La stérilisation chez les petits mammifères - La Semaine Vétérinaire n° 1769 du 22/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1769 du 22/06/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR 

Les techniques chirurgicales chez les petits mammifères suivent la même logique que celles pratiquées en canine, mais certaines spécificités anatomiques et physiologiques sont à connaître.

Principes généraux

Une attention particulière doit être portée à l’analgésie, à l’oxygénation, ainsi qu’au réchauffement (tapis chauffant ou Warm Touch®). La fluidothérapie peut être réalisée par voie sous-cutanée si la pose d’un cathéter est impossible. En fin d’intervention, il est conseillé de rincer la cavité abdominale avec des solutés stériles tiédis (nettoyage, réchauffement, réhydratation). Il convient d’éviter les tractions des tissus et l’utilisation d’instruments traumatiques (risque de coliques, d’arrêts de transit), en préférant plutôt la manipulation des organes avec les mains. Les écarteurs autostatiques de Lone Star® maintiennent la cavité abdominale largement ouverte, sans contact avec les organes.

La ligne blanche est maintenue surélevée à la pince et secouée avant son incision pour décoller les adhérences avec l’appareil digestif. L’ouverture est poursuivie aux ciseaux sans sonde cannelée. Aucune antibiothérapie n’est nécessaire. La ligne blanche et la peau sont suturées par un surjet simple au fil monofilament 4/0 résorbable. Lors du surjet musculaire, les organes sous-jacents sont protégés par le manche du bistouri sous la ligne blanche, pour limiter les frottements et l’irritation des intestins. De la colle chirurgicale peut être placée sur le surjet intradermique afin d’éviter tout risque de déhiscence par léchage (en particulier les myomorphes, l’octodon et le chinchilla). Une collerette ou un limage provisoire des incisives est nécessaire chez le rat. Les pansements ne sont pas nécessaires.

Chez le mâle

- Les lapins et les rongeurs peuvent être castrés par voie scrotale, ante-scrotale ou par voie abdominale. Cette dernière est la technique de choix chez les rongeurs, car elle réduit le risque d’hernie inguinale (pas d’incision de la vaginale) et d’infection postopératoire. La présence d’un canal inguinal large permet de repousser manuellement les testicules dans la cavité abdominale. L’animal est placé en décubitus dorsal et l’abdomen est tondu et préparé pour une laparotomie, avant l’incision de la ligne blanche. Les testicules entourés d’un tissu adipeux, sont visibles directement sous la ligne blanche et extériorisés à l’aide d’une pince mousse. L’attache du testicule à la vaginale (ligament vaginal) est rompue au ciseau ou manuellement. Une ligature et section en masse du canal déférent et du cône vasculaire est ensuite effectuée. Cette technique est réalisable également chez le lapin. La castration par voie scrotale est possible chez les rongeurs, en ligaturant la vaginale à sa base, au plus proche du canal inguinal (limite les risques postopératoires de hernie). Il est conseillé de laisser en place du tissu adipeux épididymaire. La fermeture de la vaginale par une technique de castration à testicule couvert est possible. La castration à testicule découvert sans suture de la vaginale doit être proscrite.

- Les chinchillas ne possèdent pas de véritable scrotum. Les testicules sont situés de part et d’autre de l’anus dans des “sacs post-anaux” et seul l’épididyme dépasse caudalement à l’anus. Il peut donc être castré par voie inguinale ou abdominale.

- Chez le furet, la castration est préconisée pour maîtriser la reproduction, l’agressivité et pour limiter l’odeur émise par les glandes sébacées. Les testicules du furet sont semblables à ceux du chat. Les techniques de castration à testicule couvert ou découvert, avec ou sans ligature, ou encore par bistournage présentent la même efficacité. Les nœuds entre le cône vasculaire et le canal spermatique sont parfois trop fragiles. La peau du scrotum n’est pas suturée. Cependant, les pratiques ont évolué vers l’abandon de la castration chirurgicale, au profit de l’implant longue action de desloréline. Cet implant est utilisé chez le mâle comme chez la femelle, avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) uniquement pour l’implant de 9,4 mg chez le mâle. Cette stérilisation chimique est efficace pendant 1 à 3 ans (implant 4,7 mg) et 3 à 5 ans (implant 9,4 mg) et permet de réduire les risques de maladie surrénalienne secondaire à la stérilisation chirurgicale.

Chez la femelle

- Chez la lapine, la stérilisation précoce est fortement conseillée, afin de prévenir l’apparition de tumeurs utérines, observées chez 80 % des femelles de plus de 6 ans, mais aussi à la maturité sexuelle, pour limiter l’agressivité. Les ovaires mesurent quelques millimètres de diamètre, ils sont situés caudalement aux reins et peuvent être localisés grâce aux cornes utérines saisies sous la vessie. Le ligament ovarien est entouré de tissu adipeux et la localisation précise de la vascularisation est parfois difficile. L’utérus est fragile et son ligament suspenseur entouré de tissu adipeux. Le vagin peut être ligaturé par transfixion sous les cornes utérines. Chez les individus de grande taille, ou en cas d’affection particulière (pyomètre), une suture du moignon est réalisée.

- Chez les rongeurs, le ligament ovarien est plus court que chez la lapine, les ovaires sont situés plus dorsalement et sont plus difficiles à atteindre (surtout chez le cobaye). Une hémostase directe au bistouri électrique bipolaire peut remplacer les ligatures par fil chez les petits rongeurs comme le rat. Le caecum, souvent volumineux, gène la visualisation et les ligatures ovariennes. L’ensemble de l’intestin peut être extériorisé et placé dans des compresses humidifiées pendant l’intervention. Les éventuels saignements sont gérés par pression à la compresse. En cas de gestation, de tumeurs ou de kystes ovariens, les pédicules vasculaires et ligaments suspenseurs sont distendus, ce qui rend l’abord des ovaires plus facile. L’abord des ovaires par les flancs ou même dorsalement chez la rate permet d’éviter les contacts et traumatismes de l’appareil digestif, bien que les ovaires soient difficiles à trouver par cette voie (sauf dans les cas pathologiques comme les kystes ovariens (cobaye) ou les tumeurs). Attention également à ne pas manquer une éventuelle lésion utérine peu visible par cette voie d’abord.

- La stérilisation de la furette permet de maîtriser la reproduction et prévient l’apparition d’aplasies médullaires liées à l’hyperoestrogénisme lors d’œstrus prolongé. L’ovariohystérectomie est préconisée. Les ovaires mesurent environ 0,5 cm de diamètre et sont entourés d’un tissu adipeux. La ligature du pédicule vasculaire doit être lente et soigneuse à travers le tissu graisseux, sans inclure les uretères ni les anses intestinales. Le ligament ovarien est lâche et ne pose pas de problème particulier. Les ovaires et les cornes utérines sont ensuite réclinés en dehors de l’abdomen. L’utérus est clampé et sectionné en dessous de la jonction des deux cornes utérines après avoir été ligaturé à l’aide de fil tressé résorbable de décimale 2 ou 3, en prenant garde à ne pas léser la vessie au moment de la ligature et de l’incision de l’utérus. L’implant de desloréline est cependant aujourd’hui préféré.

Emmanuel Risi Praticien à FauneVet, CHV Atlantia de Nantes (Loire-Atlantique). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac 2017 à Nantes.

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