Inflammation des voies respiratoires profondes et performance - La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Plusieurs points sont à préciser, afin de tenter de répondre à la question : est-ce qu’une inflammation des voies respiratoires profondes affecte la performance ?

Qu’est-ce que l’inflammation des voies respiratoires profondes ?

L’inflammation des voies respiratoires profonde (VRP) est aujourd’hui définie comme de l’asthme léger à modéré, initialement appelé maladie inflammatoire des voies respiratoires profondes (MIVRP) ou inflammatory airway disease (IAD). Ce syndrome est fréquent chez les chevaux de sport et de course et est une cause récurrente de contre-performance chez le cheval.

Quels sont les outils de diagnostic ?

Le diagnostic de l’asthme équin modéré repose sur les signes cliniques et l’accumulation de mucus dans la trachée, la cytologie du lavage bronchoalvéolaire (LBA) ou l’évaluation de la fonction pulmonaire. Du point de vue des signes cliniques, ils sont souvent très frustres. Ainsi, l’animal peut présenter une toux occasionnelle et une augmentation du temps de récupération avec contre-performance. L’accumulation de mucus est contrôlé par endoscopie (photos ci-contre) et la réalisation d’un LBA pour analyse cytologique permet de mettre en évidence une inflammation neutrophilique et/ou mastocytique et/ou éosinophilique. L’évaluation de la fonction pulmonaire peut se faire dans des centres spécialisés, mais est difficile à réaliser sur le terrain.

Comment définir la performance ou la contre-performance ?

Une récente étude a permis d’effectuer la synthèse de 217 études décrivant les performances en course et utilisant 117 paramètres différents, avec 17 d’entre eux utilisés 10 fois ou plus. Le top cinq comprenait : “Retour en course”, “Nombre de départs”, “Nombre de jours jusqu’à la première course”, “Nombre de gains par période” et “Nombre de gains par départ”. Néanmoins, la quantité de paramètres différents met en évidence la difficulté d’évaluer la performance et surtout de comparer les études entre elles.

Un autre moyen de l’évaluer est la mesure de la fréquence cardiaque au cours de l’exercice et de la lactatémie après celui-ci. Ainsi, de nombreuses études menées sur des chevaux impliqués dans des disciplines variées ont montré qu’il existait une forte corrélation entre ces paramètres physiologiques et la performance en course ou en compétition.

Quels sont les chevaux concernés ?

Il est nécessaire de préciser de quels chevaux il est question. Parle-t-on de chevaux de course ou de sport ? Et parmi ces derniers, est-il question de chevaux d’endurance, de saut d’obstacles, de dressage, de concours complet, etc. La demande physiologique de ces différentes disciplines pouvant varier énormément, une inflammation modérée des VRP peut avoir des conséquences très différentes sur la performance ; par exemple, minimes sur un cheval de dressage mais majeures sur un pur-sang de course.

Quand une inflammation des VRP affecte-t-elle la performance ?

Des études ont été menées avec des chevaux cliniquement sains ou contre-performants impliqués dans des courses ou compétitions.

Gerber et coll. ont étudié 26 chevaux de dressage qui n’avaient ni historique ni évidence clinique d’affection des voies respiratoires profondes et qui présentaient de bonnes performances. La qualité et la quantité du mucus ont été évaluées et une cytologie du LBA a été réalisée. Cette étude a permis de mettre en évidence que, bien que cliniquement sains et performants, les animaux présentaient tous de l’asthme équin modéré. La question qui se pose alors est la suivante : y a-t-il un degré d’inflammation des voies respiratoires qui affecte la performance ?

Holcombe et coll. ont, quant à eux, étudié des pur-sang impliqués en course pour déterminer l’effet du mucus trachéal sur la performance, notamment. Ces auteurs ont montré qu’un score de mucus modéré ou sévère (> 2) était un facteur de risque de contre-performance.

Enfin, Depecker et coll. ont réalisé une étude chez 135 trotteurs français pour déterminer si le score de mucus trachéal et la cytologie du LBA des deux poumons étaient associés à la performance en course. Des analyses statistiques ont été effectuées pour évaluer si un pourcentage augmenté de neutrophiles (> 5 %, > 10 % ou > 25 % dans au moins un poumon), de mastocytes (> 2 %, > 5 %), d’éosinophiles (> 2 %, > 5 %) et du score trachéal de mucus (≥ 2) était associé à différents paramètres de performance en course, comme les gains totaux, les gains moyens et la place. Cette étude a permis de mettre en évidence qu’une neutrophilie pulmonaire avec une valeur supérieure à 10 % dans au moins un poumon était significativement associée avec la contre-performance chez les trotteurs.

En conclusion, il est très difficile de répondre à cette question sans considérer un certain nombre de critères comme le cheval, sa discipline et les critères d’évaluation de la performance en relation avec ceux objectifs d’évaluation de l’inflammation des voies respiratoires profondes que sont le score de mucus et le taux de cellules inflammatoires (neutrophiles, mastocytes et éosinophiles) dans le LBA.

Ainsi, un cheval contre-performant qui ne présente aucun signe clinique au repos est un candidat idéal à la réalisation d’une endoscopie pour évaluation du mucus trachéal et d’un LBA pour cytologie.

Que dire d’un cheval performant ayant un examen clinique totalement normal mais des signes d’inflammation des VRP par l’évaluation du mucus trachéal et/ou la cytologie du LBA ? Ne serait-il pas intéressant, dans ces cas particuliers, d’effectuer un test d’effort avec mesure de la fréquence cardiaque au cours de l’exercice et de la lactatémie après l’exercice ? Ces paramètres physiologiques, véritables “voyants rouges” qui s’allument permettraient de préciser comment le cheval tolère l’exercice et donc de mettre en place (ou non) des mesures hygiéniques et/ou médicales afin de gérer l’inflammation pulmonaire ?

Beaucoup de questions mais pas de réponse toute prête… Tout dépend du cheval, de son utilisation et de sa tolérance (ou non) à l’exercice qui lui est demandé.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2yMlBmU.

Anne Couroucé DVM, PhD, diplomate Eceim, Cisco, Oniris à Nantes (Loire-Atlantique). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de la Beva à Birmingham (Grande-Bretagne), en septembre.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr