Rôle du vétérinaire lors d’agressions félines - La Semaine Vétérinaire n° 1784 du 26/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1784 du 26/10/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

Les morsures (mais aussi les griffures) de chat sont moins fréquentes (10 à 15 % des morsures animales), mais plus vulnérantes que celles causées par les chiens (complications dans 85 % des cas, versus 15 % chez le chien).

Éléments de législation

Le vétérinaire est au centre de la prise en charge de ces animaux : son rôle premier est d’identifier les agressions. Dans un second temps, il aide à la prise de décision entre garder l’animal ou s’en séparer. Cette information entre dans le cadre d’une évaluation du danger en fonction du contexte et de l’état émotionnel du chat, ce qui permet d’établir un diagnostic fonctionnel et étiologique, ainsi qu’un pronostic.

Dans la loi sur les animaux dangereux et errants, le législateur ne s’est pas limité aux chiens. En effet, même si l’évaluation comportementale des chats n’est pas spécifiquement mentionnée, l’article L.211-11 indique que « si un animal est susceptible (…) de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire (…) peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir le danger ».

En revanche, la loi n’impose pas au vétérinaire de faire un signalement en présence d’un chat dangereux (contrairement au chien ; article L.211-14-2). Le fait d’établir une déclaration reste une décision personnelle à mi-chemin entre la nécessité de protéger quelqu’un qui serait en danger et le respect du secret professionnel (risque pénal en cas de rupture). Le vétérinaire doit se protéger en pouvant prouver par un courrier que les informations ont été données au propriétaire.

Identifier les agressions

L’agression est une séquence comportementale émise par un sujet qui désire refouler un autre sujet, par la force si nécessaire (tableau page 26). Elle inclut trois phases : la menace, la phase consommatoire et l’apaisement. Elle fait partie du répertoire comportemental physiologique du chat. Lorsqu’elle accompagne un état pathologique, la séquence se désorganise (disparition en particulier de la phase de menace) et les blessures sont plus vulnérantes. Il est plus aisé d’identifier la séquence à partir d’une vidéo (les descriptions des propriétaires sont souvent insuffisantes et erronées).

La prédation n’est pas considérée comme une séquence d’agression (absence de conflit). De même, les morsures impulsives accompagnant les défauts d’autocontrôles pendant les jeux ne sont pas classées dans les agressions. Cependant, prédation et défaut d’autocontrôle induisent des blessures et motivent des consultations.

Causes possibles

L’état d’altération des capacités d’adaptation sert de structure de base à la classification des causes d’agression (tableau ci-dessus). À partir de l’évaluation de l’état de l’animal, du contexte de l’agression, de l’analyse de la séquence, des réactions des propriétaires et des personnes vulnérables, le vétérinaire évalue la gravité du comportement pour décider avec le client d’accepter ou non la prise en charge de l’animal.

Que proposer au propriétaire ?

Le pronostic dépend de multiples éléments : les capacités adaptatives du chat, de l’environnement et des propriétaires, l’environnement, le contexte émotionnel, la présence d’un état pathologique, les possibilités de prise en charge en fonction de l’environnement, du chat et des propriétaires.

Les premiers conseils à donner au comptoir sont de stopper immédiatement les punitions et de repérer les signaux d’interruption de contact émis par le chat. Il est possible de proposer de détourner l’attention de celui-ci (disruption) lors d’attaque (jouet, éventuellement spray). En cas d’excitation, le chat est isolé dans une pièce où il a été attiré par un jouet ou une friandise. Les phéromones et les huiles essentielles, accompagnées de bons conseils d’utilisation peuvent avoir un effet bénéfique.

Ces premières mesures sont toujours nécessaires et améliorent parfois la situation. Elles ont l’avantage de montrer la compétence du vétérinaire dans le domaine, mais elles nécessitent une forte alliance du propriétaire et ne sont pas suffisantes avec un chat très anxieux.

En consultation, les maladies associées sont recherchées. Il convient d’identifier et de valoriser les rituels, qui sont une source d’apaisement pour le chat. Une alimentation toujours accessible limite les morsures de prédation. Enfin, le chat doit bénéficier d’espaces de fuite (laisser la possibilité de caches en hauteur et ne pas fermer les portes des pièces qui sont habituellement accessibles).

La sélégiline (1 mg/kg/j, utilisation hors autorisation de mise sur le marché) est indiquée lors de déficit des autocontrôles. La fluoxétine (1 à 2 mg/kg/j) possède des effets anti-impulsifs et anxiolytiques intéressants dans la gestion des agressions chez le chat : un comprimé orodispersible à 20 mg est dissous dans 2 ml d’eau ; le chat reçoit 0,1 ml/kg de solution ainsi obtenue.

La plupart des cas sont facilement pris en charge par tout vétérinaire, même non diplômé en comportement : connaître l’éthologie du chat et recadrer suffit à résoudre bien des cas et replace le vétérinaire en tant qu’interlocuteur privilégié.

En revanche, les cas avec des agressions d’emblée vulnérantes dans des contextes à risque (personnes âgées, enfants, etc.), des agressions instrumentalisées ou des troubles du développement doivent être référés à des confrères diplômés.

Évaluer la dangerosité d’un chat

Nos confrères du groupe d’étude en comportement des animaux familiers (Gecaf) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) proposent une évaluation de la dangerosité des chats en huit points (encadré ci-dessus). Elle entre dans le cadre d’une consultation dédiée pour pouvoir proposer une vraie évaluation permettant de prendre en charge ou de référer.

Emmanuel Gaultier Spécialiste en médecine comportementale (diplomate ECAWBM), DIE de vétérinaire comportementaliste, consultant itinérant. Béatrice Laffitte DIE de vétérinaire comportementaliste, consultante itinérante (Hautes-Pyrénées). Françoise Schwobthaler DIE de vétérinaire comportementaliste, praticienne à Carquefou (Loire-Atlantique). Article rédigé d’après des conférences présentées au congrès de l’Afvac à Nantes (Loire-Atlantique), en novembre 2017.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr