Néphrotomie chez un lapin - La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Commémoratifs, anamnèse et examen clinique

Un lapin mâle castré de 3 ans et demi est présenté pour hématurie intermittente, abattement et amaigrissement de 700 g en 1 mois malgré un appétit conservé. Il est correctement vacciné contre la myxomatose et la maladie hémorragique. Il vit en semi-liberté. Son alimentation repose sur du foin à volonté, des extrudés et de la verdure. Un épisode de cystite, 7 mois auparavant, est rapporté, résolu par un traitement antibiotique (molécule inconnue) et anti-inflammatoire. Aucune anomalie n’est détectée à l’examen clinique, excepté un état d’embonpoint légèrement inférieur à la moyenne (2,5/5).

Examens complémentaires

Des radiographies abdominales révèlent la présence d’urolithiases rénales à gauche. Une échographie abdominale confirme la présence d’un calcul pyélique à gauche de 2 cm de diamètre, et met en évidence une pyélonéphrite associée à une urétérite bilatérale et une sablose vésicale sévère. Le bilan biochimique rénal est dans les limites de la normale (urémie : 0,5 g/l [norme : 0,32 à 1 g/l], créatininémie : 1,36 mg/dl [0,5 à 2,6 mg/dl]). Une chirurgie de néphrotomie est programmée le lendemain.

Traitement chirurgical

Le lapin reçoit par voie intramusculaire une prémédication à base de morphine (1 mg/kg), midazolam (0,5 mg/kg) et kétamine (3 mg/kg). Un cathéter est posé au niveau de la veine saphène externe droite et l’anesthésie est induite au propofol (2,5 mg/kg par voie intraveineuse). Le lapin est intubé avec une sonde de 2 sans ballonnet, puis un relais gazeux au sévoflurane est instauré. Une perfusion continue de fentanyl et de kétamine (500 µg de fentanyl et 30 mg de kétamine) à un débit de 0,1 ml/kg/h permet de maintenir une bonne analgésie au cours de la chirurgie. Le monitoring comprend un oxymètre de pouls, un électrocardiogramme et un capnographe.

La ligne blanche est incisée, puis les organes réclinés à l’aide d’une compresse humide, permettant de visualiser le rein gauche. Ce dernier apparaît de taille augmentée et congestionné. Après dilacération minutieuse de la masse graisseuse latérale au rein, l’espace rétro-péritonéal est ouvert.

L'artère et la veine rénales sont occluses à l’aide d’un fil tressé 2-0 durant 12 minutes afin d’éviter les saignements. Le parenchyme rénal est incisé à la lame de 11, permettant d’extraire le calcul. Un écoulement purulent est alors objectivé. Un flush abondant au sérum physiologique de la cavité pyélique sous pression permet de retirer les débris de lithiase et d’assainir la zone. Le parenchyme rénal, puis la loge rénale sont suturés successivement avec un monofilament 6-0 par des surjets simples. Un lavage abdominal au sérum physiologique tiédi est entrepris. Les plans musculaire et cutané sont suturés par des surjets simples au monofil 3-0.

Suivi

Le réveil se déroule sans complication. La perfusion d’analgésiques est diminuée, puis arrêtée le lendemain. L’animal est hospitalisé 3 jours et reçoit de la buprénorphine (0,06 mg/kg, par voie sous-cutanée [SC], deux fois par jour), de l’enrofloxacine (10 mg/kg SC, deux fois par jour) et des gavages (Critical Care® d’Oxbow, 20 ml/kg, trois fois par jour). L’antibiothérapie, appuyée par un antibiogramme réalisé sur des urines prélevées dans le bassinet, est poursuivie par voie orale 10 jours posthospitalisation. Des changements alimentaires (foin, eau, etc.) sont mis en place afin de réduire l’apport de calcium. Après analyse, le calcul s’avère être constitué à 100 % de carbonate de calcium. Une échographie de contrôle à la fin du traitement médical ne montre aucune récidive d’urolithiase, confirme la résolution de la pyélonéphrite et de l’urétérite, ainsi que la quasi-disparition de la sablose vésicale.

Discussion

Métabolisme du calcium

De manière physiologique, l’urine des lapins a une teneur élevée en calcium et est riche en cristaux (oxalates de calcium, notamment). En effet, les lapins ont un métabolisme du calcium particulier pour lequel l’absorption intestinale n’est pas régulée par le taux de vitamine D3. Alors que la fraction de calcium excrétée dans les urines ne dépasse pas les 2 % chez la plupart des mammifères, elle atteint 45 à 60 % pour cette espèce. Une augmentation de l’apport alimentaire se traduit immédiatement par une hypercalcémie et donc une augmentation de la calciurie. Les lapins peuvent alors être prédisposés à la formation d’urolithiases du fait de cette sursaturation en ions et d’un pH urinaire alcalin favorisant la précipitation des cristaux. Les acidifiants restent peu efficaces, car l’urine des herbivores est naturellement basique. L’hypercalciurie apparaît souvent associée à des cystites, voire des pyélonéphrites bactériennes. Une légère sablose est considérée comme physiologique chez les lagomorphes. Radiographies et échographies permettent d’évaluer la sévérité de la sablose et de détecter d’éventuels calculs. Ceux-ci peuvent être subcliniques ou se manifester par une anorexie, un abattement, une perte de poids, un ralentissement de transit, une dysurie, une hématurie, une strangurie, une dermatite urineuse, etc. Outre l’alimentation, les facteurs favorisants sont l’embonpoint, la sédentarité, un abreuvement insuffisant. Lorsque la fonction rénale est peu ou pas altérée, l’option chirurgicale reste la meilleure solution, adaptée à la localisation de la lithiase : cystotomie, néphrotomie, uretérotomie, etc. Une analgésie de qualité doit être prodiguée durant l’opération.

Prévention

Pour limiter les récidives, une modification de l’alimentation est nécessaire afin de réduire les apports, diminuant calcémie et calciurie. Le foin de luzerne, très riche en calcium, doit être proscrit, ainsi que les végétaux de type épinard, cresson, trèfle, pissenlit, etc. La prise de boisson est essentielle. Une eau minérale est conseillée, avec la plus faible teneur possible en calcium. Aucune donnée n’existe concernant les ondes de choc (ou lithotritie extracorporelle) chez le lapin.

Choix de l’antibiotique

Compte tenu des antécédents de l’animal et de la sévérité de la maladie, le choix d’un antibiotique critique a été fait. De plus, peu de molécules non toxiques chez le lapin ont une bonne diffusion rénale. Les résultats de l’antibiogramme révèlent que la bactérie est sensible aux fluoroquinolones, amoxicilline, céphalosporines et macrolides. Les bétalactamines et les macrolides provoquent une entérotoxémie souvent mortelle chez le lapin par désordre de la flore intestinale et multiplication massive de Clostridium perfringens. L’enrofloxacine était donc la molécule de choix pour ce cas.

Anaïs Sailler Tatiana Loucachevsky Praticiens à FauneVet, CHVA Atlantia, Nantes (Loire-Atlantique).

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