Du périple d’un vétérinaire mandaté - La Semaine Vétérinaire n° 1779 du 28/09/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1779 du 28/09/2018

JUSTICE ORDINALE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Un vétérinaire agissant sous mandat d’une autorité administrative peut-il être tenu pour responsable des conséquences dommageables d’une évacuation d’un élevage de chiens ? Le 15 juin dernier, la Chambre nationale de discipline de l’Ordre des vétérinaires a eu à se prononcer sur cette question.

Tout commence en décembre 2015, lorsque le vétérinaire X est mandaté, par un arrêté préfectoral, dans un élevage d’une centaine de chiens de traîneau « pour effectuer une expertise en matière de santé et protection animale comprenant une évaluation de l’état d’entretien et de santé de tous les animaux de l’exploitation ». En cause, la régularité administrative de l’élevage, dont la suspension de l’activité a été prononcée par un préfet. Ce jour-là, l’évacuation du cheptel se passe sous haute tension en présence des forces de l’Ordre et des agents de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations. Les propriétaires de l’élevage s’opposent à leurs interventions. Muni de son habilitation sanitaire, le vétérinaire X a examiné les animaux et indique dans un rapport de mission que leur état de santé était globalement bon. L’épouse du gérant de l’exploitation, elle-même vétérinaire, évoquait alors une « opération commando à la GIGN ». Les choses se corsent lorsque M. B, propriétaire de l’élevage, porte plainte contre le vétérinaire X pour plusieurs manquements. L’affaire a été portée le 15 juin dernier devant la Chambre nationale de discipline.

Des sévices et des actes de cruautés

Que peut-on bien reprocher au vétérinaire X qui agissait sous mandat préfectoral ? Lors de l’évacuation, deux chiennes parturientes avaient posé difficulté. L’une d’entre elles avait mis bas lors de l’opération avant le début du transport quand une autre avait été laissée sur l’exploitation sous la surveillance de personnes présentes. Plusieurs griefs ont été avancés par le plaignant devant la Chambre nationale de discipline. D’abord, le fait que le vétérinaire X aurait participé à la mise en œuvre d’actions ayant conduit à des sévices sur des êtres vivants doués de sensibilité et à des actes de cruautés. Selon M. B, à ces manquements s’ajoutent des fautes professionnelles lourdes se caractérisant par l’acceptation des actions en ne manifestant aucun refus face à l’évacuation qui aurait mis en danger les animaux. Actes qui auraient conduit à une discréditation publique de l’image de la profession de vétérinaire.

Des manquements déontologiques ?

La haute juridiction ordinale devait alors se prononcer sur l’aspect déontologique de cette affaire. Le vétérinaire X avait-il commis des manquements déontologiques lors de son intervention dans cet élevage, bien que ce dernier agissait sous couvert d’un mandat délivré par une autorité administrative ? Selon le plaignant, le vétérinaire X n’aurait pas dû intervenir, d’autant qu’ultérieurement « la décision ayant ordonné l’évacuation a été annulée par la juridiction administrative. » Dans sa décision rendue publique le 4 septembre, la Chambre nationale de discipline note que son intervention n’était pas sujette à critique. Selon elle, le vétérinaire X agissait dans le cadre strict de l’arrêté préfectoral qui prévoyait uniquement une expertise de l’état de santé des animaux. Contrairement à ce qu’affirme le plaignant, elle relève que le vétérinaire X examinait les animaux individuellement et n’avait donc pas la possibilité de suivre les conditions dans lesquelles ils étaient saisis.

Un bouc émissaire ?

« Ce mandat ne portait pas sur les conditions de transport (…), il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas refusé de laisser transporter une chienne parturiente, ce dont elle n’avait pas le pouvoir », souligne la juridiction ordinale. À l’audience, M. B persiste. Pour lui, le vétérinaire X a fauté et doit être sanctionné. Mais pour la Chambre nationale de discipline, ce dernier ne peut pas être tenu responsable dès lors qu’il a agi dans le cadre précis d’un mandat. Par ailleurs, elle ajoute à ce raisonnement que rien n’établit que la capture des chiens de l’élevage ait donné lieu à des actes de cruautés. Elle conclut que « les fautes qui sont imputées au docteur vétérinaire X ne sont aucunement caractérisées. » Pour la chambre, le grief concernant des sévices ou des actes de cruauté n’est pas caractérisé ni d’ailleurs celui portant sur la discréditation publique de l’image de la profession de vétérinaire. Elle retient qu’il y a lieu de juger que le vétérinaire X n’a commis aucun manquement et décide de prononcer la relaxe. Dans cette affaire, le vétérinaire revêt-il une fonction de bouc émissaire ?

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