Réduire le taux protéique des poulets en finition est possible - La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Des équipes de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) ont évalué les conséquences d’une réduction de la teneur en protéines dans l’aliment finition du poulet de chair. L’enjeu était d’améliorer l’autonomie protéique des filières, mais aussi d’en évaluer les conséquences environnementales. Deux essais successifs ont été menés avec des poulets mâles Ross PM3. Après avoir été élevés au sol et nourris à volonté avec un aliment de démarrage (0-10 jours), puis de croissance (10-21 jours), les animaux ont été séparés en deux groupes de poids homogène à 21 jours d’âge, à raison de 1 520 poulets pour le 1er groupe (essai 1) et 912 pour le 2e (essai 2), répartis en parquets (38 animaux par parquet ; 8 parquets par traitement). Dans l’essai 1, cinq régimes différents ont été testés, avec 19 %, 18 %, 17 %, 16 % et 15 % de matières azotées totales (MAT). Dans l’essai 2, trois régimes contenant 19 %, 17,5 % et 16 % de MAT ont été évalués. La formulation des aliments repose sur le profil de Mack pour fixer les concentrations minimales en acides aminés indispensables (AAI) digestibles, et réévalué pour la thréonine (dThr:dLys = 68 au lieu de 63) et l’arginine (dArg:dLys = 108 au lieu de 112). La teneur en lysine digestible est fixée à 9 g/kg. Les aliments expérimentaux ont été distribués entre 21 et 35 jours d’âge.

Des performances et une qualité de la viande conservées

Pour les deux essais, le taux de MAT n’a aucun effet significatif sur le poids vif à 35 jours, le gain de poids et la consommation totale. Une tendance forte à l’augmentation de l’ingestion est cependant observée dans l’essai 2, ce qui pourrait être en lien avec le besoin en AAI des animaux en phase de croissance et leur potentiel génétique. Dans l’essai 1, l’indice de consommation a grimpé, avec des valeurs plus élevées à partir de 16 % de MAT. Pour la qualité de la viande, le pourcentage de gras abdominal a significativement augmenté avec la baisse de MAT. Les régimes pauvres en protéines ayant un rapport énergie/protéines supérieur (+ 27 % d’énergie par point de MAT entre les régimes à 19 % et 15 %), cela pourrait potentiellement impliquer un stockage de l’excédent d’énergie sous forme lipidique. Le rendement filet est resté stable au moins jusqu’à 16 % de MAT, avec une tendance à la hausse dans l’essai 2, en lien avec une ingestion accrue, et donc de l’apport en lysine, un acide aminé qui favorise fortement le dépôt protéique musculaire. Enfin, le pH ultime de la viande a progressé avec la baisse de MAT, tout en restant dans une fourchette de valeurs ne conduisant pas à une altération de la qualité de la viande. Ainsi, un régime avec au moins 17 % de MAT est possible pour les poulets de chair en finition, à condition de prévoir un profil en AAI digestibles approprié, à l’aide d’acides aminés industriels.

Une baisse des rejets azotés

Pour les deux essais, la réduction d’un point du taux protéique a augmenté en moyenne de 3,4 points l’efficacité de la rétention azotée, jusqu’à 70 % de rétention de l’azote ingéré pour les teneurs inférieures à 16 % de MAT. En parallèle, les chercheurs ont noté une baisse de 2,5 g d’azote excrété par point de protéines en moins dans l’aliment, soit - 12 à - 14 % de l’azote excrété par point de protéines en moins. Dans le fumier, la teneur en azote est réduite en moyenne de 1,4 g/kg de matière sèche, associée à une diminution de l’humidité. La volatisation de l’azote excrété est passée de 4 à 6 points par point de protéines en moins, conduisant en moyenne à une baisse de 17 % de l’azote perdu sous forme gazeuse. Une évaluation environnementale des impacts de la production de une tonne de poulet vif en sortie d’élevage a montré qu’une baisse en MAT, pour les régimes à 17 % et 15 %, permet une réduction des impacts “changement climatique” (- 6 % et - 10 % respectivement), en lien avec la réduction du soja importé d’Amérique du Sud, mais aussi des impacts “eutrophisation” (- 8 % et - 12 %), et “acidification” (- 7 % et - 11 %), en lien avec la baisse de l’excrétion azotée et de la volatisation de l’azote. Une réduction protéique, de 2 à 3 points de MAT, permettrait donc de réduire les effets néfastes sur l’environnement, tout en maintenant les performances des animaux et la qualité de la viande. Il reste à évaluer le surcoût d’usage d’acides aminés industriels de telles stratégies industrielles.

Bertrand Méda Ingénieur de recherche à l’Inra. Sophie Tesseraud Directrice de recherche à l’Inra. Article rédigé d’après deux présentations faites lors des journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras à Tours (Indre-et-Loire), en 2017.

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