Macaques clonés : quel intérêt pour la recherche européenne ? - La Semaine Vétérinaire n° 1766 du 01/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1766 du 01/06/2018

ONE HEALTH

ACTU

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD  

Vice-présidente de la Société internationale de technologie de l’embryon, Pascale Chavatte-Palmer s’exprime sur les derniers progrès accomplis en matière de clonage, mais aussi sur les limites éthiques liées à cette technique.

Dernièrement, des chercheurs chinois ont attiré l’attention internationale par leur annonce du premier clonage réussi sur des macaques. « Forcément, je suis impressionnée par leur performance, ils ont levé un verrou scientifique important, commente Pascale Chavatte-Palmer, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Jouy-en-Josas (Yvelines) et vice-présidente de la Société internationale de technologie de l’embryon1. Car, jusqu’à présent, sur les primates, le clonage ne marchait pas. Ils ont donc trouvé une nouvelle solution pour permettre un développement jusqu’à terme. » Mais la chercheuse pointe aussi du doigt que « le clonage reste une technique qui, certes, fonctionne, mais en étant associée à de nombreuses pertes fœtales et néonatales. Dans l’article original de l’équipe chinoise, on lit que, via l’utilisation de cellules fœtales, 79 embryons ont été transférés dans 21 receveuses, 6 gestations ont été obtenues et seulement deux sont allées à terme avec deux naissances viables. En utilisant des cellules du cumulus, 181 embryons on t été transférés dans 42 receveuses, 22 gestations ont été obtenues, seulement deux animaux sont nés et ils n’ont pas survécu. » Et la chercheuse de pousser plus loin le raisonnement : « Or, comme ils ont démontré que cela peut fonctionner chez un primate, leur outil pourrait éventuellement être utilisé pour passer à du clonage humain. Mais qui pourrait tolérer des pertes similaires chez des femmes ? Est-ce que la boîte de Pandore est ouverte ? »

Que sait-on de la santé des clones ?

Par la suite, que sait-on concernant la santé des clones adultes ? « On peut lire beaucoup de contrevérités à ce sujet ! Comme ce qui est décrit chez le primate, les pertes embryonnaires, fœtales et néonatales sont importantes dans toutes les espèces et certains de ces animaux peuvent nécessiter des soins conséquents au début de leur vie. Au niveau de la Société internationale de technologie de l’embryon, sur la base de notre expérience collective j’ai moi-même été responsable de la santé des clones bovins de l’Inra , nous avons ainsi rédigé des recommandations pour les soins vétérinaires à mettre en place durant la gestation et la période néonatale dans les équipes qui entreprennent le clonage d’animaux domestiques. Cependant, au-delà de quelques mois après la naissance, les animaux clonés ne présentent plus de pathologies particulières. Tous les rapports d’expertise des instances réglementaires dans le monde, qui sont basés sur les publications scientifiques et les données disponibles, indiquent qu’une fois adultes ces animaux ne sont pas différents d’animaux issus de la reproduction sexuée ».

Pourquoi a-t-on orienté en Europe les recherches sur le clonage des animaux domestiques (porc, mouton, etc.), et non pas sur les primates ? « Ce choix a été fait pour des raisons éthiques et parce que les laboratoires qui ont mis au point cette technique ne travaillaient pas sur les primates. »

Des recherches sur l’édition du génome

Fin 2017, les quatre académies des sciences, de médecine, de pharmacie et vétérinaire ont publié une déclaration commune concernant l’utilité de continuer, dans certains cas, l’expérimentation animale, dans le but de faire des progrès en santé humaine2.

« On sait que la souris est un mauvais modèle pour un certain nombre de pathologies humaines, précise Pascale Chavatte-Palmer. C’est pourquoi des modèles alternatifs (porc, mouton, lapin, etc.) sont aussi développés. Grâce aux nouveaux outils d’édition du génome, applicables dans les espèces domestiques, sans être nécessairement liés à des techniques de clonage, des modèles pertinents de maladie de l’homme sont développés. Si ces techniques s’appliquent un jour aux animaux d’élevage pour changer leurs caractéristiques (par exemple, améliorer la résistance à des maladies ou permettre l’expression d’un phénotype recherché) se posera alors très certainement la question de savoir quel statut donner à de tels animaux quand ils existeront au niveau de l’Europe. »

1 En savoir plus sur iets.org.

2 À lire sur bit.ly/2LySxou.

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