Les charmes de la zone de revitalisation rurale - La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018

FISCALITÉ

ÉCO GESTION

Auteur(s) : JACQUES NADEL 

L’installation en ZRR permet de bénéficier d’exonérations fiscales et sociales attrayantes et dérogatoires. Mais attention, les conditions d’obtention sont strictes, de sorte qu’il convient de s’assurer de l’éligibilité effective et de s’adapter aux circonstances. Voici les bonnes questions à se poser.

Quelles sont les conditions pour bénéficier des exonérations liées à la zone de revitalisation rurale (ZRR) ?

Peuvent bénéficier d’exonérations en matière d’imposition des bénéfices, les entreprises (peu importe leur régime fiscal) créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020 et ayant :

- une activité, industrielle, commerciale, artisanale ou libérale ;

- le siège social et toutes les activités implantées en ZRR ;

- un régime réel d’imposition ;

- moins de 11 salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) ou déterminée (CDD) d’au moins 6 mois ;

- 50 % du capital maximum détenu par d’autres sociétés.

Sont exclues les entreprises créées par extension d’une activité qui existait déjà (par exemple, une activité de pet food gérée au sein de la clinique vétérinaire et transférée à une nouvelle société) ou par transfert d’une activité provenant d’une entreprise exonérée… Ces dernières notions peuvent poser des difficultés d’interprétation, comme souvent en matière de fiscalité. Aussi, en pratique, il faut retenir :

- l’acquisition d’un fonds de commerce ou d’un fonds libéral préexistant par une structure juridiquement nouvelle permet sans contexte de bénéficier du régime exonératoire (et dans la mesure où le vendeur n’avait pas bénéficié des avantages de la ZRR) ;

- il est admis que la reprise d’une activité préexistante soit également caractérisée par l’acquisition de plus de 50 % des titres d’une société ;

- l’exonération ne peut s’appliquer si, à l’issue de l’opération de reprise, le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité (Pacs), leurs ascendants et descendants, leurs frères et sœurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société. En définitive, il n’est pas possible de bénéficier du dispositif à la suite d’une vente dite “à soi-même” (revente de la clinique vétérinaire exploitée en nom propre à une société d’exercice libéral [SEL]) ;

- l’implantation d’une clinique vétérinaire en ZRR à la suite d’un transfert, alors qu’elle conserve, même partiellement, sa patientèle ne peut être analysée comme une création, mais doit être regardée comme une reprise par soi-même exclue du dispositif d’exonération (toutefois, si le transfert est opéré sur une zone de chalandise absolument différente, le dispositif doit pouvoir s’appliquer) ;

- en cas de doute sur l’éligibilité aux avantages fiscaux et sociaux, il est conseillé de procéder à un rescrit fiscal avant de réaliser son projet d’installation en ZRR.

Quels sont les allégements concernés ?

- L’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu (si les conditions évoquées plus haut sont respectées).

- La cotisation foncière des entreprises (suivant la décision des communes).

- Les cotisations sociales patronales (mais les avantages sont ici marginaux…).

- Une toute petite partie des droits d’enregistrement sur le rachat de l’entreprise (1 680 € maximum).

L’exonération essentielle porte donc sur l’impôt sur les bénéfices ou l’impôt sur les revenus (IR), les bénéfices étant totalement exonérés pendant 60 mois, puis des trois quarts, la moitié et un quart respectivement pour les 6e, 7e et 8e années.

Attention : l’entreprise ne peut pas bénéficier d’un avantage fiscal supérieur à 200 000 € sur trois exercices.

Y a-t-il des recommandations spécifiques ?

- Acheteurs et vendeurs doivent porter une attention particulière sur les dates de cession. Par exemple, un vendeur implanté en ZRR, et qui ne jouit pas des conditions d’exonération (parce qu’il s’est installé antérieurement à la mise en place de la ZRR dans sa commune en 2011 ou en 2017), pourra avoir intérêt à vendre avant le 31 décembre 2020 pour que son successeur puisse bénéficier des avantages du dispositif. Sérieux argument !

