De nouvelles perspectives de traitements antiparasitaires chez les ruminants - La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1768 du 14/06/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Dans les années 1970-1980 plusieurs familles d’antiparasitaires majeures, permettant une lutte efficace contre les différents parasites, ont été commercialisées. Cependant, des résistances sont peu à peu apparues et on a pu constater des répercussions environnementales non négligeables. Les études toxicologiques montrant les effets sur les organismes non cibles (insectes et plantes) ont conforté cela. Et, l’élevage a évolué en parallèle (croissance des niveaux de production, amélioration des conditions zootechniques), l’impact du parasitisme n’est dès lors plus le même. Par conséquent, bien que l’usage des antiparasitaires reste encore important en Europe chez les ruminants1, il a fallu envisager des évolutions des pratiques et des traitements. Lors de la conférence « Actualités thérapeutiques : consensus et nouveaux enjeux », l’auteur a cherché à savoir quelles sont les nouvelles solutions thérapeutiques, relevées dans la littérature ou dans les autorisations de mise sur le marché (AMM), dont les vétérinaires disposent actuellement pour faire face à ces problématiques ?

Peu de nouveautés

Peu de nouveautés relevées ces dernières années… Seules trois nouvelles molécules contre les strongyloses peuvent être citées. Ainsi, concernant la lutte contre les coccidioses, il n’y a que deux molécules, appartenant à des familles déjà connues, a avoir déjà fait l’objet de publications scientifiques : le trifluoropyrido(1,2a)pyrimidin-2-one, apparenté à l’halofuginone, et le nitromézuril, une triazinone. D’autres types de traitements alternatifs, tels que le recours à certains extraits végétaux (betterave, armoise) ou à des vaccins anticoccidiens, à l’instar du Paracox® des volailles, sont aussi envisagés.

Pour les arthropodes des ruminants la situation est similaire. Ils ont été traités jusqu’à présent principalement par les pyréthrinoïdes. Et bien qu’une nouvelle famille de molécules, les isoxazolines, soit actuellement à disposition des praticiens pour les animaux de compagnie ou en production avicole (fluralaner [Exzolt®]), chez les bovins seuls des tests, en application topique, ont été réalisés avec succès pour le moment. Cela ouvre donc la voie à des perspectives nouvelles pour le traitement des ruminants, avec la possible future commercialisation d’une isoxazoline à destination des ruminants pour suppléer à la deltaméthrine, parfois déficiente. Cependant, attention aux conséquences environnementales ! Le furalaner est déjà qualifié de très persistant dans le milieu extérieur et ne dispose pas à ce jour de limite maximale de résidus (LMR) lait.

Dans la lutte contre les trématodes, des essais avec des extraits de plante pourraient peut-être permettre d’identifier de nouveaux principes actifs. Et la recherche s’oriente aussi vers le développement de vaccins, car des études montrent que certains antigènes de Fasciola hepatica semblent être de bons candidats pour réduire le nombre de parasites, ainsi que la ponte. Les petites douves restent cependant les parents pauvres dans cette famille.

Une exception pour les strongyloses

Les moins mal lotis des parasites sont les strongles notamment, avec trois molécules de différentes familles. Mais parmi celles-ci, une seule, le monépantel (amino-acétonitrile), active contre les nématodes gastro-intestinaux adultes et du quatrième stade larvaire, est commercialisée en France avec une AMM pour les ovins. Une LMR lait a été définie, mais le produit n’est pas encore autorisé en production laitière. Cependant, des résistances ont déjà été décrites en Europe. D’où l’importance de se conformer aux recommandations AMM d’utilisation en alternance avec d’autres molécules, et maximum deux fois par an. Étant donné que cette molécule a pour l’instant été peu employée en France et que les strongles y sont donc “encore” sensibles, une utilisation intéressante pourrait être faite, par exemple, lors de l’introduction d’animaux dont on ne connaît pas le statut des strongles hébergés. Dans un tel cas, cela permettrait d’éviter d’introduire des strongles résistants aux autres familles. Dans le même temps, pour les animaux de compagnie, l’émodepside, de la famille des cyclooctadepsipeptides, est commercialisé depuis 2005 en association avec le praziquantel.

Cependant, vu son coût de production élevé, aucune présentation pour les animaux de rente n’a encore vu le jour, alors que son efficacité a été démontrée dans ces espèces.

Enfin, le derquantel, de la famille des spiroindoles, n’est pas encore présent sur le marché français. Il est commercialisé sous le nom de Startec® dans plusieurs pays européens, en association avec l’abamectine, car l’efficacité contre Teladorsagia et les larves L4 d’Haemonchus est insuffisante. Or ces parasites sont trouvés régulièrement résistants aux différents anthelminthiques, dont les endectocides.

Une nouvelle galénique dans les traitements contre les strongles est enfin à signaler. On sait qu’en production laitière, l’éprinomectine est actuellement largement prédominante, et ce d’autant plus depuis l’attribution d’un délai d’attente non nul pour le lait aux benzimidazoles. Les formulations pour on, qui étaient les seules disponibles jusqu’en 2015, ont été complétées à cette date par la commercialisation de l’Eprécis® injectable. La vermifugation des bovins laitiers peut donc maintenant s’appréhender différemment. Elle est intéressante en pour on lorsque l’on traite des lots d’animaux. En effet, une partie du produit est absorbée par voie transcutanée et le léchage entre animaux participe aussi à une part importante de cette absorption. À l’inverse, le traitement d’un seul animal dans un lot amène souvent à un sous-dosage chez l’animal traité, mais aussi à la présence de résidus chez d’autres. L’utilisation d’un injectable permet donc de répondre efficacement à cette problématique.

Une dernière perspective de traitement, à destination de différents trématodes, cestodes et nématodes se dessine enfin à travers plusieurs publications récentes en médecine humaine.

Ainsi, la tribendimidine, molécule découverte en Chine dans les années 1970, a pour le moment seulement fait l’objet d’une unique publication datant de 1979 concernant des nématodes des chiens, mais le regain d’intérêt en humaine pourrait peut être donner des idées en production animale ?

De nouvelles stratégies

Jacques Devos a enfin évoqué, dans la conférence, les nouvelles stratégies à poursuivre à l’avenir.

« Il faut trouver la meilleure stratégie pour traiter aussi souvent que nécessaire mais aussi peu que possible », a-t-il indiqué. En effet, les stratégies qui consistent à miser uniquement sur l’immunité acquise des animaux sans jamais les traiter, ou à l’inverse à utiliser à outrance des antiparasitaires, ont montré leurs limites.

Parmi les nouveaux protocoles envisageables, le traitement sélectif peut tout d’abord être évoqué. Sur le modèle des stratégies proposées en élevages caprins, des études sont menées actuellement chez les bovins, afin de déterminer les critères permettant de cibler les troupeaux nécessitant un traitement et, au sein de ces derniers, les animaux à traiter. Les critères de référence proposés sont la part d’herbe dans la ration, le temps de contact effectif (TCE) et le ratio de densité optique (Elisa) d’Ostertagia.

Le traitement après la mise à l’herbe, autrefois proposé pour excréter le pic parasitaire de printemps, est remis en cause actuellement.

Ainsi, une étude récente a montré qu’un traitement au fenbendazole pouvait réduire la production laitière. Ce phénomène n’a pu être expliqué pour le moment et l’expérience mériterait d’être réitérée avec d’autres familles anthelminthiques. Cette conclusion n’est valable que pour les strongyloses digestives. Lors de dictyocaulose, même subclinique, le traitement reste indiqué.

Enfin, un traitement au tarissement permet d’avoir recours à un plus grand nombre de molécules, puisque l’on s’affranchit dès lors du délai d’attente lait. Une étude récente, qui mériterait d’être répétée avec d’autres molécules et voie d’administration, a permis de montrer un effet intéressant, dépendant de la zone géographique, d’un usage de la moxidectine pour on à cette période.

Face aux nouveaux enjeux de demain : situations de polyrésistances des parasites ou d’environnement dégradé par les résidus médicamenteux, il conviendra donc de rester à l’écoute des nouveaux résultats des études à notre disposition concernant de nouveaux outils (médicaments, vaccins ou autres techniques) de lutte contre les parasites.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1766, page 37.

Jacques Devos, Commission parasitologie de la SNGTV. Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées nationales des GTV à Nantes (Loire-Atlantique), le 16 mai.

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