Ces vétos qui ne font que Chat ! - La Semaine Vétérinaire n° 1770 du 29/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1770 du 29/06/2018

DOSSIER

À la question : « Qu’y a-t-il de particulier dans une clinique réservée aux chats ? », les réponses sont à la fois singulières et semblables. C’est une clinique vétérinaire sans chiens, donc sans bruits et sans odeurs désagréables, un endroit où les chats ne stressent pas, donc griffent ou mordent rarement, et, surtout, ce sont des lieux où toute l’équipe est passionnée par le contact avec les félins, heureuse d’y consacrer tout son temps. Lorsqu’on interroge les praticiens félins, exclusifs ou “chamicaux”, les mots qui reviennent sont « plaisir » , « bonheur », « calme » et « sérénité ».

Le plaisir, c’est de passer ma vie au milieu des chats », estime Michèle Fradin-Fermé, qui fut la première à oser créer une clinique leur étant réservée, à Paris, en 1988. Une vision partagée par les praticiens des 12 cliniques vétérinaires réservées aux chats recensées aujourd’hui en France, indépendantes ou rattachées à une structure généraliste, sans oublier une consultation à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, animée par Brice Reynolds, avec au total 19 praticiens en exercice félin strict. Et le nombre de cliniques “chamicales” (ou “cat friendly”) ne fait que croître de façon exponentielle depuis l’assouplissement du Code de déontologie, qui avait été un frein à la mise en avant de cette reconnaissance par l’International Cat Care et l’International Society of Feline Medicine (ISFM), l’association qui œuvre depuis 60 ans pour un monde meilleur pour tous les chats. Dotée de trois niveaux (bronze, argent et gold) en fonction du plateau technique, mais également des aménagements et de la prise en charge des chats, l’estampille “cat friendly clinic” a déjà été décernée à 14 cliniques (dont seulement une gold, tout récemment attribuée à la clinique vétérinaire du Grand Large, à Pornic, en Loire-Atlantique, qui a inscrit cette démarche dans ses priorités de conception de sa nouvelle structure).

Des aménagements qui facilitent la vie

De taille souvent modeste, de 40 à 150 m2, les cliniques vétérinaires réservées aux chats optimisent leur surface, tout en respectant les animaux qu’elles accueillent, notamment avec la présence systématique d’une chatterie pour les contagieux. Côté mobilier et décoration, tout est permis et les réalisations font plaisir à voir ! Se sentir bien dès l’entrée est la fierté de tous, ce qui permet d’instaurer « une ambiance zen au sein de notre structure et de notre équipe, un environnement calme qui nous donne du plaisir chaque jour », témoignent Maureen Moignard et Hélène Schumacher, de la clinique Félins pour l’autre de Lyon (Rhône). En salle d’attente, l’essentiel est de ne pas… attendre (toutes et tous travaillent sur rendez-vous, avec un souci de ponctualité des praticiens) et de proposer des éléments accueillants pour poser en toute sécurité les cages, comme des perchoirs, plébiscité par tous, ou une banque d’accueil, conçue pour y placer la cage à bonne hauteur.

Une très grande majorité des cliniques travaillent avec une mascotte féline qui se charge de l’accueil des clients et contribue à l’ambiance chaleureuse des lieux. Bien que ce ne soit pas recommandé dans les guidelines internationales de 20111 (certains experts ayant argumenté que la présence d’un chat en liberté pouvait générer de la frustration pour les “patients” félins), la présence de mascottes est très répandue et particulièrement appréciée par les clients et les équipes soignantes. Avec quelques règles de fonctionnement, comme l’interdiction d’entrer dans la chatterie d’hospitalisation et le bloc chirurgical, les choses se passent toujours très bien.

Des lieux “chat l’heureux”

La salle de consultation est l’endroit clé pour les animaux reçus à la clinique – à Toulouse, Brice Reynolds les accueille dans une salle à part, comme cela se faisait à Alfort pour la consultation de médecine préventive du chaton – et la conception de ce lieu est toujours mûrement réfléchie et améliorée par les praticiens. La sérénité de l’animal est essentielle pour la bonne réalisation d’un examen clinique fiable, tout comme pour le recueil des urines, du sang, dont les paramètres ne seront pas modifiés par le stress. La salle de consultation est souvent petite, à l’échelle du chat, avec des tables de bar Ikea qui ont été déclinées dans de nombreuses structures. Offrir une distraction visuelle aux animaux est un plus, que ce soit une véritable fenêtre ou une baie vitrée sur la clinique. Les balances plates sont particulièrement pratiques à ranger, et des serviettes, Vetbed® ou polaires, sont à disposition pour les chats venus sans les leurs, afin que l’examen se déroule dans les meilleures conditions, sur des tables de consultation qui ne sont pas en inox, trop froid et trop bruyant.

En hospitalisation, la stratégie est la même, avec des cages souvent doubles, faites sur-mesure si nécessaire. Aucun caillebotis, mais toujours un bac à litière, parfois privatisé dans une partie de la cage double. La hauteur des cages elle-même est importante. Aucune ne doit être placée au ras du sol, l’espace étant réservé au stockage et au rangement de la litière, des bacs, etc. Les chats hospitalisés apprécient d’avoir plus de visibilité en hauteur, de disposer de tablettes. Selon le tempérament des félins, la porte, à barreaux en métal ou en plexiglas (beaucoup plus facile à nettoyer et à désinfecter), sera éventuellement recouverte d’un linge pour les “grands timides”. Les cages de réveil peuvent figurer au cœur de la salle de soins, comme l’a prévu Martine van Boeijen à Perth (Australie), en prenant soin d’occulter la vue des chats en train d’être préparés à leurs congénères hospitalisés. Cette proximité permet à l’équipe de les surveiller à tout moment.

Et demain, votre souhait ?

Certains confrères ont déjà suivi les formations et congrès de l’ISFM en Europe, dont l’intégration dans le compte formation serait appréciée. L’ISFM enrichit année après année ses propositions de “webinaires” et formations à distance, avec son congrès européen où 10 praticiens français étaient présents l’an dernier. À l’unanimité, tous les praticiens félins qui ont répondu à cette enquête souhaitent une reconnaissance de leur discipline, comme c’est déjà le cas en Nouvelle-Zélande, en Australie, et plus près de nous, depuis 2002, en Grande-Bretagne. “Chat doc” ou “Cat doctor”, souhaitons que demain tous les vétérinaires qui ne font que “chat” soient reconnus à la hauteur de l’attention et du dévouement qu’ils portent à ce “patient” si particulier qu’est le chat.

1 Rodan I., Sundahl E., Gagnon A.-C. et coll. American Animal Hospital Association. AAFP and ISFM feline-friendly handling guidelines. J. Feline Med. Surg. 2011;13(5):364-375.

L’auteur remercie pour leur participation François-Xavier Bacot, Aude Barichard, Matthieu Broussois, Pascal Corlay, Marie Erhel, Michèle Fradin-Fermé, Marie-Pierre François, Emmanuelle Gerber et Amélie Fayeulle, Sévérine Laforce, Valérie Lecoutour et Carlos Lopez Lapeyrère, Maureen Moignard et Hélène Schumacher, Deborah Prevost, ainsi que Martine van Boeijen et Moira van Dorsselaer en Australie et en Tasmanie.

LES DIX CONSEILS POUR QUE LES CHATS (ET LEURS PROPRIÉTAIRES) VOUS AIMENT

- Ne pas les faire attendre.
- Ne pas les brusquer.
- Faire preuve de patience, de douceur.
- Prendre le temps de les écouter.
- Nettoyer la salle de consultation avant d’y recevoir un chat, surtout si un chien est passé par là.
- Ne pas les tenir par le cou, ni les attraper dans leur cage.
- Les laisser libres d’explorer les lieux.
- S’adapter à chaque chat.
- Prendre le temps de répondre à toutes leurs questions.
- Ne pas insister si une procédure tourne mal et vire au pugilat.

LEURS RÉUSSITES ET FIERTÉS


« AVOIR FAIT D’UN LIEU DE SOINS UN ESPACE CHALEUREUX OÙ LES CHATS, LES PROPRIÉTAIRES ET MOI-MÊME AVONS DU PLAISIR À ÊTRE. »

« Avoir fait d’un lieu de soins un espace chaleureux où les chats, les propriétaires et moi-même avons du plaisir à être. »

PASCAL CORLAY, PARIS.

Pascal Corlay, Paris.



« RÉUSSIR À FAIRE EN SORTE QUE ÇA SE PASSE BIEN ICI, ALORS QU’AILLEURS C’ÉTAIT COMPLIQUÉ (…). ET CE QUI ME FAIT PLAISIR CHAQUE JOUR, C’EST LE CONTACT AVEC LES CHATS, LORSQU’ILS SE SENTENT À L’AISE ET VIENNENT INTERAGIR AVEC NOUS ! »

« Réussir à faire en sorte que ça se passe bien ici, alors qu’ailleurs c’était compliqué (…). Et ce qui me fait plaisir chaque jour, c’est le contact avec les chats, lorsqu’ils se sentent à l’aise et viennent interagir avec nous ! »

VALÉRIE LECOUTOUR, VENCE (ALPES-MARITIMES).

Valérie Lecoutour, Vence (Alpes-Maritimes).

« ARRIVER À FAIRE DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES AVEC UNE CONTENTION DOUCE ET VOIR LES PROPRIÉTAIRES DÉTENDUS EST UN VRAI BONHEUR. »

« Arriver à faire des examens complémentaires avec une contention douce et voir les propriétaires détendus est un vrai bonheur. »

AUDE BARICHARD, BIARRITZ (PYRÉNÉES-ATLANTIQUES).

Aude Barichard, Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).



« QUE LES GENS VIENNENT DE LOIN

« Que les gens viennent de loin

(PLUS DE 1 H 30) PARCE QUE LEUR CHAT NE STRESSE PAS CHEZ NOUS. »

(plus de 1 h 30) parce que leur chat ne stresse pas chez nous. »

DEBORAH PREVOST, PRIVAS (ARDÈCHE).

Deborah Prevost, Privas (Ardèche).


« ARRIVER DANS UNE CLINIQUE QUI SENT BON, QUI EST CALME, ET POURSUIVRE LA JOURNÉE EN NE VOYANT QUE DES CHATS (MAIS ÇA, SEULS LES AMOUREUX DES CHATS LE COMPRENDRONT !). »

« Arriver dans une clinique qui sent bon, qui est calme, et poursuivre la journée en ne voyant que des chats (mais ça, seuls les amoureux des chats le comprendront !). »

EMMANUELLE GERBER, LYON (RHÔNE).

Emmanuelle Gerber, Lyon (Rhône).


« QUE LES CONSULTATIONS AVEC LES CHATS SE PASSENT BIEN, QU’ILS SOIENT PLUS DÉTENDUS. »

« Que les consultations avec les chats se passent bien, qu’ils soient plus détendus. »

MATTHIEU BROUSSOIS, ROUEN (SEINE-MARITIME).

Matthieu Broussois, Rouen (Seine-Maritime).



« LA RECONNAISSANCE DES CLIENTS QUI VIENNENT SPÉCIFIQUEMENT POUR NOTRE ACCUEIL ET NOTRE FAÇON DE MANIPULER LES CHATS, MÊME S’ILS ONT PAR AILLEURS UN CHIEN, CAR DANS CE CAS ILS DOIVENT AVOIR DEUX VÉTÉRINAIRES. C’EST LA RECONNAISSANCE PARFAITE DE LA SPÉCIFICITÉ DU CHAT ET DE LA NÉCESSITÉ DE L’ACCUEILLIR DIFFÉREMMENT D’UNE AUTRE ESPÈCE ET, EN PARTICULIER, D’UN CHIEN. JE SUIS FIÈRE D’AVOIR RÉUSSI À CRÉER UNE VRAIE DIFFÉRENCE ET D’AVOIR VALORISÉ EN LES APPLIQUANT MES CONNAISSANCES EN MATIÈRE DE PRATIQUE “ CAT FRIENDLY”. »

« La reconnaissance des clients qui viennent spécifiquement pour notre accueil et notre façon de manipuler les chats, même s’ils ont par ailleurs un chien, car dans ce cas ils doivent avoir deux vétérinaires. C’est la reconnaissance parfaite de la spécificité du chat et de la nécessité de l’accueillir différemment d’une autre espèce et, en particulier, d’un chien. Je suis fière d’avoir réussi à créer une vraie différence et d’avoir valorisé en les appliquant mes connaissances en matière de pratique “cat friendly”. »

MARIE-PIERRE FRANÇOIS, NANCY (MEURTHE-ET-MOSELLE).

Marie-Pierre François, Nancy (Meurthe-et-Moselle).


LES ÉLÉMENTS INDISPENSABLES

- Des assistantes sur mesure pour les praticiens félins exclusifs, formées « pour qu’elles aient un abord plus félin de la clientèle, dès l’arrivée du chat à la clinique, ainsi que pour la contention », témoigne une clinique mixte, récemment estampillée “cat friendly” ;
- Les mascottes félines, meilleurs ambassadrices de l’attitude “chamicale” ;
- Du matériel adapté, comme la mini-tondeuse silencieuse Isis®, les épijets, le PetsCool®, que les chats adorent, le Zenifel®, la collerette souple, la couveuse pour les réveils tout en douceur, les pompes à perfusion, le thermomètre spécial à poignée Kruuse®, le Doppler pour la mesure de la pression artérielle, les serviettes et les récompenses (pâtée, Metabolic Treats®), que les chats viennent réclamer sur les genoux pendant la rédaction de l’ordonnance !
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