La donnée, le nouvel eldorado - La Semaine Vétérinaire n° 1773 du 24/08/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1773 du 24/08/2018

E-SANTÉ ANIMALE

ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Lors de la journée consacrée à l’e-santé animale à l’université d’été de Castres, la donnée a été passée au crible. Définie comme le nouvel or noir, elle est apparue comme indissociable du futur de la profession.

Le vétérinaire de demain sera un expert de la donnée, ce qui lui laissera du temps pour se consacrer à la relation humaine. » Cette phrase d’Hervé Basset, responsable digital chez MSD Santé animale, concluait la journée consacrée à l’e-santé animale, organisée lors de l’université d’été de l’e-santé, du 3 au 5 juillet à Castres (Tarn). La donnée, identifiée par les conférenciers comme « le nouvel or noir », est au cœur de l’e-santé animale1. Les objets connectés, les robots, ou encore les dossiers clients génèrent un volume grandissant de données. « En santé humaine, on parle de 1 pétaoctet de données pour la vie d’un être humain, soit 300 millions de livres, a indiqué Grégory Santaner, vétérinaire et fondateur de VetoNetwork. En santé animale, mon sentiment est que le volume sera encore plus grand, devant l’absence des limites légales, éthiques ou psychologiques. » Dans cette course à l’accumulation de données, l’enjeu est de réussir à les valoriser… à condition que ce qui est collecté soit de qualité.

Une source de convoitise

De nombreux acteurs, notamment privés, sont déjà pleinement lancés dans la course à la data. Pour exemple, Aurélie Van Heyghen, responsable marketing et technique animaux de compagnie chez Allflex Europe, a ainsi présenté les dispositifs Sure Petcare, incluant toute une gamme d’objets connectés pour animaux de compagnie, tels que Thermochip®, une puce électronique intégrant un biocapteur de température, ou encore un distributeur de nourriture et une fontaine à eau connectés. Avec pour usages, établir la gamme normale de température, gérer le surpoids et, à terme, pouvoir détecter précocement une maladie infectieuse ou métabolique. Autre exemple, Aplifarm, une plateforme de données d’élevages bovins laitiers en cours de développement, entend agglomérer des données et les vendre, avec l’accord de l’éleveur, à différents prestataires de services. Côté recherche publique, Rémi Servier, chargé de recherche en statistique à l’unité mixte de recherche Inra-ENVT2, a décrit un projet en cours visant à détecter précocement l’apparition des maladies chez le porcelet en post-sevrage, à partir du poids et de la consommation d’eau et d’aliments.

Une ressource à contrôler

Les promesses de la valorisation des données ne doivent pas cacher leurs limites. « Les données sont devenues une ressource stratégique, a ainsi souligné François Baganhi, vétérinaire et data scientist. Pour autant, aujourd’hui, seuls 25 % des données sont exploitables, et moins de 3 % sont exploitées. » De plus, il convient de garder à l’esprit que la donnée collectée doit être de qualité, le risque étant de passer à côté d’un animal malade, voire de traiter inutilement un individu sain. « La performance des outils de monitoring dépend de plusieurs critères. De leur sensibilité et spécificité, mais aussi de la mesure, du contexte d’usage, du coût, de l’ergonomie, de l’innocuité et de l’aspect nouveauté, a précisé Raphaël Guatteo, professeur de médecine bovine et gestion de la santé des bovins à Oniris. Mais aujourd’hui, aucun cadre réglementaire n’existe concernant la méthodologie d’évaluation de ces outils. » Par exemple, pour le robot de traite, une norme de détection des mammites existe, mais « en pratique, les valeurs des sensibilité et spécificité définies ne sont pas atteintes ». Le conférencier a également présenté une étude3 de 2014 (Bareille et coll., 2014) sur 65 vaches laitières ayant montré que seuls 23 % des troubles de santé étaient réellement détectés par le Thermobolus®. « Une efficacité ne veut pas dire grand chose. Il faut inscrire l’outil de monitoring dans un objectif et un contexte d’utilisation, sans occulter son innocuité. »

1 Usage combiné des technologies de l’information et de la communication à des fins cliniques, informationnelles, éducationnelles et administratives pour protéger et améliorer la santé et le bien-être des animaux (d’après Grégory Santaner).

2 Institut national de la recherche agronomique-École nationale vétérinaire de Toulouse.

3 https://bit.ly/2wed7Ut

LA DONNÉE REDÉFINIT LA PROFESSION

L’avènement des technologies permettant le stockage et l’analyse des données laisse entrevoir un changement de médecine. « D’un modèle réactif, qui repose sur le traitement, on évolue vers un modèle proactif, où le soignant anticipe, mais évalue également les traitements mis en œuvre, note Grégory Santaner, vétérinaire et fondateur de VetoNetwork, société de conseil et de formation spécialisée en e-santé animale. Ainsi, on parle de la médecine des “4P” : prédictive (mesurer la susceptibilité d’un patient à une maladie), préventive (mettre en place des mesures pour éviter l’apparition d’une maladie), personnalisée (adapter le traitement à l’individu) et participative (associer les propriétaires dans le processus de soin ou de dépistage). »

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