Maltraitances humaines et animales : savoir les détecter - La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018

SOCIÉTÉ

ACTU

Auteur(s) : JEAN-PAUL DELHOM 

Le diagnostic de maltraitance est souvent complexe. Le 3 octobre, les intervenants réunis pour une soirée consacrée à ces violences ont fait le point pour agir face à des cas.

Une soirée consacrée à la maltraitance animale a été organisée par l’Association contre la maltraitance animale et humaine (Amah) et l’École supérieure d’aide vétérinaire (Esav), le 3 octobre à Paris. Le film réalisé par Johanna Bedeau et Laurent Benaïm, à l’initiative de la mission interministérielle pour la protection des femmes, a éclairé la question des mécanismes des violences au sein d’un couple et leur impact sur les enfants, ainsi que la façon d’identifier le malaise par un professionnel et de prendre en charge la situation. Ce film introduit une réflexion incluant la maltraitance animale.

Stress, anxiété, douleur

Notre consœur Dominique Autier-Dérian, vétérinaire spécialisée dans le domaine du comportement et du bien-être des animaux, créatrice d’Animal Welfare Consulting, explique que la maltraitance est un ensemble de comportements ou d’attitudes qui compromettent le bien-être d’un individu générant stress, anxiété, peur ou douleur. Il y a stress lors de perturbations réelles ou non de l’homéostasie ou du bien-être physiologique d’un organisme. L’anxiété se définit comme un état psychologique, physiologique ou comportemental induit par une menace (réelle ou non) au bien-être ou à la survie. La peur ou la phobie sont des symptômes de l’anxiété.

La douleur se définit comme une expérience sensorielle ou émotionnelle désagréable causée par une atteinte tissulaire (réelle ou non) qui provoque des réactions motrices ou végétatives protectrices. Il ne faut pas oublier que l’impossibilité de communiquer n’exclut en rien la présence de la douleur.

Une définition de la maltraitance

À l’instar de la médecine humaine et avec 40 ans de retard, des vétérinaires (Mundo et coll.) ont suggéré, dans les années 1990, que la maltraitance soit une possibilité diagnostique lors de certaines consultations. Il a donc été proposé de reprendre les définitions de la maltraitance de la médecine humaine (négligence, abus physiques, maltraitances émotionnelles et psychologiques, abus sexuel). Le syndrome de Münchhausen par procuration existe aussi chez l’animal.

Des outils créés par les Anglo-Saxons sont à la disposition des vétérinaires pour aider à reconnaître ces différents cas. Le diagnostic de maltraitance est souvent complexe et des interprétations erronées peuvent avoir des conséquences gravissimes. Il ne faut donc pas hésiter à faire appel à des professionnels spécialisés, des associations de défense animale et à la fédération vétérinaire européenne.

Une audition est primordiale

Jean-Marc Ben Kemoun, psychiatre, pédopsychiatre décrit les techniques de recueil de la parole des enfants maltraités. Ces techniques sont de bons exemples pour la conduite des examens en présence de maltraitances supposées. L’enfant sera accueilli dans un lieu calme, le praticien doit avoir une attitude neutre, ne pas juger, ne pas mettre en doute. L’écoute doit être attentive et rassurante. Il convient d’éviter tout discours renforçant le sentiment de culpabilité et de ne pas souligner les incohérences. Chez l’enfant, le langage doit être adapté à son âge et à son éducation. Les réponses sont ajustées en fonction de l’orientation ou de l’insistance de l’interrogatoire, il convient donc de poser des questions sans donner d’information supplémentaire.

Le rôle des associations de défense animale

Si le rôle des vétérinaires est important dans la recherche des maltraitances animales, celui des associations de défense animale ne l’est pas moins. Fréderic Freund, directeur de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), mène des actions concrètes sur le terrain. Notre confrère Jean-Pierre Kieffer est président de cette œuvre. Dans les élevages, l’OABA se voit confier de plus en plus souvent des animaux retirés à leurs éleveurs pour mauvais traitement ou abandon de soins.

Amélia Tarzi, dirige l’association Défense et protection des animaux (DPA) de la Nièvre et du Centre. Son objectif est de défendre et de protéger les animaux, mais aussi d’informer, de conseiller et d’éduquer afin d’aider et de mieux connaître les animaux. Pour la présidente, les maltraitances sont souvent dues à une misère sociale grandissante.

Tamara Guelton est responsable du service protection animale de la Société protectrice des animaux (SPA). Ses principales missions sont de recueillir les animaux, les faire adopter et les soigner. Au quotidien, il est donc primordial de traiter les signalements de maltraitance, de piloter les enquêtes, de gérer les plaintes et d’effectuer des saisies. Il peut aussi y avoir constitution de parties civiles (133 en 2017) à l’appui des particuliers après information par les autorités ou la presse. La cellule antitrafic de la SPA a pour mission la lutte contre les importations illégales, les élevages non déclarés ou les transports non conformes, le commerce clandestin, la maltraitance causée par les professionnels, la zoophilie. L’enquête, expliquée par Julien Soubiron, ancien gendarme salarié de la cellule antitrafic, se déroule de la façon suivante : après signalement, elle est diligentée, puis contact est pris avec les diverses autorités et services de l’État. Si les faits sont avérés, la SPA dépose plainte et conduit les démarches nécessaires pour poursuivre les personnes coupables.

L’AMAH CONTRE LES VIOLENCES HUMAINES ET ANIMALES

Pour notre consœur Anne-Claire Gagnon, présidente de l’Association contre la maltraitance animale et humaine (Amah), la “sentience” est une notion importante chez les êtres vivants conscients : elle permet d’évaluer les actions des autres, de s’en souvenir, d’en mesurer les risques et les bénéfices, de ressentir des sentiments.
Dans la maltraitance, il y a une absence de respect de l’être vivant, que ce soit chez l’être humain ou chez l’animal. Très souvent, cette absence de respect des autres est doublée d’une absence de respect de soi. Les personnes maltraitantes ont souvent été maltraitées ou témoins de maltraitances. Elles ont du mal à verbaliser leurs émotions (violence, colère). Des publications anglo-saxonnes rapportent que dans 88 % des familles où des violences sont exercées sur les enfants, les animaux en subissent aussi. 21 % des morsures mortelles de chiens sont dues à des animaux, victimes eux-mêmes de violences. Lorsqu’un enfant voit ou commet des violences sur des animaux, il y a un risque accru qu’il en provoque à l’adolescence ou plus tard. Bien entendu, beaucoup de ceux qui ont été victimes ou témoins de violences ont à cœur de les réparer en devenant protecteurs des animaux.
Grandir dans un contexte de violence induit chez l’enfant l’incorporation d’un schéma de pensée erronée. Il faut donc être vigilant sans être suspicieux, poser des questions de manière ouverte et sans jugement si des incohérences sont notées (par exemple, une fracture lors d’une chute de canapé).
L’Amah a pour mission de comprendre le lien entre la violence faite aux animaux et celle faite aux personnes et de fédérer tous les acteurs concernés par la violence domestique pour prévenir et porter assistance aux animaux et aux hommes. Son objectif est de sensibiliser tous les professionnels pouvant être confrontés à des victimes animales ou humaines de la violence domestique (vétérinaires, associations, médecins, assistantes maternelles, avocats, etc.), de donner des outils pour agir au mieux, d’indiquer les dispositifs d’accompagnement, d’encourager la recherche et d’informer le public.
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