One Health au cœur du premier congrès d’oncologie comparée - La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018

CANCÉROLOGIE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR 

Les chiens d’une même race pouvant être comparés, d’un point de vue génétique, à une famille humaine et les deux espèces partageant le même environnement, de nombreuses similitudes sont observées entre cancers canins et humains.

Les Oncodays, organisées sous l’impulsion de notre consœur Valérie Freiche, ont réuni médecins, chercheurs et vétérinaires autour de l’oncologie comparée, à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), les 28 et 29 septembre. Christophe Degueurce, directeur de l’ENVA, a introduit le congrès en rappelant que « le concept One Health n’est pas nouveau, puisque Buffon, au xviii e siècle, considère qu’il n’existe pas de différences majeures entre les êtres vivants mais seulement des variations ». Classiquement, la médecine vétérinaire s’inspire de la médecine humaine, tandis que la première autorise une exploration plus importante, mais pas seulement. En oncologie humaine comme animale, le modèle animal est capital pour comprendre les deux médecines. « De nombreuses avancées en médecine humaine proviennent de la médecine vétérinaire, comme les greffes de cœur, l’insuline, la ciclosporine », illustre Olivier Hermine, hématologue à l’hôpital Necker-Enfants malades. Aujourd’hui, l’animal n’est plus seulement une base expérimentale, puisque les recherches qui le concernent ont également une fin thérapeutique.

Des modèles transposables

« L’espèce canine, avec près de 400 races et une homogénéité au sein de chacune d’entre elles, est ainsi formée d’isolats génétiques particulièrement intéressants pour corréler génotype et phénotype lors de cancers, de maladies génétiques. Grâce à la biobanque Cani-DNA 1 , notre objectif est d’isoler et de caractériser des gènes de prédisposition », selon les mots de Catherine André, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). En effet, les chiens d’une même race peuvent être comparés, d’un point de vue génétique, à une famille humaine. De plus, l’influence de l’environnement peut être étudiée puisque partagée par l’homme et le chien. De nombreux liens sont faits entre médecines humaine et vétérinaire concernant, par exemple, la classification et l’analyse anatomo-cytopathologique, permettant de grader les tumeurs. « En 2010, une étude sur toute la France a montré des similitudes de classification des lymphomes entre le chien et l’homme », illustre notre consœur Frédérique Ponce, professeure de cancérologie à VetAgro Sup. En matière thérapeutique, « le mastocytome est la première tumeur rencontrée par les praticiens, elle représente 20 % des tumeurs cutanées, le traitement commun pour l’humain et l ’animal en fait alors un excellent modèle transitionnel », souligne notre confrère Jérémy Béguin, chargé de consultations en cancérologie à l’ENVA.

Des cancers propres à chaque espèce

« Cependant, tout n’est pas transposable, établir le stade TNM (tumeur, nœud lympathique, métastase) suivant les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est parfois difficile, car nombre d’études rétrospectives ont été publiées avec une imagerie inconstante », témoigne notre confrère Jérôme Benoît, diplômé de l’ACVR-RO et de l’ECVDI2. « Concernant les cancers mammaires chez la chienne et la femme, nous manquons de standardisations diagnostique, pronostique, thérapeutique et prédictive pour en faire un modèle d’oncologie comparée fiable », ajoute Jérôme Abadie, enseignant-chercheur à Oniris. « En effet, les termes “cancer du sein” regroupent de nombreux sous-types (voies moléculaires différentes), permettant d’aboutir à des thérapies (hormonales, antirécepteur) ciblées. Mais tout cela a été possible grâce à des études moléculaires et à des immunomarquages faites sur des chiennes ». Enfin, de nouveaux outils paraissent prometteurs comme la détection d’ADN cancéreux ou de cellules cancéreuses dans le sang, ou l’imagerie PET (tomographie par émission de positons), qui permet de mesurer l’activité métabolique d’un tissu.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1778 du 28/9/2018, pages 22 et 23.

2 American College of Veterinary Radiology (Radiation Oncology) et European College of Veterinary Diagnostic Imaging.

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