Le vétérinaire sanitaire rural face à de nouveaux enjeux - La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018

ENQUÊTE

ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Un bilan des remontées de terrain des attentes des vétérinaires ruraux concernant leurs missions sanitaires a été dressé le 4 octobre à l’Académie vétérinaire de France. Il ouvre la voie à des perspectives d’amélioration du schéma actuel.

Le modèle sanitaire français est une exception, il est d’ailleurs envié et recommandé à l’échelle internationale par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) », a déclaré Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), pour présenter la situation des vétérinaires sanitaires en zone rurale, lors de la réunion du 4 octobre à l’Académie vétérinaire de France (Paris). En effet, depuis la création du statut de vétérinaire sanitaire au début du siècle, les vétérinaires français jouent un rôle essentiel, au sein d’un véritable « trépied sanitaire », en collaborant avec l’administration et les éleveurs. Or, le maillage territorial des vétérinaires, qui leur permettait jusqu’à présent de remplir pleinement ce rôle, tend à se distendre avec les fortes évolutions socio-économiques actuelles. L’apparition de « déserts vétérinaires », ainsi qu’une difficulté croissante pour mobiliser les praticiens dans la réalisation de missions sanitaires, alors que les crises se répètent (peste porcine, influenza aviaire, etc.), ont conduit la Direction générale de l’alimentation (DGAL)1 à commander une étude2 auprès de vétérinaires pour recueillir leur “ressenti” sur l’organisation de la police sanitaire en France.

Des failles organisationnelles

Hormis une évolution du profil du vétérinaire et du contexte social, des failles organisationnelles ont été pointées du doigt par les praticiens, selon Sébastien Gardon, chargé de mission à VetAgro Sup, qui a présenté les résultats de l’étude. En effet, à la suite de l’organisation des États généraux du sanitaire3, l’environnement institutionnel dans lequel les vétérinaires sanitaires travaillent est plus « difficile à comprendre et à appliquer sur le terrain », selon les praticiens interrogés. Il existe notamment des « difficultés relationnelles avec l’Administration à l’échelle régionale et nationale », les nouveaux termes et nouvelles institutions (Organisme vétérinaire à vocation technique [OVVT], associations sanitaires régionales [ASR], conseil régional d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale [Cropsav], etc.) sont souvent incompris et un différentiel de circulation de l’information sanitaire par rapport aux éleveurs, « qui échangent des informations rapidement et de manière efficace avec leur groupement de défense sanitaire (GDS) », a été souligné par les sondés. En parallèle, le profil et les attentes des vétérinaires évoluent et les territoires ruraux souffrent d’un déficit d’attractivité auprès des jeunes diplômés. Enfin, les vétérinaires ruraux déplorent un manque de « missions sanitaires innovantes, payées et reconnues par l’État ». Outre l’inadéquation entre la rémunération et l’importance de certaines missions sanitaires (prophylaxie peu rémunérée, missions de veille épidémiologique non payées), ils se perçoivent en effet comme de simples « exécutants » qui devraient être davantage « consultés et reconnus ». Les bons résultats du plan ÉcoAntibio illustrent ainsi, selon eux, le fait que si « les missions ont du sens », les vétérinaires sont pleinement capables de s’impliquer. Des évolutions semblent donc indispensables pour pallier cette « crise de vocation sanitaire » dans le secteur rural, mais aussi en filières industrielles (porc et volailles) et canine, qui font face à des difficultés spécifiques.

« Un tableau pas si sombre »

Comme l’a conclu Christophe Brard, « le tableau n’est pas si sombre ». Ce travail, qui a conduit à cinq grands axes de recommandations résumés en 23 points, commence d’ailleurs à porter ses fruits. Parmi les mesures lancées, citons notamment une réorganisation du schéma de gouvernance sanitaire actuel permettant de le rendre plus opérationnel, ainsi que la mise en place d’un Comité national de santé publique vétérinaire promouvant les échanges entre professionnels libéraux (médecins, vétérinaires). De même, les négociations avancent dans la contractualisation éleveur/vétérinaire : le vétérinaire traitant pourra proposer à l’éleveur des contrats de services mensualisés (suivi de fécondité, parasitisme, visite de routines, chirurgie, etc.), à l’exception du médicament vétérinaire. Enfin, de nouvelles formations et missions pourraient être dévolues à l’avenir aux vétérinaires sanitaires : sécurité sanitaire des aliments, santé et protection animale, préservation de l’environnement ou surveillance des zoonoses.

1 Étude commandée dans trois départements et régions (Alpes-Maritimes, Lot et Auvergne-Rhône-Alpes) par le groupement santé animale de la DGAL (Bureau des intrants et de la santé publique en élevage [Bispe]) dans le cadre de la feuille de route Réseau vétérinaire dans les territoires ruraux et en production animale : bit.ly/2CwPsnO.

2 Étude réalisée au sein de l’école des inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV) : Baldacchino F. et coll. Vétérinaires praticiens : les “bons petits soldats” du sanitaire ? Rôle du vétérinaire dans l’organisation sanitaire en France : quelles réponses possibles face aux enjeux nationaux et aux contraintes locales ?

3 bit.ly/2qirTrg.

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