Les laboratoires de recherche incités à offrir une retraite à leurs animaux - La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018

PROTECTION ANIMALE

ACTU

Auteur(s) : VALENTINE CHAMARD 

Pour éviter l’euthanasie aux animaux de laboratoire en fin de protocole et qui sont en bonne santé, l’association Graal facilite la mise en relation entre les structures de recherche et d’accueil. Elle vient de publier des guides, relayés auprès des professionnels concernés par le ministère de l’Agriculture, pour accompagner cette démarche.

Le groupement de réflexion et d’action pour l’animal (Graal) œuvre depuis 2005 pour offrir une deuxième vie, dans la société civile, aux animaux de laboratoire en fin de protocole et dont l’état de santé permet leur transfert hors des structures de recherche. L’association s’inscrit comme facilitateur, en apportant des solutions concrètes de placement aux laboratoires de recherche volontaires et faisant le lien avec des structures d’accueil avec qui elle a noué un partenariat. Elle vient de publier trois guides. L’un, destiné aux professionnels (salariés de laboratoires de recherche, établissements de formation ayant recours aux animaux à des fins scientifiques, inspecteur des DDPP en charge des contrôles sanitaires et vétérinaires, parcs animaliers, associations de protection animale partenaires, etc.) et relayé par le ministère de l’Agriculture, détaille la marche à suivre pour qu’ils puissent organiser la retraite de leurs animaux. Les deux autres s’adressent aux adoptants de chiens et de chats retraités les accompagnent pour une transition réussie dans leur foyer. Ils sont disponibles sur demande en format papier et téléchargeables sur le site du Graal1. Amélie Romain, chercheuse-éthologue et responsable de la réhabilitation au sein de l’association, explique la démarche de l’organisme.

Les demandes de placement des animaux réformés se font-elles sur la base du volontariat ?

Amélie Romain : Oui. En France, le placement des animaux est autorisé par la loi, mais n’est pas obligatoire. Il n’y a pas de saisies : ce sont les laboratoires qui effectuent les démarches de réhabilitation (ou “mises à la retraite”) de façon volontaire et ils participent toujours aux coûts. Toutes les sorties d’animaux se font donc en toute transparence et en toute légalité. Il s’agit d’un partenariat ; sur la base d’un contrat de cession mis en place avec l’unité de recherche, le Graal accompagne le laboratoire dans les démarches administratives et sanitaires nécessaires à tout placement d’animaux. Réhabiliter les animaux, c’est-à-dire leur offrir une “retraite”, s’inscrit dans la continuité des “3R”, et devient ainsi le quatrième “R” à mettre en œuvre dans les laboratoires.

Quel est l’objectif des guides qui viennent d’être publiés par le Graal ?

A. R. : Au fil des années, de plus en plus de chercheurs se sont intéressés au devenir de leurs animaux en fin de protocole, sans pour autant savoir concrètement comment organiser la retraite de ceux-ci, de façon légale, mais en conservant leur anonymat. Le guide qui leur est dédié est un outil unique en France, visant à accompagner chaque établissement utilisateur dans les démarches de mise à la retraite. Ce document d’une cinquantaine de pages contient toutes les informations utiles et recommandations basées sur l’expérience du Graal et de ses partenaires, afin de faciliter sa mise en œuvre et d’offrir une transition des animaux vers leur nouvelle vie en toute simplicité. Il s’agit également d’informer les laboratoires des espèces pouvant être concernées, afin d’offrir une retraite aux animaux en bonne santé dans des conditions post-laboratoires adaptées à leurs besoins.

Quelles sont les capacités d’accueil des animaux retraités ?

A. R. : Actuellement, le Graal prend en charge en moyenne 400 animaux par an, dont 200 chiens et chats (en 2005, année de lancement du programme, une petite dizaine d’animaux étaient accueillis chaque année). Le Graal a ainsi augmenté ses capacités d’accueil et peut faire face à un accroissement de la demande de placement. Pour ces animaux, l’association a développé de nombreux partenariats avec des refuges partout en France, des guides spécifiques pour accompagner les adoptants, et peut aujourd’hui assurer une prise en charge de ces animaux simple et rapide. En parallèle, pour offrir une possibilité de retraite au plus grand nombre d’animaux possible, le Graal a aussi développé des partenariats avec des lieux d’accueil spécialisés pour les animaux de ferme (cochons, chèvres, moutons, canards), les petits animaux (oiseaux, rongeurs, lapins, furets), mais également les primates (volière dédiée à leur accueil actuellement en construction, avec une ouverture prévue en 2019). En vue d’assurer une prise en charge dans les meilleures conditions (choix du lieu d’accueil, organisation logistique, etc.), les demandes doivent être effectuées par les établissements, si possible à chaque début de trimestre.

Les particuliers peuvent-ils manifester leur souhait d’adopter un tel animal ?

A. R. : Les placements sont ponctuels, en fonction des demandes des laboratoires : nous ne pouvons pas prédire le nombre d’animaux concernés et les dates de sortie. Nous disposons de refuges partenaires partout en France, mais chacun d’entre eux accueille des animaux réhabilités seulement lorsqu’ils le peuvent. Chaque réhabilitation est annoncée sur notre page Facebook2, sur notre site internet, ainsi que dans notre newsletter mensuelle. Par exemple, au mois de juin, 50 chiens et 10 chats seront disponibles à l’adoption. Nous évitons au maximum les placements en juillet et en août afin de ne pas surcharger les refuges durant la période estivale. Lorsqu’il y a des animaux disponibles à l’adoption dans un refuge, il faut ensuite directement prendre contact avec les refuges. Les animaux venant du Graal sont présentés parmi les autres animaux accueillis par le refuge. L’équipe du refuge informe les adoptants de leur historique et leur remet les guides destinés aux adoptants de chien ou chat issu de laboratoire. Le déroulement de l’adoption est géré intégralement par nos refuges partenaires, selon leurs pratiques habituelles (montant des frais d’adoption, visites pré- et post-adoption, choix des adoptants, etc.).

Quel est le profil des animaux proposés à l’adoption ?

A. R. : Les chiens issus de laboratoire sont majoritairement des beagles, parfois des goldens (environ 5 % des chiens). Nous réhabilitons aussi bien des jeunes chiens (environ 6 à 8 mois) que des adultes (jusqu’à 10 ans), mâles et femelles. Néanmoins, en moyenne, les animaux réhabilités ont entre 2 et 5 ans. Tous les animaux sont en bonne santé et il n’y a pas de frais vétérinaires particuliers à prévoir. Les animaux sont identifiés, stérilisés, et à jour de leurs vaccinations. La prise en charge d’un chien ou d’un chat réhabilité implique beaucoup de temps et d’attention, car ces animaux ont vécu en chenil et ne connaissent pas la vie en maison ou en appartement. Un temps d’adaptation est donc à prévoir. Ils peuvent se montrer craintifs, parfois avec les gens, mais surtout dans leur nouvel environnement (bruits de voitures, promenades en laisse, cyclistes, appareils ménagers, etc.). Ces animaux, même s’ils sont adultes, sont encore comme des chiots/chatons dans leurs têtes, et une phase d’apprentissage de “la vie de famille” est nécessaire. Tous les chiens sont habitués à vivre avec leurs congénères et sont sociables avec eux. La présence d’un autre chien au foyer leur permet également d’avoir un repère et d’apprendre plus vite les nouvelles règles de vie à la maison.

Comment se passe la transition entre la “vie de laboratoire” et la “vie de famille” ?

A. R. : Le bien-être des animaux est au cœur de l’action, et tous les animaux réhabilités répondent aux critères suivants : être en bonne santé, ne pas être porteur de maladie transmissible aux hommes ou à leurs congénères, ne pas présenter de risque pour l’environnement, être socialisé et avoir un comportement compatible avec un placement. Ce sont ainsi les laboratoires qui doivent assurer un programme de socialisation des animaux dont ils ont la charge. Ces programmes sont déterminants pour la sélection des animaux à placer. Cette sélection doit être basée sur l’évaluation d’une personne compétente, formée à l’évaluation comportementale (éthologue, vétérinaire, membre de la structure interne de suivi du bien-être des animaux, etc.). Ces évaluations doivent être discutées avec le vétérinaire référent, afin d’analyser la santé physique et psychologique des individus. La socialisation adéquate des animaux concernés est un facteur clé dans le succès d’un placement. Une socialisation préparée en amont facilite l’intégration de l’animal dans son nouvel environnement et diminue le stress induit par le transfert, que ce soit dans sa famille d’adoption (animaux de compagnie) ou dans son nouveau groupe social (faune sauvage). Le Graal travaille en partenariat avec des éthologues, professionnels du comportement animal (notamment le réseau Ethosph’R et Akongo), qui accompagnent les laboratoires dans la mise en place de programmes de socialisation, la préparation de la réhabilitation et qui effectuent aussi le suivi des animaux après leur sortie pour évaluer leur adaptation à leur nouvel environnement.

Les vétérinaires praticiens peuvent-ils soutenir votre action ?

A. R. : La plupart des chiens et chats retraités des laboratoires ont été utilisés dans des études de médicaments vétérinaires, mais le grand public en a encore peu connaissance. Ainsi, les vétérinaires praticiens peuvent soutenir notre action en informant les personnes de ces études et en parlant du Graal. Nous pouvons également fournir des documents à diffuser, à afficher (flyers, posters, guides à destination des adoptants) pour les vétérinaires qui seraient intéressés. Tant que la science ne sera pas en mesure de se passer entièrement d’animaux, que ce soit pour la recherche ou la production médicale, la question du sort des animaux impliqués continuera de se poser. L’association se préoccupe du devenir des animaux qui servent quotidiennement la science. Accueillir un animal issu d’un laboratoire, ce n’est pas encourager l’expérimentation animale : c’est une démarche à la fois éthique, responsable et citoyenne qui consiste à offrir un foyer à ces animaux qui ont déjà tant donné à l’homme et à leurs congénères.

1 graal-defenseanimale.org.

2 facebook.com/AssoGRAAL.

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