcoAntibio 2017-2021 », note le rapport de l’agence, qui constate toutefois : « Après une diminution importante sur les dernières années du recours aux C3G et C4G, aux fluoroquinolones et à la colistine, un effet de seuil semble apparaître. L’impact de ces évolutions doit être analysé au cours des prochaines années. » Néanmoins, pour 2017, les praticiens ne semblent pas s’être reportés vers d’autres familles d’antibiotiques. L’agence opte pour une évaluation plus poussée : suivre dans les prochaines années ces modifications d’utilisation des antibiotiques et en estimer les conséquences sur l’évolution de la résistance bactérienne. « La dynamique pour l’utilisation prudente et responsable des antibiotiques en médecine vétérinaire doit être maintenue. Le plan ÉcoAntibio² vise notamment à consolider les acquis et à poursuivre les actions précédemment engagées sur le premier plan national », insiste l’agence. Delphine Urban précise que « l’agence et l’Idele, Institut de l’élevage, travaillent, dans le cadre du plan ÉcoAntibio, à la mise en place d’un observatoire pérenne de l’utilisation d’antibiotiques dans les élevages de veaux de boucherie ». Une collaboration est menée avec l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) et le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) pour disposer d’une évaluation continue des consommations en médecine canine. À noter que le nouveau règlement européen sur le médicament vétérinaire voté le 25 octobre dernier prévoit que d’ici 2021 les États membres transmettent des données de ventes et d’utilisation d’antimicrobiens par espèce.

1 bit.ly/2Q4Sw0Z.

2 Lire La Semaine Vétérinaire nos 1782 et 1783 des 26/10 et 2/11/2018, pages 10 et 11.

LES POINTS CLÉS

- En 2017, l’exposition des animaux aux antibiotiques baisse de 3,6 % par rapport à 2016.
- L’exposition aux céphalosporines de dernières générations diminue de 94,2 % en 2017 par rapport à 2013, pour toutes les espèces. Celle des fluoroquinolones est de 87,8 % sur la même période toutes espèces confondues. L’exposition à la colistine, elle, est réduite de 48 % pour les années 2014 et 2015.
- L’Agence nationale de sécurité sanitaire-Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) travaille à la mise en place d’un observatoire pérenne de l’utilisation d’antibiotiques en médecine canine.
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