Les chirurgies abdominales chez les petits mammifères - La Semaine Vétérinaire n° 1771 du 06/07/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1771 du 06/07/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR 

Les techniques de chirurgie abdominale pratiquées chez les petits mammifères sont proches de celles pratiquées chez les carnivores domestiques. Il convient cependant de connaître certaines particularités anatomiques, physiologiques et anesthésiques propres à ces espèces.

Principes généraux

Anesthésie

L’anesthésie doit être maîtrisée, avec une analgésie, une oxygénation (après intubation ou au masque), un réchauffement (tapis chauffant, au réveil par un Warm Touch® ou un sèche-cheveux) et une fluidothérapie (perfusion intraveineuse, ou sous-cutanée si la pose de cathéter est impossible) adaptés. En fin d’intervention, rincer la cavité abdominale avec des solutés stériles tiédis permet le nettoyage mécanique de l’abdomen, le réchauffement de l’animal et la réhydratation intrapéritonéale.

La traction des tissus et des mésos, les manipulations des anses digestives, ainsi que l’utilisation d’instruments traumatiques, peuvent conduire à des lésions et des irritations responsables de coliques et d’arrêts de transit postopératoires. Il est préférable de manipuler les organes à la main et d’utiliser des écarteurs autostatiques de Lonestar pour maintenir la cavité abdominale ouverte.

Laparotomie

Chez les herbivores, la ligne blanche est maintenue surélevée à la pince et légèrement secouée avant son incision pour décoller les éventuelles adhérences avec l’appareil digestif et éviter ainsi toute lésion du caecum et de l’estomac. Une diète préalable de quelques heures en réduit le volume. L’ouverture est poursuivie aux ciseaux sans sonde cannelée.

Suture

La ligne blanche et la peau sont suturées par un surjet simple au fil monofilament 4/0 résorbable ou non. Lors du surjet musculaire, les organes sous-jacents sont protégés par le manche du bistouri maintenu sous la ligne blanche. De la colle chirurgicale sur le surjet cutané évite tout risque de déhiscence par léchage. En effet, les myomorphes (rats, souris hamster, gerbille), l’octodon et le chinchilla grignotent souvent leurs points de suture. Une collerette ou un limage provisoire des incisives est souvent nécessaire chez le rat. Les pansements renforcent le réflexe de léchage.

Surrénalectomie

La surrénalectomie est recommandée lors de suspicion de maladie surrénalienne chez le furet. La surrénalectomie gauche est plus simple que la droite.

Droite

La surrénale droite est accolée à la veine cave dorsolatéralement, en arrière du foie, et cranialement au rein. La capsule de la glande est anatomiquement fusionnée avec la paroi de cette veine. La surrénalectomie complète de la glande surrénale droite passe par l’incision de la paroi latérale de la veine cave caudale, après occlusion transitoire à l’aide de fils de traction ou de clamps vasculaires. Une suture vasculaire au fil monofilament 9/0 est nécessaire. Une exérèse partielle peut être réalisée après dissection de la capsule et la mise en place d’hémoclips le long de la veine cave. Une récidive est dans ce cas attendue.

Gauche

La surrénale gauche est positionnéecraniomédialement au rein gauche, à 1 cm environ latéralement à la veine cave caudale. Elle est entourée de graisse abdominale. Elle est abordée après avoir récliné l’intestin grêle. Son exérèse complète est simple, après dissection fine au clamp ou au coton-tige du tissu adipeux l’entourant. L’exérèse de la glande est progressive, après ligature au fil ou hémoclips de la veine phrénico-abdominale autour de la glande, ainsi que de la néovascularisation autour de la tumeur. La cryochirurgie n’est pas indiquée et présente plus de complications postopératoires.

Entérectomie

L’entérectomie est de moins bon pronostic que l’entérotomie et de meilleur pronostic chez le furet que chez les herbivores. Les parois et tissus digestifs sont fragiles. Avant la section, l’occlusion manuelle, entre le pouce et l’index, des anses digestives est réalisée par un aide. Des pinces sont placées pour occlure le segment d’intestin pathologique destiné à être extrait. La section est réalisée entre une pince et les doigts de l’aide, de part et d’autre du segment pathologique. Les sutures d’anastomose sont réalisées par deux surjets perforants distincts entre les bords mésentériques et antémésentériques des anses intestinales par des fils monofilaments 5/0 ou 6/0. Un coton-tige stérile dans la lumière intestinale, lors de la suture d’anastomose, permet d’éviter l’affaissement de la lumière intestinale et l’accolement des parois digestives. Pour l’entérotomie, une suture transversale plutôt que longitudinale de l’intestin permet de moins réduire la lumière intestinale. L’omentum du lapin, de petite taille, est difficile à utiliser pour épiploïser les sutures du tube digestif. L’omentalisation est facilement réalisable chez le furet. L’étanchéité de la suture est testée par injection sous pression de quelques millilitres de sérum stérile dans la lumière. Un changement de gants et d’instruments, ainsi qu’un rinçage abdominal soigneux terminent l’intervention avant la suture de l’abdomen et de la peau.

Chirurgie du pancréas

Elle concerne principalement le furet, sujet aux insulinomes vers l’âge de 4 ans. Ils sont généralement diffus et traités médicalement. L’échographie permet parfois de mettre en évidence un ou plusieurs nodules pancréatiques (à ne pas confondre avec des ganglions). En cas de nodules abondants, une pancréatectomie partielle est réalisée. Les vaisseaux pancréatico-duodénaux sont préservés. Plusieurs nodulectomies isolées sont envisageables à l’aide de ciseaux à iridectomie et d’une dissection mousse.

Chirurgie du foie

Le foie est constitué de six lobes chez le furet, cinq chez le lapin. Les tumeurs hépatiques sont fréquentes et les torsions de lobe hépatique sont décrites chez le lapin. Le traitement repose sur une lobectomie. Le lobe ou la masse hépatique est visualisée et délicatement extériorisée. L’artère et la veine hépatiques, courtes et larges, irriguant le lobe atteint sont repérées à sa base, puis ligaturées deux fois, avant la ligature en masse de la base du lobe. Après la pose d’un clamp, le lobe hépatique est incisé et extrait de la cavité abdominale. L’hémostase doit être contrôlée.

Les biopsies hépatiques sont réalisées par simple ligature (technique de guillotine) ou après clampage d’un bord du foie. Très souvent cette ligature a une mauvaise tenue, mais les saignements ne sont pas dangereux pour l’animal (sauf si déficit en facteurs de coagulation). Une compresse hémostatique est posée. Les biopsies au biopsy punch sont réalisées pour les masses plus centrales et la base du fragment biopsié est sectionnée aux ciseaux. Les hémorragies sont contrôlées par suture fine de la capsule hépatique et application d’une compresse hémostatique.

Emmanuel Risi Praticien à FauneVet, CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l‘Afvac en novembre 2017 à Nantes.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr