L’OIE fait l’état des lieux de la situation zoosanitaire - La Semaine Vétérinaire n° 1767 du 08/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1767 du 08/06/2018

MONDE

ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Lors de la 86 e assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), la situation mondiale de maladies terrestres et aquatiques prioritaires, dont certaines zoonotiques, a été décrite et les tendances d’évolution au cours de la dernière année ont été analysées.

L’une des missions clés de l’OIE est de garantir la transparence de la situation des maladies animales dans le monde. Sous le signe d’“Une seule santé” mondiale, les pays membres ont pour cela l’obligation de soumettre, sur la plateforme publique, Wahis (pour World Animal Health Information System), les informations sur la situation relative aux maladies animales prioritaires1 observées sur leurs territoires. Les pays non-membres, quant à eux, sont aussi fortement incités à rapporter leurs données de surveillance à l’organisation.

Vers une éradication ?

L’Assemblée générale, qui s’est déroulée du 20 au 25 mai, a ainsi été l’occasion de dresser le bilan des stratégies mondiales de contrôle et d’éradication des maladies prioritaires pour la période du 1er janvier 2017 au 6 mai 2018.

La fièvre aphteuse, présente, sous forme de cinq sérotypes différents, dans 34 % des 184 pays et territoires déclarants a ainsi été évoquée comme étant l’une des trois maladies qui a fait l’objet des notifications les plus fréquentes au cours de cette période. Par ailleurs, la peste des petits ruminants (PPR), soumise depuis 2015 à une stratégie mondiale de contrôle et d’éradication validée par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), est actuellement en recrudescence, avec une propagation hors des zones de présence traditionnelle constatée, notamment en Asie noire et en Europe de l’Est. Seulement 54 pays sont considérés comme étant officiellement indemnes actuellement. La stratégie ne semble donc pas, pour le moment, avoir apporté d’amélioration significative au nombre de foyers de PPR. Est-ce lié à une diminution du recours aux protocoles de vaccination officiels en faveur de vaccins réalisés à la suite de l’apparition de foyers ? En tout cas, l’organisation a demandé aux pays membres le respect d’un engagement plus ferme dans la mise en place de mesures officielles de prévention et de contrôle, selon les critères définis par la stratégie mondiale.

Un état des lieux de la tuberculose bovine, zoonose causée par Mycobacterium bovis, a aussi été établi à cette occasion. Traditionnellement reconnue comme étant un problème de santé publique à l’origine de pertes économiques pour les propriétaires de bétail, cette pathologie reste fréquente chez les animaux domestiques et la faune sauvage (rôle de réservoir) dans certaines régions d’Afrique, d’Asie et du Pacifique, des Amériques et d’Europe, où elle est considérée comme endémique. Ainsi, en 2017 et au début de l’année 2018, 43 % des pays et territoires déclaraient la présence de foyers sur leur territoire.

Afin d’appuyer l’effort mondial nécessaire à l’éradication de l’épidémie de tuberculose mondiale (chez les humains) d’ici 2030, une feuille de route pour la tuberculose zoonotique a été publiée en 2017 par l’OIE et ses partenaires, avec la mise en place de programmes officiels de contrôle et de déclaration des abattages.

Concernant les carnivores domestiques, une maladie zoonotique majeure a été mise en avant : la rage, et plus particulièrement la rage humaine transmise par les chiens. Cette dernière coûte la vie à des milliers d’individus chaque année, principalement en Afrique et en Asie, alors même que la maladie est évitable. Entre 2017 et début mai 2018, la présence de la maladie a été signalée dans 57 % des 183 pays et territoires qui avaient communiqué des informations à l’OIE. Suivant le modèle des États-Unis, d’une partie de l’Amérique latine, de l’Europe occidentale, du Japon et du Taipei chinois, où elle a été éradiquée avec succès, elle fait l’objet depuis 2017 d’un plan d’action mondial pour son élimination sous l’égide de l’initiative “Tous unis contre la rage”. La vaccination massive des chiens, approche la plus rentable et la plus efficace, a ainsi été mise en avant.

De nouvelles propagations

Une autre maladie responsable d’une épizootie mondiale majeure a été évoquée. Il s’agit de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), qui progresse de nouveau en 2017-2018 et atteint un chiffre record depuis 2006, avec 40 % de pays affectés.

Face à ce constat alarmant, les membres de l’organisation se sont interrogés sur la réactivité des pays lors des deux grands vagues zoonotiques mondiales (2005-2012 et 2013-2018) et sur les facteurs qui auraient pu l’impacter. Ils ont ainsi pu mettre en évidence une corrélation négative entre le taux de mortalité apparent et la faible réactivité des pays : plus la réactivité d’un pays est importante, moins le taux est bas. Et cette dernière a été meilleure lors du second épisode dans les exploitations familiales de volailles de basse-cour. Dans ces circonstances, l’OIE a insisté sur le fait que les pays membres devaient poursuivre leurs actions de prévention et de suivi de la maladie, moyen le plus efficace pour prévenir la survenue potentielle de panzooties.

La situation mondiale de la peste porcine africaine (PPA) est aussi préoccupante en raison de l’épizootie actuelle qui engendre des pertes considérables et impose des barrières sanitaires lors des échanges commerciaux. Pendant l’année écoulée, 34 pays ont été affectés et la tendance est à la hausse. Le changement de répartition de ces dernières années a conduit l’organisation à tenter d’évaluer plus précisément les risques de propagation dans les pays indemnes, qui constituent la principale cible de risque. En évaluant leur pratique d’importation d’animaux et leur proximité géographique avec un foyer infecté, 75 % des pays ont montré un niveau de risque faible pour l’entrée de la maladie, et 25 % négligeable. Puisqu’il n’existe aucun vaccin, la mise en place de mesures de biosécurité semble être la priorité.

Concernant la dermatose nodulaire contagieuse, maladie dévastatrice affectant le bétail, elle s’est largement propagée ces dernières années dans des pays auparavant préservés. L’Europe s’ajoute ainsi aux pays traditionnellement affectés d’Afrique et du Moyen-Orient. Les chiffres sont révélateurs de la gravité de la situation : de 14 % de pays infectés en 2005, on est passé à 26 % en 2017. Le virus, qui s’est déplacé de plus de 3 000 km vers le nord au cours des 10 dernières années, profite du changement climatique en sa faveur. Cependant les stratégies de prévention et de contrôle dans les zones nouvellement touchées se sont avérées efficaces puisque aucun nouveau pays n’a signalé de première apparition de la maladie en 2017-2018. On dénombre ainsi, pour cette période, 47 pays infectés (27 %). Néanmoins, l’OIE encourage ses membres situés dans des zones à risques à initier des campagnes de vaccination en amont de l’entrée du virus sur leur territoire et à continuer de signaler tous les foyers via Wahis dans un délai convenable.

Enfin, le virus du tilapia lacustre, maladie émergente affectant les animaux aquatiques, a aussi provoqué d’importants taux de mortalité ces dernières années à travers le monde (jusqu’à 70 % chez les animaux d’élevage et la population sauvage). Au cours de la période étudiée, six pays ont signalé de nouveaux foyers pour cette maladie. La production mondiale de tilapias, actuellement en pleine croissance (60 % de la production aquacole mondiale prévue en 2025) est donc véritablement menacée.

Vers une meilleure prévention ?

À l’avenir, de nouvelles connaissances et de meilleurs résultats devraient être obtenus grâce à la plateforme Wahis +, qui doit voir le jour en 2019. En effet, le recueil plus précoce et l’analyse des informations devraient être progressivement simplifiés.

1 bit.ly/2JkSzyK.

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