Augmenter le capital social : entre intérêt et nécessité - La Semaine Vétérinaire n° 1767 du 08/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1767 du 08/06/2018

FISCALITÉ

ÉCO GESTION

Auteur(s) : JACQUES NADEL  

Diverses (bonnes) raisons peuvent conduire les associés à augmenter le capital social, dans leur propre intérêt ou celui de leur société. Tour d’horizon.

Il peut s’agir, par exemple, d’une simple volonté de consolider leurs fonds propres, mais cela peut être également une occasion d’intégrer un nouvel associé. Dans ce cas, l’augmentation de capital social permet de faire rentrer de nouveaux apports sans avoir à céder ses titres.

À l’inverse, intégrer un associé en cédant une partie de ses parts sociales ou actions de société signifie que les associés en place perdent une part de leur participation dans le capital social, donc de leurs droits de vote et de leurs dividendes.

La création de nouvelles parts ou actions, dont une partie est acquise par le nouvel associé et l’autre par le ou les dirigeant(s) et associé(s) fondateur(s), augmente de fait ses (leurs) droits dans les bénéfices et ses (leurs) droits de vote. C’est la société qui perçoit les nouveaux apports en numéraire ou en nature venant accroître ses capitaux propres.

En société d’exercice libéral (SEL), il est possible de faire entrer des associés totalement extérieurs à la profession quand cette quote-part est limitée à 25 % (et jusqu’à 49,99 % pour des sociétés commerciales de droit commun). Mais attention ! Faire entrer un associé en cas de besoin urgent de fonds n’est pas forcément une bonne raison. Les vétérinaires associés peuvent avoir des attentes ou des objectifs de croissance pour la société différents de ceux de leur investisseur (des objectifs à moyen terme pour les professionnels libéraux et à court terme pour l’investisseur), risquant de créer entre associés des tensions préjudiciables pour la pérennité de la société.

Capital augmenté, dividendes moins taxés

Depuis le 1er janvier 2009, la loi de financement de la Sécurité sociale requalifie la partie des dividendes versés excédant 10 % de la valeur de l’actif investi par le dirigeant dans sa société en tant que revenus d’activité. Cet actif est constitué du capital social, des primes d’émission (s’il y en a) et des sommes versées en compte courant.

Exemple : imaginons un vétérinaire ayant investi 150 k€ dans une SEL qui se verse une rémunération de 30 k€ par an et, dans un objectif d’optimisation sociale, 30 k€ supplémentaires sous forme de dividendes. Les revenus soumis à cotisations sociales seront les suivants :

- capital de la SEL : 100 k€ ;

- compte courant : 50 k€ ;

soit un actif investi par le vétérinaire de 150 k€ ;

- rémunération : 30 k€ ;

- dividendes versés : 30 k€ ;

soit des revenus totaux de 60 k€ ;

- dividendes exclus de l’assiette des cotisations sociales : 150 k€ x 10 % = 15 k€ ;

- revenus soumis à cotisations sociales : 60 - 15 = 45 k€.

Augmentation du capital par incorporation de réserves

L’augmentation de capital est donc un moyen de limiter l’impact du plafonnement, en augmentant la base de calcul de ce plafond.

Dans la majorité des cas, la société soumise à l’impôt sur les sociétés a dû s’endetter pour acheter le fonds qu’elle exploite. Une grande partie du résultat de l’exercice sert à rembourser le capital de l’emprunt souscrit. Les capitaux propres de la société augmentent chaque année par la mise en réserve de cette partie du résultat non distribué. Cependant, la loi n’intègre pas ses réserves dans le calcul du plafond des 10 %. Les associés peuvent alors décider en assemblée générale extraordinaire d’effectuer une augmentation de capital par incorporation des réserves. Cette capitalisation ne constitue pas une distribution de revenus et ne génère aucune imposition. En revanche, le remboursement ultérieur de ses sommes sera considéré comme une distribution ou un boni de liquidation lors de la dissolution de la société.

Dans l’intérêt de la société

Si les bonnes raisons ne manquent pas, l’augmentation du capital social est toujours réalisée dans l’intérêt de la société afin d’accroître ou de consolider ses capitaux propres pour pérenniser son activité.

L’augmentation du capital par apports en numéraire procure de nouveaux moyens financiers pour poursuivre le développement de la société et financer de nouveaux projets d’investissements. L’augmentation du capital par apports en nature (biens, matériels, véhicules ou immeubles) procure à la société de nouveaux biens qu’elle n’aura pas à financer.

En cas de recours à un nouvel emprunt bancaire, il conviendra aussi, afin d’obtenir les faveurs de la banque, de mobiliser un apport. Sauf que la trésorerie de l’entreprise ne le permet pas toujours. Il sera alors impératif d’accroître les fonds propres. L’augmentation du capital social augmente la solvabilité de la société, donc sa capacité à rembourser ses dettes, notamment ses emprunts bancaires. Par cet apport, l’entreprise pourra emprunter plus facilement ou obtenir des taux de crédit plus bas. Elle augmente les garanties de remboursement de ses créanciers (banque, fournisseurs, etc.) en cas de difficultés financières passagères.

Mais, parfois, l’augmentation du capital est réalisée sous la contrainte… Quand, à la lecture du dernier bilan, l’expert-comptable alerte son client d’une chute des capitaux propres (montant figurant en haut du passif du bilan), lesquels sont devenus inférieurs à la moitié du montant du capital social, ce qui oblige les associés à les reconstituer dans un délai de deux ans pour éviter la dissolution de leur société, conformément aux dispositions de l’article L.223-42 du Code de commerce.

Exemple (tableau ci-contre) : à la clôture des comptes au 31 décembre 2016, la société a perdu plus de la moitié de son capital dès la première année d’existence. Les capitaux propres ont chuté à 10 000 € (du fait d’un résultat déficitaire de 40 000 €) et le capital social s’élève à 50 000 €. Les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital (25 000 €). La société dispose de deux ans pour reconstituer ses capitaux propres.

Un an plus tard, au 31 décembre 2017, la société fait encore des pertes (- 20 000 €). Les pertes cumulées sont de 60 000 € et les capitaux propres sont même négatifs (- 10 000 €). Il lui reste un an pour régulariser sa situation.

En 2018, elle augmente le capital de 70 000 €. Les capitaux propres, d’ailleurs confortés par des résultats bénéficiaires (+ 10 000 €), sont désormais au moins égaux à la moitié du nouveau capital social (60 000 €). La société n’a jamais été en infraction pendant ces deux ans.

AUGMENTER LE CAPITAL : TROIS POSSIBILITÉS (CUMULABLES)

1 - Par un apport en numéraire ou l’incorporation de primes d’émission ou de fusion (en cas de regroupement).
2 - Par incorporation de réserves et/ou de bénéfices nécessairement issus d’un exercice arrêté.
3 - Par compensation de créances, liquides et exigibles, sauf indication contraire dans les statuts. Les dettes (comptes courants d’associés) sont alors converties en droits dans le capital social.
Ces opérations s’accompagnent de différentes formalités : nomination d’un commissaire aux comptes pour des apports en nature, tenue d’une assemblée générale extraordinaire (AGE), enregistrement du procès-verbal d’assemblée générale auprès des services fiscaux, publication d’une annonce légale dans un journal habilité – sauf pour la société d'exercice libéral (SEL) qui en est dispensée –, dépôt du dossier au Centre de formalités des entreprises…

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