Où en est-on de la protection animale sur les tournages de films ? - La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018

RÉGLEMENTATION

ACTU

Auteur(s) : CORINNE LESAINE 5

Si le septième art met régulièrement à l’honneur les animaux, leur bien-être sur les plateaux de cinéma et l’impact des tournages sur la faune sauvage environnante défraient parfois la chronique. Des obligations légales aux bonnes pratiques de collaboration entre cinéastes, dresseurs et vétérinaires, comment perfectionner le système ?

Muets, les animaux le sont encore, le cinéma ne l’est plus depuis 1929. Et pourtant, la faune n’a jamais quitté les plateaux de tournage, avec parfois des histoires tragiques. Quel chemin a-t-on parcouru pour professionnaliser la protection des animaux sur les lieux de tournages ? Une analyse complète de la situation a été présentée dans le cadre du nouveau diplôme de protection animale de l’ENSV de VetAgro Sup, à Lyon.

Protéger les animaux sur les lieux de tournages, c’est considérer qu’ils sont exposés à des contraintes environnementales très différentes de celles de leurs lieux d’hébergement agréés. Selon la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie de 19871, les publicitaires et autres organisateurs de manifestations semblables doivent anticiper et sécuriser l’accueil des animaux, qu’ils soient détenus par des dresseurs ou des particuliers, dans des conditions respectueuses de leur santé et de leur sécurité, en évaluant les risques encourus par l’animal et ceux qu’ils peuvent faire encourir aux autres. Sont-ils pour autant formés pour tenir compte de leurs besoins physiologiques et éthologiques ? Une collaboration étroite entre cinéastes, dresseurs et vétérinaires, est une étape nécessaire pour garantir une parfaite adéquation entre les séances de travail et les aptitudes naturelles de l’espèce ou des individus sélectionnés, leur évitant ainsi toute situation qui pourrait générer stress, angoisse, douleur ou souffrance. Des clauses contractuelles très précises facilitent le bon déroulement des tournages et le déploiement de moyens suffisants pour éviter toute infraction qui relèverait du code pénal. La convention décourage par ailleurs la détention de la faune sauvage comme animal de compagnie.

Regarder au-delà des animaux acteurs

Mais au-delà des animaux acteurs ou figurants, protéger les animaux sur les tournages, c’est aussi préserver la faune sauvage environnante des conséquences directes de l’activité humaine en se conformant à la convention de Berne de 1979 et aux directives qui y sont associées2. Que penser d’un tournage qui, au nom de la passion pour la nature, perturbe intentionnellement ou par imprudence la reproduction et les aires de repos des espèces animales non domestiques libres dans des zones protégées ?

Devant l’ampleur des projets cinématographiques ou publicitaires, des associations et fondations pour la protection animale ont développé des visas3 qui, même s’ils restent de nature préventive et non coercitive, peuvent répondre aux nouvelles attentes du public. Parce que les animaux sont parfois imprévisibles, il est plus facile de les substituer par l’image 3D, virtuelle, qui a aussi pour avantage de les préserver. La science peut également contribuer à faire avancer les choses par l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques sur les conditions de travail des animaux domestiques ou en proposant une règle des trois R (remplacer, réduire et raffiner) adaptable à l’utilisation des animaux vivants dans les films. L’avenir nous laisse présager la mise en place des cinq R, ajoutant un R pour responsabilité, sociétale ou environnementale, favorisant la conservation des espèces animales en danger à l’image de ce que propose déjà la réglementation pour la faune sauvage captive dans les établissements zoologiques4 ; et un R pour replacement, une garantie pour une fin de vie de l’animal digne et respectueuse, une fois la production du film terminée.

1 Traité international adopté par le conseil de l’Europe en 1987 et ratifié par la France le 3 octobre 2003.

2 Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, directives Habitats de 1992 et Oiseaux de 2009.

3 L’American Humane Association, fondée en 1877 aux USA, a développé en 1940 un programme de certification « No Animals Were Harmed® » ; la fondation 30 millions d’amis propose depuis 1995 un visa sous contrôle vétérinaire certifiant l’absence de maltraitance animale en France.

4Art. 53 de l’arrêté du 25 mars 2004, fixant les règles de fonctionnement et les caractéristiques des installations des établissements zoologiques présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

5 Vétérinaire (N 95), titulaire du diplôme d’établissement « protection animale : de la science au droit » ENSV-VetAgro Sup.

Lire aussi page 16 de ce numéro.

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