« Les cochons, une source potentielle de revenus » - La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018

ENTRETIEN AVEC CÉCILE CARON GRAS

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

L’association Enfance Partenariat Vietnam a mis en place depuis cinq ans des élevages solidaires dans des villages vietnamiens isolés, en offrant des truies à plusieurs familles très pauvres. Une fois par an, une équipe d’étudiants vétérinaires y assure le suivi des animaux. Cécile Caron Gras, vétérinaire référente de l’association, nous détaille ces missions humanitaires.

En quoi consiste ce projet ?

L’idée est d’offrir aux familles les plus démunies d’un village une truie, afin qu’elles puissent bénéficier d’une source supplémentaire de revenus en vendant les porcelets. Au Vietnam, un cochon nous coûte une vingtaine d’euros, quand certaines familles vivent avec moins d’un euro par jour. En pratique, nous achetons sur les marchés locaux des truies, les villages disposant généralement déjà de verrats. En parallèle, nous avons décidé d’envoyer chaque année une équipe de 3 ou 4 étudiants vétérinaires sur place, pour une période d’environ un mois, afin d’assurer le suivi des animaux offerts au village. Jusqu’à présent, ce sont des étudiants de l’école nationale vétérinaire d’Alfort qui ont participé à ces missions.

Comment les missions sont-elles financées ?

L’association se charge de l’intendance du voyage, mais chaque étudiant doit payer sa mission, qui coûte en moyenne 1 700 € par étudiant. L’idée est en fait qu’ils participent activement à la mission. Ils recherchent donc des financements auprès du conseil municipal de leur ville ou du conseil général, en s’appuyant sur les plateformes de financement participatif ou en vendant de l’artisanat vietnamien que nous leur procurons. Chaque année, ils arrivent à se faire financer pratiquement 100 % de leur voyage. Deux tiers des fonds recueillis sont consacrés à la mission à proprement parler, par exemple à l’achat de matériels et de cochons, le tiers restant servant à financer le voyage. L’association ne tire aucun bénéfice des dons récoltés, nous sommes une équipe constituée entièrement de bénévoles.

Quel est le rôle des étudiants vétérinaires ?

D’années en années, il évolue. Globalement, il s’agit de s’assurer du bon état de santé des animaux et de l’état de leur habitat, mais aussi de voir, dans chaque village, si donner des animaux présente un réel intérêt. Les étudiants doivent par exemple vérifier qu’ils disposent d’un abri pour se protéger du froid en hiver. Les cochons sont contrôlés à l’aide d’indicateurs précis, tels que le niveau d’engraissement ou le nombre de porcelets mis-bas Il faut également boucler les animaux pour mieux les suivre. La toute première équipe vétérinaire devait faire un état des lieux des conditions de vie des animaux déjà existants dans le village et participer à la construction des porcheries. Il y a trois ans, les étudiants ont effectué un travail de détection parasitaire, avec le soutien d’enseignants de leur école vétérinaire, à qui ils envoyaient des photos pour les diagnoses. Au vu des résultats, les animaux bénéficient d’une injection d’ivermectine lors de chaque passage des étudiants vétérinaires. D’autres missions ont aussi lieu dans des orphelinats, pour s’occuper des poulaillers dans une optique d’amélioration de l’alimentation des enfants.

Les étudiants sont-ils encadrés par des vétérinaires expérimentés ?

Notre objectif n’est pas d’envoyer quelqu’un de très technique, mais des personnes avec des notions solides de ce qu’est un animal, et aussi de zootechnie. On ne cherche pas à faire de la médecine. En ce sens, les étudiants vétérinaires ont toute leur place. Pour autant, j’ai pour projet de me mettre en relation avec des jeunes vétérinaires retraités, qui pourraient accompagner les étudiants.

Comment s’effectue le suivi à distance ?

Les référents sur place, ne sont souvent que les interprètes qui accompagnent les étudiants vétérinaires dans les villages. Pour améliorer la situation, depuis deux ans, les étudiants vétérinaires forment des personnes à des notions de base en zootechnie. De plus, le travail s’effectue dans des villages isolés, parfois interdits aux touristes, ce qui rend leur accès difficile.

L’association rencontre-t-elle des difficultés ?

Nous constatons que certains bénéficiaires ne jouent pas le jeu de la reproduction et vendent directement les truies. De plus, la notion d’élevage est plus ou moins élaborée suivant les villages. Dans certains cas, les conditions de vie des animaux ne sont pas correctes, ce qui nous amène à réfléchir à l’intérêt d’y continuer le programme. Nous devons négocier aussi avec les autorités vietnamiennes qui peuvent refuser l’accès aux zones isolées. Malgré cela, aujourd’hui, nous continuons à recevoir des demandes de la part de plusieurs villages. C’est pour cela que l’association souhaite poursuivre ce projet.

Pour plus d’informations sur l’association, consultez le site epvn.org.

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