Les médecines complémentaires ont-elles leur place en élevage hors-sol ? - La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018

FORUM

@... VOUS !

Auteur(s) : TANIT HALFON 

CES PRATIQUES S’INSCRIVENT DANS UNE DÉMARCHE GLOBALE

Cela fait plus de 20 ans que j’utilise la phyto-aromathérapie et les bactéries digestives en élevage hors-sol. J’ai ainsi réduit considérablement l’exposition des animaux aux antibiotiques. Par exemple, je peux prescrire des extraits de plantes pour les coccidioses déclarées chez le lapin, ou au moment du sevrage à titre préventif. Ces pratiques s’inscrivent dans une démarche globale, ou Alterbiotique®, comme nous l’avons défini dans le réseau de vétérinaires auquel j’appartiens. Elle permet quelquefois de ne rien prescrire du tout, si ce n’est de modifier certains paramètres environnementaux. Cependant, l’usage des médecines complémentaires se heurte actuellement aux contraintes réglementaires, et au manque de médicaments à base de plantes pour les productions animales. On ne peut pas préparer et prescrire des préparations à base de plantes dans un but dit thérapeutique, car il faudrait pouvoir définir des limites maximales résiduelles pour chaque composant, sachant qu’une plante peut en contenir plusieurs dizaines ! Nous incorporons donc des extraits de plantes en tant qu’additifs dans des aliments dits complémentaires, administrés généralement via l’eau de boisson. Dans un contexte de plan ÉcoAntibio, on nage vraiment en plein paradoxe !

Thierry MAUVISSEAU

UN CONTEXTE FAVORABLE À LEUR USAGE

Je suis sensible au sujet depuis longtemps. Mais aujourd’hui, le contexte global de réduction des antibiotiques fait que j’utilise davantage la phyto-aromathérapie et l’homéopathie dans ma pratique quotidienne. De plus, en volailles label et bio, c’est quasiment devenu une obligation. D’ailleurs, l’absence de traitement allopathique fait désormais partie des critères de différenciation entre les différentes organisations de producteurs, permettant une valorisation du produit à la vente. J’emploie ces produits en curatif, en préventif, mais aussi en association avec un traitement allopathique en phase de convalescence. En volaille de chair, face à des signes cliniques peu spécifiques, je ne prescris pas d’antibiotiques en première intention, mais des produits à base de mélanges de teintures mère et d’aromathérapie. Dans ces cas, je recommande toujours à l’éleveur de réaliser un état des lieux des conditions d’élevage, notamment pour vérifier l’ambiance et la qualité de l’eau. Je préconise aussi ces produits pour le passage de certaines périodes critiques, spécifiques à chaque élevage, en complément avec des vitamines. Enfin, lorsqu’un antibiotique reste indispensable, par exemple lors d’entérites nécrotiques, je lui associe un traitement complémentaire pour aider la récupération des animaux.

Aurélie LELIÈVRE

ADOPTER UNE DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE RESTE ESSENTIEL

Le plan ÉcoAntibio m’a amené à faire évoluer plus vite mes pratiques. Depuis environ deux ans, je prescris régulièrement des traitements à base de plantes et d’huiles essentielles. Aujourd’hui, j’utilise la phytothérapie et l’aromathérapie en curatif, dans un objectif de réduction des symptômes de certaines pathologies bénignes, par exemple digestives ou respiratoires. Je reste toutefois prudent dans leur usage. On ne connaît ni leur mode d’action ni leur mode de diffusion et les résidus possibles dans les denrées alimentaires. Se pose aussi la question de la qualité des produits proposés sur le marché. De plus, trop souvent, ces produits sont présentés comme miraculeux. Étant accessibles librement à la vente, ils conduisent parfois à une automédication. Une situation potentiellement problématique dans des filières où le moindre retard de traitement peut avoir des répercussions économiques majeures. Adopter une démarche diagnostique reste donc essentiel avant de prescrire ces produits. Malgré tout, je ne suis pas convaincu par un usage trop systématique en préventif. Le plus efficace reste pour moi le respect des normes zootechniques, l’amélioration de la qualité et de l’ambiance des bâtiments d’élevage et la biosécurité.

Jacques LANNOU
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr