LinkyVet : visioconsultation et tchat, pour des soins à distance - La Semaine Vétérinaire n° 1773 du 24/08/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1773 du 24/08/2018

TÉLÉMÉDECINE

ACTU

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD   

Ce nouvel outil sera commercialisé dès le mois de septembre : il s’agit d’une visioconsultation à distance, où le vétérinaire lui-même pilote le smartphone de son client. Zoom sur LinkyVet.

Imaginez un client qui filme son animal avec son smartphone. Et, à distance, son vétérinaire derrière son ordinateur qui “prend la main”, en pilotant lui-même les fonctionnalités dudit smartphone. Ce “webvétérinaire” photographie alors ce qu’il désire, en zoomant par exemple sur une plaie. Il peut aussi dessiner sur la vidéo ou une image pour illustrer et expliquer son propos… Il lui est également possible d’associer des commentaires à chaque photo prise. Enfin, à l’issue de chaque visioconsultation, un compte rendu PDF est automatiquement réalisé ainsi qu’un fichier comportant l’ensemble des clichés… Tout ceci forme la visioconsultation vétérinaire LinkyVet. Ce nouvel outil a été créé par une agence web digitale, forte de trois associés 1, dont Olivier Perroy. « Si, sur le terrain, la connexion 3G ne fonctionne pas correctement, précise-t-il, vétérinaire et client peuvent toujours tchater, en s’envoyant à distance textes, photos, vidéos et autres enregistrements sonores. »

Tous concernés ?

Qui sera intéressé par cette invention ? « Nous imaginons un développement 50 % en rurale, 50 % en canine, commente Olivier Perroy. Il y a davantage de vétérinaires canins, avec une appétence généralement plus développée envers les outils connectés. Mais notre outil répond aussi à des besoins de suivi en élevage, et il peut pallier des problèmes de déserts médicaux en milieu rural. »

Comment organiser une telle visioconsultation ? « C’est au vétérinaire qu’il appartiendra de l’initier et de la programmer, vraisemblablement sur un temps oscillant entre cinq et dix minutes (selon les cas médicaux). Par exemple, il pourra ainsi suivre toutes les deux semaines l’évolution d’un traitement de dermatologie, sans faire déplacer le client à la clinique. En matière de rééducation, il pourra aussi voir un animal en train de marcher. Son client pourrait, de son côté, également lui transmettre des images intéres santes : comme son ani mal en pleine crise d’épilepsie, ou en proie à un trouble du comportement dans son environnement familier. »

Outre ces suivis de soins à distance ou de renforcement d’un diagnostic grâce à des images prises in situ, des premiers conseils pourraient être donnés en urgence. Enfin, une consultation tripartite (avec un vétérinaire spécialiste, le vétérinaire “généraliste” et le client) est aussi envisageable.

Un nouveau service à facturer

« Une telle visioconsultation, durant une dizaine de minutes, devrait être facturée une vingtaine d’euros, estime Olivier Perroy. Ou alors ce pourrait être un service en plus offert pour fidéliser les meilleurs clients du vétérinaire. » Et d’ajouter : « Aujourd’hui, les praticiens sont de plus en plus sollicités par leurs clients par SMS, e-mail, Skype…Ils subissent ces demandes. LinkyVet va leur permettre de structurer, d’organiser, de maîtriser et de monétiser ce temps de conseil. »

À l’inverse, combien sera facturé LinkyVet à chaque clinique ? Le premier forfait mensuel de “Visio” débute à 65 € HT, et un forfait ne proposant que la solution de “Tchat” devrait être proposé autour d’une quinzaine d’euros. À terme, cet outil pourrait même s’enrichir, en étant relié à des objets connectés (prise de température, écoute du rythme cardiaque à distance, etc.).

1 Accompagnés depuis l’initiation du projet par trois vétérinaires (Pierre Mathevet, Stéphane Bonaimé et Cédric Commere). Une dizaine de praticiens les ont aussi accompagnés dans leur réflexion.

ENTRETIEN AVEC  DENIS AVIGNON 

« LA TÉLÉMÉDECINE N’A PAS POUR VOCATION DE REMPLACER L’ACTE VÉTÉRINAIRE, MAIS À COURT TERME D’EN FAIRE PARTIE »

Que pensez-vous de la visioconsultation à distance LinkyVet ?
Les smartphones sont maintenant suffisamment puissants et sophistiqués pour constituer des outils corrects de télémédecine. Toutefois, le téléphone n’est qu’une machine, le software permettant de recevoir les images et d’établir le contact avec le détenteur de l’animal est fondamental. La démonstration qui m’a été faite montrait un software abouti, à même de mener une téléconsultation, une télésurveillance ou une télé-expertise. Ceci, bien sûr dans les limites imposées par ce genre d’exercice, à savoir la fluidité des réseaux utilisés par les différents protagonistes, la qualité de la caméra et du son, la puissance du processeur… Et avec toujours, évidemment, la limite liée à l’absence de contact physique avec l’animal.

Est-ce une opportunité à saisir par les vétérinaires ?
La profession ne doit négliger aucun nouvel outil qui s’offre à elle. Je parle bien d’outil, rien de plus. La télémédecine devra s’inscrire dans la palette de plus en plus large de services médicaux que les vétérinaires proposent à leurs patients. Je suis persuadé, par exemple, qu’un usage judicieux et soigneusement encadré de la télémédecine permettra d’améliorer le suivi sanitaire permanent.
Quelles en sont les limites ?
La télémédecine vétérinaire, en France, n’est actuellement encadrée par aucun texte législatif ou réglementaire. Rappelons à toutes fins utiles que, pour l’instant, le diagnostic est établi suite à l’examen clinique ou dans le cadre du suivi sanitaire permanent (article R.242-43 du Code de déontologie). Toutefois, certains pans de la télémédecine sont déjà largement utilisés par la profession. La télé-expertise en imagerie médicale et la télérégulation en sont les deux exemples principaux.
Les outils pour franchir le pas de la téléconsultation sont déjà là, on le voit bien avec l’exemple de LinkyVet, et de nombreux praticiens sont prêts à y recourir. Le flou juridique n’est pas souhaitable. C’est pourquoi, dès 2016, l’Ordre avait demandé une étude sur le sujet à l’Académie vétérinaire, qui a maintenant donné ses recommandations 1. L’Avma2 a également réfléchi sur la télémédecine, ses conclusions sont les mêmes que celles de l’Académie, l’acte de télémédecine ne doit pas pouvoir s’effectuer en dehors d’un contrat de soins (veterinarian-client-patient relationship aux États-Unis) et dans le respect des règles de bonne conduite de la profession vétérinaire.
Nous travaillons désormais à une proposition de textes encadrant la pratique de la télémédecine, qui sera discutée avec les organisations vétérinaires, avant de solliciter notre autorité de tutelle. Celle-ci décidera en dernier ressort. Qui sait, en 2020, la télémédecine fera peut-être partie de la boîte à outils vétérinaire.


1 Voir La Semaine Vétérinaire nos 1737 et 1738 des 27/10 et 3/11/2017, pages 11 à 13.
2 American Veterinary Medical Association.
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