- Le dispositif est incompatible avec la mise en place d’une ou plusieurs holdings (d’autres SEL et/ou société de participations financières de professions libérales [SPFPL]). En effet, pour que le régime ZRR s’applique, il faut que les personnes morales soient minoritaires. Donc pas de précipitation à mettre en place une ou plusieurs SPFPL au capital d’une SEL éligible, même de manière minoritaire au départ !

À SAVOIR

- La liste des communes concernées par le classement en zone de revitalisation rurale (ZRR), applicable depuis le 1er juillet 2017, est complétée par un nouvel arrêté en vigueur depuis le 1er avril 2018. Ce dernier dresse également la liste des communes sorties du dispositif au 1er juillet 2017 pour lesquelles les allégements d’impôt et de cotisations sont maintenus à titre transitoire pendant trois ans.
- Avec la nouvelle cartographie des ZRR, des zones ne profitent plus du dispositif pour les nouveaux entrants à partir du 1er juillet 2017, alors que d’autres peuvent en bénéficier à partir de cette même date.
- Certaines communes font l’objet de régimes particuliers. Il en est ainsi de la loi “montagne” du 28 décembre 2016, qui a prévu que les communes de montagne sortant du classement en ZRR au 1er juillet 2017 continuent de bénéficier des effets du dispositif pour trois années (jusqu’au 30 juin 2020).
- L’Observatoire des territoires du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) met à disposition le classement des ZRR sur son site internet interactif.

UNE ÉCONOMIE D’IS SUBSTANTIELLE

À titre d’exemple, voici le chiffrage, réalisé à notre demande par le cabinet d’expertise comptable AdequA, des économies attendues par le nouvel exploitant d’une clinique vétérinaire située en zone de revitalisation rurale (ZRR) et reprise en 2019.Sa société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) aurait, selon le plan de financement initial et un prévisionnel de croissance de l’activité de 1 % par an, dû acquitter 96 K€ d’impôt sur les sociétés (IS) sur huit ans (jusqu’en 2026), sans le bénéfice de l’exonération fiscale. En 2019, pour un chiffre d’affaires de 1 178 M€, la société aurait dû régler seulement 5 K€ d’IS, dans la mesure où le premier exercice s’est soldé par un résultat très faible en raison de la déduction des frais d’installation, donc quasiment sans possibilité d’appliquer d’éventuels allégements fiscaux (5 K€). à résultats équivalents sur les 7 exercices suivants à partir du deuxième, la SELARL aurait totalisé un IS de 91 K€.
Au contraire, en profitant de l’exonération ZRR, la SELARL ne paiera aucun impôt sur les sociétés pendant les cinq premières années, contre 62 K€ sans application du régime. Au cours des trois dernières années, la déduction de l’IS étant devenue partielle et dégressive, la SELARL déboursera 17 K€, l’économie d’impôt sur les sociétés sera au total de 96 - 17 = 79 K€.

INSTALLATION EN ZRR : ATTENTION AU MODE D’EXERCICE

L’installation en zone de revitalisation rurale (ZRR) n’est pas une fin en soi. Quand il a racheté en juillet 2011 un fonds vétérinaire à Chaillac dans l’Indre, en association en société d’exercice libéral (SEL) à l’impôt sur les sociétés (IS), Mathieu Moreaux a découvert, à un stade avancé de son projet d’installation, qu’il allait bénéficier d’avantages fiscaux. « Cela n’a pas été déterminant dans ma décision, et cela ne semble guère un argument de poids pour attirer de nouveaux associés, nous avons mentionné dans notre annonce sur un site internet que la clinique était située en ZRR, mais sur les 700 visites sur le site, nous n’avons eu que trois appels. »
Bientôt arrivé au terme de ce régime fiscal de faveur, ce vétérinaire a calculé son économie d’IS : 26 000 €. Il nourrit quelques regrets. « En s’installant en société de fait ou en société civile professionnelle (SCP) à l’impôt sur le revenu (IR), l’économie fiscale aurait été de 100 000 € », explique-t-il. En effet, en SEL à l’IS, Mathieu Moreaux n’est pas exonéré de l’impôt sur le revenu sur ses rémunérations de gérance, alors que, s’il avait opté pour une société soumise aux bénéfices non commerciaux (BNC) à l’IR, lui et son associé auraient pu se rémunérer sur un résultat en franchise totale d’impôt sur les cinq premières années.

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